À douze jours du premier tour des législatives, le débat de la campagne électorale s’est concentré mardi sur le niveau de déficit public du pays, laissé à 5,5 % du PIB en 2023 par le gouvernement sortant.
« Respecter nos concitoyens, c’est aussi reconnaître les exigences du réel, et ne pas creuser encore davantage des déficits lourds qu’on ne saurait pas bien financer », a mis en garde le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Mercredi, la Commission européenne devrait ouvrir la voie à des procédures disciplinaires pour déficits publics excessifs contre une dizaine de pays de l’Union européenne, dont la France.
Le déficit a en effet dérapé en 2023 à 5,5 % du PIB, au lieu de 4,9 % attendus, si bien que fin mai l’agence de notation américaine S&P Global Ratings a baissé de AA à AA- la note souveraine de la France. En outre, les taux d’emprunt de la deuxième économie européenne ont augmenté depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron, après sa débâcle aux européennes du 9 juin.
Bien que comptable de cette situation, c’est le gouvernement sortant qui a attaqué mardi les deux camps en tête des intentions de vote : le Rassemblement national (RN, crédité de 33 % selon l’ Ifop) et la gauche du Nouveau Front populaire (à 28 %), le camp du président étant à 18 %.
Selon le Premier ministre Gabriel Attal, RN et NFP « promettent, dans leurs programmes, un matraquage fiscal à tous les étages pour financer leurs folies budgétaires ». Le pays connaîtrait « une crise de la dette, si leurs programmes étaient intégralement appliqués », a renchéri Bruno Le Maire, ministre des Finances depuis sept ans.
« L’urgence, c’est de relever l’économie française »
Pour le Nouveau Front populaire, la socialiste Valérie Rabault, première femme rapporteure du budget à l’Assemblée (de 2014 à 2017), leur a répondu en temps réel. Elle a chiffré à 106 milliards d’euros les dépenses nouvelles prévues par le programme de l’alliance « sur la période 2024-2027 ». Elle a annoncé la trajectoire budgétaire suivante : « déficit de 5,7 % du PIB cette année, puis 5,4 % en 2025 et 5,1 % en 2026 avant d’atterrir à 3,6 % en 2029 ». « Certes, nous allongeons les délais pour le rétablissement des comptes publics. Mais il faut comprendre que l’urgence, c’est de relever l’économie française », a-t-elle affirmé.
De son côté, le chef de file du RN, Jordan Bardella, avait annoncé le matin une mise en place par étapes du programme du RN, si ce dernier arrivait au pouvoir. La « première mesure » serait de faire voter un budget rectificatif incluant une baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l’énergie et les carburants, alors que le pouvoir d’achat est un des sujets centraux de la campagne.
En revanche, la suppression de la TVA sur les « produits de première nécessité » attendrait le budget suivant, « à la rentrée ». « Il y a les urgences et les réformes », a plaidé celui qui dit s’apprêter à « hériter d’un pays en situation de quasi faillite » et souhaite d’abord effectuer « dès son arrivée » un « audit des comptes de l’État ».
Lundi, M. Bardella avait aussi confirmé qu’il abrogerait l’impopulaire réforme des retraites, mais « à partir de l’automne ». Le président du RN a par ailleurs clairement annoncé mardi soir sur la chaîne France 2 qu’il « refusera d’être nommé » Premier ministre sans majorité absolue à l’Assemblée. « S’il y a une majorité relative, le Premier ministre ne peut pas agir », avait-il dit plus tôt.
« La gauche beaucoup plus divisée »
Selon M. Attal, « s’agissant de Jordan Bardella, il y a de moins en moins de programme et de plus en plus de conditions, ça commence à ressembler à un refus d’obstacle ». L’alliance de gauche reste elle divisée sur le nom comme sur le mode de désignation de l’éventuel Premier ministre, en cas de victoire.
La France insoumise (gauche radicale) plaide pour une désignation par le groupe majoritaire au sein du NFP, ce qui pourrait avantager le parti du très clivant Jean-Luc Mélenchon, qui a investi 229 candidats, contre 175 pour les socialistes, 92 pour les écologistes et 50 pour les communistes.
Au contraire, le patron des socialistes prône « un vote » des députés nouvellement élus. Une alliance qui a été la cible dans la soirée du président Macron : « la gauche est beaucoup plus divisée qu’en 2022 parce qu’elle n’a pas de chef » et son programme est « totalement immigrationniste ».
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