ENTRETIENS EPOCH TIMES

Paul Melun : « L’intérêt de l’Algérie est d’affaiblir la France et de la rendre responsable de ses propres échecs. »

janvier 17, 2025 13:55, Last Updated: janvier 17, 2025 22:41
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ENTRETIEN – L’essayiste et président du laboratoire d’idées Souverains Demain ! Paul Melun répond aux questions d’Epoch Times sur les tensions entre Paris et Alger. Il est l’auteur des Enfants de la déconstruction (Marie B, 2019) et de Libérer la gauche (Cerf, 2023)

Epoch Times : Paul Melun, le renvoi, la semaine dernière en France de l’influenceur Doualemn par les autorités algériennes, quelques jours après son expulsion du territoire français, marque un nouvel épisode des tensions entre Paris et Alger. Comment analysez-vous cette dégradation des relations diplomatiques entre la France et l’Algérie ?

Paul Melun : Rappelons d’abord un élément ; la France, par la voix du président de la République, a bien fait de reconnaître la marocanité du Sahara occidental.

Avant que le chef de l’État ne prenne cette décision, j’avais déjà publié un article dans Géostratégie Magazine à ce sujet. J’étais convaincu qu’il fallait normaliser et améliorer la relation entre le Maroc et la France, qui est une relation diplomatique très importante, quitte à risquer de se brouiller avec Alger.

D’ailleurs, bien avant la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par la France, l’Algérie multipliait déjà les provocations sur un grand nombre de sujets à l’égard de la France. Elle ne voulait déjà pas reprendre ses ressortissants faisant l’objet d’une OQTF à titre d’exemple.

Le régime algérien est aussi, depuis longtemps, dans la repentance par rapport à la guerre d’Algérie. Il utilise l’Éducation nationale et les médias pour alimenter une forme de rancœur, de victimisation vis-à-vis de Paris.

La France n’est donc pas la première responsable de la dégradation de ses relations diplomatiques avec l’Algérie.

La reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental a certes poussé à une escalade des tensions diplomatiques entre nos deux pays, mais Ager l’a largement alimenté, en refusant de reprendre, encore une fois, ses ressortissants sous OQTF, et en arrêtant Boualem Sansal, pour qui j’ai une immense estime. L’écrivain a été une victime collatérale d’un régime aux abois, clairement devenu illibéral et ne supportant pas la liberté d’expression.

Maintenant, le pouvoir algérien refuse de reprendre « l’influenceur » Doualemn qui diffuse sur les réseaux sociaux des discours de haine vis-à-vis de la France. Il est temps de taper du poing sur la table !

Que cherche à faire, selon vous, le régime algérien à travers ces multiples provocations ? Quel est son intérêt ?

L’intérêt de l’Algérie – comme certains autres pays qui ont des relations d’adversité avec nous ou l’Europe -, est d’affaiblir la France et de la rendre responsable de ses propres échecs que ce soit sur le plan économique, diplomatique ou de la défense.

En Algérie, dès que quelque chose va mal, les médias et le régime accusent la France. Ils avaient même une fois parlé de « complot macronito-sioniste ». Tout ceci en dit long sur la haine de la France et l’antisémitisme de ce pouvoir.

D’ailleurs, il n’y a plus de Juifs aujourd’hui en Algérie. L’antisémitisme est très présent dans ce pays. Alger ose désormais qualifier la France d’État d’« extrême droite », c’est le comble ! Nous n’avons aucune leçon de droits de l’Homme à recevoir du régime de Tebboune qui est en roue libre. Je rappelle que les Accords d’Évian remontent à 1962. Nous ne sommes plus engagés en Algérie depuis 63 ans ! Et pourtant, le régime continue de nous accuser de tous les maux !

C’est comme si la France mettait ses échecs économiques actuels sur le dos de l’occupation allemande ! Cela n’a aucun sens.

Si on vous comprend bien, Alger utilise le narratif décolonial ?

Exactement, et ce n’est pas récent. L’Algérie a poussé la France à entamer un parcours mémoriel et de repentance dès le départ.

Il y avait certainement des reproches justifiés, mais la France s’est déjà excusée. Je ne vois pas ce que nous pouvons faire de plus. Emmanuel Macron et plusieurs de ses ministres sont allés en Algérie. Il est même allé jusqu’à dire, en 2017, que la France avait commis des « crimes contre l’humanité ». Nous avons érigé des monuments, des stèles, etc. Nous sommes déjà allés très loin dans la repentance, peut-être même trop loin.

La France donne également énormément d’argent à Alger dans le cadre de l’aide au développement et a accueilli sur son sol beaucoup de ressortissants algériens qui ont pu être intégrés.

Après tout ce que la France a fait pour l’Algérie, je pense que le régime de Tebboune devrait redescendre sur Terre. Maintenant, nous devons passer à une relation égalitaire entre nos deux pays.

La semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a menacé l’Algérie de « riposter » si elle continue cette « posture d’escalade » évoquant des « leviers possibles » comme les « visas » ou « l’aide au développement ». Gérald Darmanin a, quant à lui, plaidé pour la suppression d’un accord diplomatique de 2013 entre les deux pays permettant aux élites algériennes de « venir en France sans visa et de circuler librement ». Et dans une tribune publiée dans Le Figaro le 10 janvier, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a appelé à « dénoncer » les accords de 1968. Quel regard portez-vous sur ces déclarations fortes ?

À l’évidence, la coupe est pleine. Après avoir tenté une approche courtoise pendant des années, le bloc central a pris conscience que la relation diplomatique avec l’Algérie devait passer par le rapport de force. Tant mieux !

Quand je vois effectivement qu’on commence à se questionner sur les déplacements des diplomates algériens en France, je pense que cela va dans le bon sens.

Ce serait d’ailleurs une simple réciprocité puisque les autorités algériennes font la même chose avec nos diplomates, comme l’a rappelé à plusieurs reprises l’ancien ambassadeur, Xavier Driencourt. Elles surveillent leurs déplacements qui ne peuvent se faire sans leur autorisation.

Il est temps pour nous d’agir. Un certain nombre de mesures peuvent être prises concernant les visas, les transferts d’argent ou encore l’aide au développement. Tout ce qui peut être mis en place doit l’être.

Je suis content d’entendre l’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, remettre en cause les accords de 1968 ainsi que de voir Gérald Darmanin et Bruno Retailleau faire preuve de fermeté. Je pense que si le gouvernement entier est à l’unisson, il trouvera une majorité dans le pays.

D’ailleurs, trois quarts des Français sont d’accord avec le gouvernement. Et à l’Assemblée nationale, je crois qu’il y a une ligne commune vis-à-vis du pouvoir algérien et des intérêts de la France qui pourrait aller du centre gauche jusqu’au RN.

À l’exception des Insoumis et des écologistes, le paysage politique est quand même relativement soudé pour défendre nos intérêts face à ceux qui veulent nous nuire.

Pour vous, la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays est-elle possible ?

Elle n’est pas souhaitable, mais demeure possible. Nous l’avons déjà vu provisoirement avec d’autres pays. On peut envisager à court ou moyen terme, si cela va trop loin, un renvoi des ambassadeurs. S’il faut en passer par là pour défendre nos intérêts, c’est une solution.

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