Il y a quelques mois de cela, j’écrivais une tribune soulignant qu’une primaire au sein d’un parti c’est l’acte de décès de ce même parti. J’y évoquais le PS, les Républicains, EELV, et j’expliquais qu’un parti est déjà mort dès lors qu’il n’a pas de leader naturel s’imposant comme candidat à la principale élection française. La primaire, c’est une rustine prétendument objective et démocratique pour tenter de faire tenir un édifice brinquebalant dont les morceaux partent avec le vent. J’annonçais l’échec programmé de Valérie Pécresse, d’Anne Hidalgo, de Yannick Jadot qui, outre la médiocrité de leurs campagnes respectives, souvent molles, souvent contradictoires, entachées de couacs, n’étaient respectivement que des rustines pour cacher le naufrage de leurs partis. Le PS est mort depuis des années, Benoît Hamon déjà avait péniblement sauvé la mise financière en dépassant les 5%, EELV est depuis longtemps coupé en deux, saboté par sa branche extrémiste qui racole le pire du wokisme français et rejette la protection de la planète bien loin derrière l’écriture inclusive, les performances à poil dans les rues et le délit de non-accomplissement des tâches ménagères. Quant à LR, le clivage s’était bien manifesté lors de la primaire, clivage ancien également, mais qui avec la montée en puissance du RN et l’imitation sarkozyste de Macron s’est élargi, les cadres et les anciens du parti trouvant plus profitable d’aller voir ailleurs que de soutenir une candidate incapable de se hisser possiblement au second tour des présidentielles. Les primaires révèlent l’échec d’un parti à unir les différentes tendances qui peuvent s’exprimer en son sein, et de fait, annoncent son éclatement et sa chute à venir. Les candidats ne sont que des pantins tenant des pièces d’avion avec des bouts de scotch.
Mais la primaire n’est que le révélateur de l’effondrement, il n’en est pas la cause. Il faut tout de même expliquer pourquoi ces partis, parfois encore triomphants à l’échelle locale, profitant il est vrai d’une implantation ancienne qui risque fort de se perdre dans les années à venir à l’image du parti communiste, ont vu leurs électorats fondre dans cette élection. Si la baisse des Républicains est la plus spectaculaire, l’échec d’EELV est cuisant alors que les municipales lui avaient donné le droit à de grandes espérances et le PS, certes sans alliance, divise encore par trois son score de 2017. Il y a bien sûr de multiples raisons qu’il serait trop long de détailler ici en long et en large, allant du vote utile au profil des candidats, du manque d’alliances à la nature des principales préoccupations des Français. Tout cela a pu jouer un rôle, mais une raison mérite tout de même d’être davantage explicitée : l’hypocrisie des candidats en question.
La vérité, c’est que depuis le début de cette élection, les Français sont dans deux camps. Le camp des macronistes et le camp des anti-Macron. Il n’y a pas d’autres camps, cette élection est pour ainsi dire un référendum : voulez-vous reprendre cinq ans de macronisme ? Le camp macroniste a son leader naturel et celui des anti-Macron avait à choisir le sien. Marine Le Pen s’est extirpée de cette lutte pour le devenir, certes au coude à coude avec Jean-Luc Mélenchon. La raison du succès de Marine Le Pen, et dans une certaine mesure de Jean-Luc Mélenchon, comme adversaire d’Emmanuel Macron tient en grande partie à l’hypocrisie des candidats ci-avant évoqués. Pendant la campagne du 1er tour, Pécresse, Hidalgo, Jadot se présentaient comme la seule opposition crédible à Macron, ils juraient sur les grands Dieux qu’avec eux le monde serait différent. Ils n’avaient pas de mots assez durs à l’égard du président sortant, certains membres de l’équipe de Valérie Pécresse le traitant même de « dictateur ». Et que voyons-nous au soir du 1er tour ? Tous appellent à voter « inconditionnellement » pour Emmanuel Macron. Voilà ce qui a tué les vieux partis, le PS, LR, et voilà ce qui ne fera pas les regretter : leur hypocrisie. Si les Français hostiles à Emmanuel Macron avaient cru un instant que Valérie Pécresse ou Anne Hidalgo étaient réellement d’authentiques opposantes à Macron — ce qui vaut également pour Jadot — alors leurs scores auraient été beaucoup plus élevés en dépit de leurs maladresses, mais les Français ont bien compris que dans l’hypothèse où ce serait un autre qu’elles face à Macron, elles serviraient de marchepied à la réélection de ce dernier. Ce qu’ont voulu les Français ayant voté pour Marine Le Pen et pour Jean-Luc Mélenchon, c’est avoir en face d’Emmanuel Macron non pas seulement un programme en radical désaccord avec le sien, mais un candidat qui n’appartiendrait pas à la fausse opposition politique comme le PS et LR. Le PS et LR ont voté main dans la main toutes les propositions de lois d’Emmanuel Macron, ont cautionné ses décisions liberticides en actant le pass et en se montrant parfois même plus royalistes que le roi. Ces partis relèvent de l’opposition fantoche, servent à entretenir l’image d’une démocratie véritable lorsqu’en réalité ils ne sont que des mirages, gesticulant beaucoup pour faire illusion devant les Français mais servant la soupe à leur maître élyséen. L’échec du PS et de LR dans cette élection, et de manière générale le déclin considérable de ces partis depuis des années au profit du RN et de LFI tient en grande partie à leur hypocrisie, à leur double jeu qui ne tient plus. Les Français ne veulent plus être les dindons de la farce. Ils ne veulent pas voter Macron pour avoir Pécresse 1er ministre, ni Pécresse pour avoir Macron 1er ministre, et si Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont rallié derrière eux la quasi-totalité des votes des Français qui ne veulent pas d’Emmanuel Macron, c’est bien parce que les Français étaient certains de ne voir ni l’un ni l’autre se compromettre avec lui. Il est certain que si Marine Le Pen avait été à la place de Jean-Luc Mélenchon, elle n’aurait pas appelé à voter Macron, tout comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon à qui l’on pourra toutefois reprocher de ne pas avoir appelé clairement à voter blanc. Sûrement ce genre de lacunes explique-t-il sa troisième place.
Certains regrettent ce glissement vers les « extrêmes », mais s’il faut chercher dans les extrêmes des convictions politiques affirmées et une véritable opposition au pouvoir, la seule culpabilité en revient aux partis qui ont trahi. Comment s’ériger comme le parti d’opposition et la meilleure alternative à un gouvernement lorsqu’on a, tout son quinquennat durant, fait mine de s’opposer à lui en votant ses lois et une fois la campagne présidentielle venue, dit le plus grand mal de sa politique pour finalement appeler à voter pour lui ? Comment peut-on, à l’instar de Fabien Roussel — le candidat communiste représentant d’un parti sabordé de plus ancienne date — dénoncer le capitalisme fou à La Défense la veille pour appeler le lendemain à voter pour un candidat favorable à la retraite à 65 ans, à l’augmentation des frais universitaires, au travail des bénéficiaires du RSA rémunéré en dessous du SMIC horaire ? Cette contradiction n’est plus acceptable, ce manque de convictions politiques est comme l’herpès sur la lèvre du jeune amoureux, il n’invite pas à l’embrasser. Les Français ne veulent plus d’opposition fantoche à la manière des républicains, des socialistes, des écologistes, des communistes. Lorsqu’ils veulent une alternative au pouvoir, ils veulent une véritable alternative, pas une alternative qui ne l’est que six mois, le temps de la campagne présidentielle. Si Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et dans une moindre mesure Éric Zemmour sont devant les autres, c’est parce qu’en votant pour eux, l’électeur savait que ces candidats ne rallieraient pas Macron au second tour en cas d’échec. L’électeur savait qu’il n’entendrait pas toutes ces petites voix (Dati, Copé, Rousseau, Jadot, Pécresse, Sarkozy, Hidalgo, Faure, Coffin…) appeler à voter pour le candidat dont il ne veut justement pas. Toutes ces petites voix issues de partis morts ou agonisants qui tout en appelant à voter Macron s’interrogeaient dès hier soir pour comprendre les raisons de leur échec. Il n’y a pas besoin de chercher bien loin, lorsqu’on veut accéder au pouvoir en entubant les Français, ça peut marcher une fois, éventuellement deux sur un repentir d’apparence sincère, mais à la troisième c’est la chute, et lorsqu’on est politicien, parce qu’on aime s’aveugler face à la réalité, elle est souvent brutale.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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