Le gouvernement veut permettre aux supermarchés d’ouvrir de 21 heures à minuit. Cette mesure contestée sur le travail de nuit dans le commerce alimentaire devait être annoncée mercredi en Conseil des ministres.
Cet article avait soulevé dans sa première rédaction un tollé des syndicats. Il proposait de permettre aux supermarchés et autres supérettes d’ouvrir de 21h à minuit en bénéficiant de dérogations aux règles du travail de nuit accordées à des secteurs comme le spectacle, le cinéma ou les discothèques.
Actuellement, seuls les commerces alimentaires dépendant des zones touristiques internationales (ZTI) peuvent ouvrir en soirée, à des conditions bien précises : une rémunération double, un strict volontariat et un repos compensateur équivalent, ainsi que des contributions à la garde d’enfants et au trajet de retour tardif.
Or, dans sa première mouture, l’article imposait simplement de conclure un accord d’entreprise ou une convention ou accord de branche, avec des contreparties en temps de repos pour les heures travaillées en soirée, mais sans rendre obligatoire une compensation financière.
Le ministère du Travail avait revu sa copie et proposait un alignement « vers le haut » des règles pour les commerces alimentaires sur celles des zones touristiques internationales (ZTI).
« Un correctif avait été apporté qui tenait compte de nos remarques », observe Olivier Guivarch, de la CFDT Services. Mais ainsi rédigé, l’article « ne plaît pas au patronat », et a finalement été retiré mardi matin du projet de loi, selon ce syndicaliste.
Finalement, le Conseil des ministres va simplement habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de 18 mois « toute mesure nécessaire afin d’adapter la législation applicable en matière de travail de nuit » pour les commerces de détail à dominante alimentaire.
« Le travail de nuit, nuit ! »
Le ministère du Travail assure que la concertation, ouverte « à la demande de toutes les parties », ne débouchera pas sur un projet moins-disant socialement. Les syndicats en doutent, soulignant qu’ils « n’étaient pas demandeurs » d’un assouplissement du travail de nuit.
« Le gouvernement répond à un lobbying de la grande distribution », estime Carole Desiano, secrétaire fédérale FO-FGTA, pour qui « derrière l’offensive sur le travail de nuit et le dimanche, il y a l’automatisation des caisses et les menaces sur l’emploi ».
« Le travail de nuit, nuit ! », s’exclame la CFTC, qui rappelle « les risques accrus » pour la santé. « Outre les perturbations biologiques, travailler le soir c’est souvent sacrifier la vie familiale et le lien social », souligne le syndicat.
« Obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, dépressions »
« De plus en plus de travaux scientifiques montrent que le travail de nuit met les salariés concernés en dette de sommeil avec des conséquences connues : l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, les dépressions. Cela aurait même une incidence sur le cancer du sein chez la femme », a indiqué le Dr Marc Rey, président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV).
« On continue à étendre le travail de nuit ou en horaires décalés, alors que c’est très délétère pour la santé des salariés concernés et que ça pose un problème majeur à notre société qui en paie les conséquences sanitaires », constate-t-il. « On se tire une balle dans le pied car c’est la société qui en paie la prise en charge ».
Sylvie Vachoux, secrétaire fédérale de la CGT-Commerce, rappelle que la grande distribution emploie beaucoup de femmes et de temps partiels. « Les mamans qui ont des enfants en bas âge, comment feront-elles ? », interroge-t-elle. « C’est quoi une société où on doit faire garder ses enfants jusqu’à minuit pour travailler, tout ça pour vendre une boîte de petits pois ? »
De nombreux magasins pratiquent des ouvertures de soirée et du dimanche après-midi en dehors du cadre légal, en dépit des condamnations.
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