Des personnes mystérieuses vous envoient-elles des messages sur les médias sociaux pour vous dire simplement « Salut » ? Je ne réponds jamais.
Il est fort probable qu’il s’agisse d’escrocs d’Asie du Sud-Est dirigés par des cybergangs chinois. Ce petit « Salut » est une de leurs stratégies, selon un reportage réalisé cette année par VOD, un organe de presse cambodgien qui mériterait un Pulitzer. La curiosité de la victime de l’escroquerie, ou « cible », est ainsi éveillée, la conversation s’engage.
Pas moins de 100.000 étrangers travaillent pour des cybercriminels au Cambodge, selon le secrétaire d’État du ministère de l’Intérieur, Sok Phal. Pourtant, le gouvernement cambodgien fait peu pour fermer ces entreprises spécialisées dans l’escroquerie où ils sont souvent emprisonnés.
Dans un article publié cette semaine, le Los Angeles Times affirme que « le gouvernement cambodgien a donné carte blanche aux syndicats du crime chinois pour faire venir des dizaines de milliers d’hommes et de femmes étrangers qui, selon les organisations de défense des droits de l’homme et leurs propres témoignages, sont retenus en captivité pour travailler dans des usines de cyberescroquerie surpeuplées ».
Des ressortissants chinois, vietnamiens, malaisiens, taïwanais, indonésiens, birmans et thaïlandais figurent parmi ceux qui sont enfermés dans ces centres d’escroquerie, qui ressemblent parfois à des villes fermées abritant des milliers de personnes. Les vigiles prennent les passeports des victimes et montent la garde aux portes. Les travailleurs sont réduits à l’esclavage pour dettes et ne peuvent acheter leur liberté que pour 30.000 dollars chacun.
Certains des complexes sont constitués de groupes d’hôtels ou de casinos, notamment à Phnom Penh, la capitale du Cambodge. Les escroqueries portent sur les jeux d’argent, l’amour et la pornographie. Les escrocs qui ne coopèrent pas sont battus, électrocutés, vendus, ou pire encore.
Les travailleurs se vendent pour des milliers de dollars chacun sur des applications de messagerie qui incluent leurs photos. Sur l’une d’elles, on voit un homme ensanglanté avec des doigts manquants. Un gang en aurait envoyé un autre dans une banque de sang clandestine qui lui a prélevé son sang tellement de fois qu’ils ont dû inciser sa cuisse pour trouver une veine et pomper son sang.
Après la publication d’articles de presse, la diffusion de vidéos et le recours à des pressions diplomatiques pour libérer certains captifs, les autorités cambodgiennes ont finalement mené des opérations en septembre. Des milliers d’esclaves ont été libérés, mais pour la plupart, les régimes chinois et cambodgien détournent le regard. Quelques opérations montrent que la loi est respectée, mais les escrocs sont envoyés dans des régions moins connues de l’Asie du Sud-Est, notamment au Myanmar et au Laos.
Le Times fait état de relations étroites entre des fonctionnaires et des syndicats chinois, ce qui concentre l’attention sur la corruption endémique du Cambodge et ses relations avec la Chine.
La police chinoise et l’ambassade de Chine au Cambodge ont refusé de venir en aide à un Chinois réduit en esclavage, nommé Lin (VOD a modifié son vrai nom pour le protéger), dans un complexe hôtelier contrôlé par des gangs entretenant des relations avec des entreprises chinoises légales et des fonctionnaires cambodgiens.
Lin a été capturé, son téléphone confisqué. Il a dû travailler dans une agence matrimoniale où des femmes âgées de 25 à 40 ans étaient ciblées dans des pays comme la Malaisie, Singapour, les États-Unis et l’Europe, afin de leur soutirer des dizaines de milliers de dollars.
Le détenu n’a pu récupérer son téléphone qu’en guise de récompense pour avoir participé à l’arnaque et gagner la confiance de ses ravisseurs. Il a ensuite effectué des recherches sur Internet et s’est renseigné auprès de responsables et de groupes de protection à but non lucratif depuis la salle de bain de l’usine.
Les gangs détiennent leurs escrocs involontaires dans de grands complexes commerciaux déguisés en groupes hôteliers et en centres technologiques.
Des équipes de secours chinoises, cambodgiennes et vietnamiennes participent à la libération de détenus, dont l’un a été rebaptisé « Zhang » par VOD. « Zhang a raconté qu’il avait fini par entrer en contact avec une équipe de secours dirigée par un entrepreneur chinois. Il leur a envoyé des SMS tous les jours jusqu’au début du mois de novembre. La police militaire cambodgienne est alors entrée dans l’enceinte de la ‘Couronne’ de Sihanoukville pour faire sortir Zhang », selon VOD.
Sihanoukville est une ville casino miteuse située sur la côte cambodgienne.
Lors d’une autre opération menée pour « arrêter » des esclaves chinois et thaïlandais, la police cambodgienne a gardé le secret sur ses procédures, ses raids et ses interrogatoires vis-à-vis de la police thaïlandaise, qui était à l’origine de l’action et souhaitait une implication plus directe. La police thaïlandaise a émis 71 mandats d’arrêt contre des Thaïlandais, dont 21 seulement ont abouti à un rapatriement. Les responsables cambodgiens n’ont pas libéré les escrocs chinois que la police thaïlandaise a tenté d’arrêter.
Des gangs chinois similaires sont liés à des opérateurs de jeux offshore philippins (POGO), dont les reportages locaux révèlent la réduction en esclavage de Chinois, de Malaisiens et de Birmans, notamment, pour inciter les victimes ciblées à jouer en ligne. Aux Philippines, les cyberesclaves sont achetés et vendus tout comme au Cambodge.
Les gangs chinois sont en train d’étendre l’esclavage moderne pratiqué sur les Ouïghours du Xinjiang, soutenu par Pékin, bien au-delà des frontières de la Chine, jusqu’en Asie du Sud-Est. Voilà notre avenir, si nous permettons au Parti communiste chinois (PCC) de poursuivre son objectif de domination mondiale. L’exportation des gangs chinois en dehors de la Chine est une des nombreuses voies utilisées par Pékin pour étendre son influence malveillante.
Anders Corr est titulaire d’un BA/MA en sciences politiques de l’université de Yale (2001) et d’un doctorat en administration de l’université de Harvard (2008). Il est directeur de Corr Analytics Inc. et éditeur du Journal of Political Risk, et a mené des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Il est l’auteur de « The Concentration of Power » et de « No Trespassing », et a édité « Great Powers, Grand Strategies ».
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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