Quels noms d’artistes viennent à l’esprit lorsqu’il est question d’histoire de l’art ? Giotto, Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-Ange, Caravage, Le Bernin, David, Delacroix, Manet, Van Gogh, Picasso… Que des artistes masculins, en somme. Si pour l’historienne d’art et conservatrice Katy Hessel – dont la traduction en français de son ouvrage, The Story of Art without Men (Londres, Penguin, 2022), a paru dernièrement – de tels artistes sont aussi souvent mentionnés, cela viendrait non pas du fait qu’ils étaient des génies, mais de ce que nous serions victimes d’une perception exclusivement « masculine » de l’histoire de l’art. Ainsi, les femmes artistes pâtiraient selon elle encore aujourd’hui d’un manque cruel de reconnaissance et resteraient largement sous-représentées (dans les galeries d’art, les musées, les expositions d’art et les livres).
Or, comme Katy Hessel le rappelle d’ailleurs, être artiste sous la Renaissance nécessitait d’avoir reçu une solide éducation préalable : en mathématiques, littérature, science de la perspective et de l’anatomie humaine, etc. Une éducation qui était alors réservée aux hommes. Il est donc facile de comprendre pourquoi on n’associe spontanément à une période comme la Renaissance que des artistes masculins, et il serait ici futile de s’en indigner. Faire de l’histoire de l’art doit certes consister à découvrir ou à mieux connaître des artistes, mais sans perdre de vue que l’époque étudiée (avec ses préjugés, ses défauts et ses injustices) n’est pas la nôtre.
Katy Hessel est une historienne d’art féministe qui s’emploie à redonner aux artistes femmes la place qui fut la leur à ses yeux. C’est son combat et on peut bien sûr le respecter. Mais à condition qu’elle ne tombe pas dans l’expurgation de l’art. Car dépouiller l’histoire de l’art des artistes masculins reviendrait ainsi à « effacer » – pour recourir au vocabulaire de la bien-pensance « woke » actuelle – , la révolution coloriste de Delacroix, la remise en cause par Manet de l’espace perspectif tridimensionnel, ou encore la dichotomie entre réalité et couleur introduite par Van Gogh et Gauguin – celle-ci devenant désormais un langage propre à l’artiste, indépendamment du monde environnant. En un mot, oui à la (re)découverte des artistes femmes, oui à la reconnaissance de leur rôle dans leur quête d’indépendance et d’égalité vis-à-vis des hommes ; mais non à l’occultation ou la négation de certaines des révolutions formelles et chromatiques qui ont ponctué l’art de ces quelque 500 dernières années sous prétexte qu’elles auraient été conduites par des hommes.
Article écrit par Matthieu Creson avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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