Le Nouveau Front populaire a enfin réussi à s’accorder mercredi sur un candidat commun pour briguer le perchoir de l’Assemblée nationale, en la personne du communiste André Chassaigne, alors que les négociations à gauche pour Matignon piétinent toujours.
Après de longues tractations, les quatre groupes du Nouveau Front populaire, arrivé en tête des législatives anticipées, ont mis un terme provisoire à leurs divisions en désignant André Chassaigne, âgé de 74 ans et député depuis 22 ans, comme leur candidat commun pour la présidence de l’Assemblée.
« On a travaillé dans un état d’esprit constructif, respectueux, d’écoute », a assuré le socialiste Boris Vallaud. « On a acquis la conviction que nous avions dans la personne d’André Chassaigne ce candidat qui pouvait avoir l’ensemble de nos visages, de nos cultures, et de nos qualités », a-t-il plaidé.
« Élu de la ruralité », M. Chassaigne a de son côté insisté pour une « forme de pacification » dans une France « abîmée », alors que les alliés de LFI ont souvent été critiqués pour leur attitude dans l’hémicycle.
André Chassaigne faisait face à quatre autres prétendants : Boris Vallaud, l’écologiste Cyrielle Chatelain, et les deux insoumis Mathilde Panot et Éric Coquerel. Mathilde Panot et Éric Coquerel ont retiré leur candidature au fur et à mesure des discussions pour aboutir à une candidature unique a expliqué Clémence Guetté sur France Info, affirmant que « contrairement aux caricatures qui peuvent en être faite, la France insoumise est toujours du côté de la solution et pas du problème ».
« Quelqu’un qui toute sa vie a soutenu les pires régimes autoritaires communistes »
Mais Sébastien Chenu RN s’étonne de la proposition en 2024 d’un élu communiste qui « a adhéré au Parti communiste en 1966 ». « Le mur de Berlin, Cuba, pas de problème », dit-il sur le plateau de BFMTV, évoquant « quelqu’un qui toute sa vie a soutenu les pires régimes autoritaires communistes ». Il dénonce également ses prises de position : « il voulait faire voter une résolution disant qu’Israël est un État d’apartheid l’année dernière » et « en 2016 il est un des rares députés à avoir voté contre un accord de soutien à l’Ukraine ».
À moins de 24 heures d’une élection incertaine prévue jeudi à partir de 15h00, André Chassaigne s’ajoute à la liste des autres prétendants : la sortante Yaël Braun-Pivet qui sera soutenue par son groupe macroniste et le MoDem ; l’indépendant centriste Charles de Courson, Naïma Moutchou pour Horizons et le RN Sébastien Chenu. À cette liste devrait s’ajouter un postulant LR, Annie Genevard ou Philippe Juvin, selon l’issue d’un complexe jeu de tractations pour les postes clés au sein du Palais-Bourbon.
La tripartition de l’hémicycle entre Nouveau Front populaire, camp présidentiel et Rassemblement national, tous éloignés de la majorité absolue, brouille le paysage parlementaire et encourage à la constitution d’alliances. Cela donnera le ton sur les chances futures de dégager une majorité dans cette Assemblée, et donc sur celles de voir un gouvernement émerger.
L’accord du NFP pour André Chassaigne peut redonner un peu d’espoir à gauche, où les négociations du NFP sur le candidat commun au poste de Premier ministre sont dans l’impasse. Depuis 10 jours, Insoumis et socialistes s’opposent de plus en plus frontalement, suscitant l’ire de leurs partenaires.
La patronne des écologistes Marine Tondelier s’est dite « écoeurée » par cette guerre de leadership. Elle a jugé sur France 2 que « si certains n’ont pas envie (de gouverner), ils vont devoir l’assumer », exhortant ses partenaires à se remettre à la table des négociations.
« Aucun canal de discussion n’est rompu », a déclaré sur X Olivier Faure. Mais le patron du PS a aussi admis une « impatience », alors que deux tiers des Français estiment que cette difficulté à trouver un potentiel Premier ministre à gauche n’est « pas normale » et y voient le signe que le NFP ne va pas tenir dans la durée, selon un sondage Elabe.
Pour sortir de l’impasse, certains comme François Ruffin ou le groupe communiste souhaitent un vote des députés du NFP.
C’est presque l’heure de la dernière chance pour la gauche, qui craint de se faire doubler par le « bloc central » à l’Assemblée : de nombreux cadres macronistes lorgnent du côté de la droite pour construire une « coalition majoritaire » ou un « pacte législatif », une demande qui émane d’Emmanuel Macron.
Gabriel Attal, démissionnaire depuis mardi mais qui reste chargé des affaires courantes, a d’ailleurs promis de proposer prochainement « des rencontres » aux autres groupes politiques pour « avancer vers (un) pacte d’action » en vue de la formation d’un nouveau gouvernement.
Laurent Wauquiez, le leader du nouveau groupe de La Droite républicaine, refuse néanmoins toujours catégoriquement l’idée d’une coalition avec la majorité sortante, préférant plancher sur un « pacte législatif » autour de plusieurs mesures phares de la droite.
En nette progression avec 143 députés aux côtés de ses alliés, le Rassemblement national compte bien tirer profit de ce blocage institutionnel. « J’avais dit soit le Rassemblement national aura une majorité absolue, soit ce sera le bourbier. C’est le bourbier, tout cela était prévisible », a lancé Marine Le Pen sur BFMTV/RMC.
Elle a également réclamé que le RN et ses alliés soient représentés à la hauteur de leurs élus dans les instances dirigeantes de l’Assemblée alors que la gauche veut s’y opposer. « Une hypocrisie majeure », selon Mme Le Pen.
Les postes stratégiques de l’Assemblée, comme les questeurs et vice-présidents, seront désignés vendredi, avant des élections samedi pour la tête des commissions, en clôture d’une nouvelle semaine d’intenses tractations politiques.
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