On connaît l’effet puissant qu’exerce la musique sur celui qui l’écoute. La musique à la réputation d’améliorer la santé mentale, soulager la solitude, la douleur physique, l’anxiété et la dépression.
Et d’ailleurs, de plus en plus de médecins incitent leurs patients à se tourner vers la musique comme s’il s’agissait d’une forme de médecine. Cette démarche, qui consiste à orienter les gens vers des activités aussi diverses que les groupes de course à pied, les cours d’art ou les chorales, est connue sous le nom de « prescription sociale » et est relativement bien établie dans beaucoup de pays.
Ce genre de recommandation est relativement nouveau, sauf pour la musique qui est utilisée en thérapie depuis un certain temps déjà. Elle a notamment été utilisée au XIXe siècle dans certains asiles de l’époque victorienne, et permettait d’accompagner les patients dans leur traitement.
La musique dans les asiles
On associe généralement les asiles de l’époque de Dickens à des conditions sanitaires déplorables, à la surpopulation, l’insécurité, au fait que les patients étaient détenus contre leur gré, etc. Et il est vrai que les gens de l’époque connaissant mal les maladies mentales et le fonctionnement du cerveau, de nombreux traitements utilisés à l’époque nous semblent aujourd’hui barbares, comme la saignée, la sangsue, le rasage de la tête ou le bain de glace.
Pourtant la fin du XVIIIe siècle est généralement associée à l’abandon des pires formes de contrainte physique. C’est à cette époque qu’est apparue une nouvelle pratique, connue sous le nom de « gestion morale », qui mettait l’accent sur les bienfaits du travail, de l’alimentation, de l’environnement et des activités récréatives en tant que formes de thérapie.
Lorsque les asiles publics ont été créés au début du XIXe siècle, la musique a rapidement occupé une place importante et était utilisée pour distraire les patients en dehors des heures de travail. La musique et la danse étaient des moyens efficaces de divertir un grand nombre de patients.
Au milieu du XIXe siècle, presque tous les grands asiles, en Angleterre notamment, disposaient de leur propre groupe de musique et organisaient souvent des soirées dansantes auxquelles assistaient plus d’une centaine de patients. Les asiles accueillaient également des concerts et des événements avec des artistes itinérants, des sketches comiques, des chanteurs solistes ou des chorales d’amateurs. Les danses et les concerts étaient généralement les seules occasions pour les patients de se rencontrer en grand groupe, et d’avoir une interaction sociale significative.
Dans les asiles plus petits, accueillant principalement des patients plus aisés, ceux-ci avaient la possibilité de faire de la musique eux-même. Ils apportaient souvent des instruments avec eux et les petits concerts organisés par les patients et le personnel étaient courants.
Les bienfaits de la musique
La valeur thérapeutique de la musique est en grande partie liée à sa fonction sociale car les patients attendaient ces rencontres sociales avec impatience, et ce type d’événement était utilisé pour récompenser les bons comportements. En d’autres termes, la musique était utilisée pour rompre la monotonie de la vie à l’asile.
Par exemple, dans un asile privé, le Dr Alfred Wood a écrit :
« Ces divertissements ont demandé beaucoup d’efforts dans leur préparation et leur organisation et, je peux ajouter, des dépenses considérables ; mais ils sont inestimables pour soulager la monotonie de la vie dans un asile. Le plaisir qu’ils procurent, tant en prévision qu’en réalité, compense amplement les efforts déployés pour les présenter… »
Les danses, en particulier, offrent exercice et plaisir, et même les patients incapables de danser apprécient la musique et l’observation des autres patients.
Les événements musicaux impliquaient également des attentes strictes en matière de comportement. Les patients devaient faire preuve d’une grande maîtrise de soi pour participer et se comporter de manière appropriée. C’est ce processus de conformité aux attentes qui constitue une part importante de la réadaptation. William A.F. Browne, l’un des médecins d’asile les plus remarquables de l’époque, a écrit un essai en 1841 sur le contrôle de soi nécessaire avant, pendant et après les divertissements.
D’autres ont suggéré que la musique permettait de rappeler aux patients les jours heureux de leur passé et de leur donner de l’espoir et du plaisir. Browne parle également du « pouvoir de la musique pour apaiser, animer, réveiller ou faire fondre ». Il rapporte que même les patients difficiles pouvaient bénéficier de la musique : « Il y a ou il peut y avoir une vie cachée en lui qui peut être atteinte par l’harmonie. »
L’écrivain James Webster a écrit en 1842 que « chez beaucoup, l’effet produit par la musique sur leur visage et leur comportement était souvent complètement visible ». Les archives contiennent même de nombreuses histoires de patients apparemment guéris par la musique.
Webster cite l’exemple d’une jeune fille, auparavant « morose » et « en état de choc », qui, sous l’influence de la musique, semblait « contente » et « joyeuse » – paraissant « une créature tout à fait changée ». Browne évoque également dans l’un de ses livres l’effet miraculeux de la musique sur un patient qui s’est réveillé, guéri, le lendemain matin après avoir écouté une interprétation de mélodies traditionnelles écossaises.
La musique comme traitement
Dans les années 1890, de nombreux médecins ont mené des expériences sur la relation entre la musique et les maladies mentales. Herbert Hayes Newington, directeur médical de l’un des asiles les plus prestigieux de l’époque, utilisait la musique pour diagnostiquer les patients et contribuer à l’élaboration de théories sur le fonctionnement du cerveau. Le révérend Frederick Kill Harford, qui a fait campagne en faveur de la musique dans les hôpitaux publics au début des années 1890, pensait que la musique pouvait traiter la dépression, soulager la douleur physique et favoriser le sommeil.
Bien que la musique soit restée dans les asiles en tant que forme de thérapie, l’intérêt qu’elle suscitait en tant que traitement à grande échelle a diminué avec l’apparition d’innovations telles que la thérapie électroconvulsive au 20e siècle.
Pour les patients des asiles d’antan, la musique était un élément important de leur traitement. Elle leur offrait non seulement la possibilité de s’engager dans une démarche créative, mais répondait également à toute une série de besoins sociaux, émotionnels et intellectuels. Compte tenu de ce que nous savons aujourd’hui des bienfaits de la musique sur la santé mentale, on comprend pourquoi les médecins y reviennent.
Rosemary Golding est maître de conférences en musique à l’Open University, au Royaume-Uni. Cet article a initialement été publié par The Conversation.
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