Le géant de l’électricité EDF a subi en 2022 l’une des pires pertes d’une grande entreprise française de l’histoire récente, creusant son endettement à un niveau également record de 64,5 milliards d’euros, au terme d’une année noire plombée par les déboires de son parc nucléaire mais aussi par sa contribution forcée au « bouclier tarifaire » des Français.
Son chiffre d’affaires a crû de 70% à 143,5 milliards d’euros, tiré par la hausse des prix de l’énergie, mais le groupe passe dans le rouge avec une très lourde perte nette de 17,9 milliards, contre un bénéfice de 5,1 milliards en 2021.
Il s’agit d’une des pertes les plus massives de l’histoire récente en France, derrière France Télecom (20,7 milliards) et Vivendi Universal (23,3 milliards) il y a vingt ans.
« Une année de défis exceptionnels »
Avec la flambée générale des prix de l’énergie, EDF a vu revenir de nombreux clients français, mais n’a pas pu assez produire avec ses centrales : le groupe a dû acheter à prix d’or de l’électricité sur les marchés.
Ce résultat « est historique, et il est la conséquence d’une année (…) de défis exceptionnels pour l’entreprise EDF », a reconnu devant des journalistes le PDG Luc Rémont, arrivé à l’automne.
La rentabilité est fortement pénalisée « par la baisse de production nucléaire » et « les mesures régulatoires exceptionnelles mises en place en France pour 2022, dans des conditions de marché difficiles », a-t-il commenté.
Le dirigeant a en revanche confirmé « la fourchette de production nucléaire de 300 à 330 térawattheures (en 2023), soit une sortie progressive de la crise de la corrosion sous contrainte », un problème de micro-fissures relevées sur des tuyauteries qui a mis à l’arrêt nombre de réacteurs depuis fin 2021.
« Nous sommes dans une perspective de redressement des flux en 2023 très significative et donc c’est ça qui va nous permettre à la fois de financer les investissements (…) et de faire face aux besoins de financement du groupe », a souligné Xavier Girre, le directeur financier.
À l’annonce de ces résultats, le gouvernement a immédiatement remis la pression sur le groupe, affirmant « compter sur le nouveau PDG et sur l’ensemble des salariés pour rétablir dans les meilleurs délais l’intégralité de la production électrique d’EDF », selon les ministres de l’Économie Bruno Le Maire et de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
« Ils souhaitent que soit préparé le projet de nouveaux [réacteurs] EPR décidé par le président de la République », disent-ils encore, au moment où l’État renationalise EDF à 100% pour porter le plan de relance nucléaire soutenu par Emmanuel Macron.
Le PDG d’EDF a assuré que le groupe mettait tout en œuvre pour tenir la date de 2035 pour le démarrage du premier réacteur nucléaire de nouvelle génération.
Un système « à bout de souffle »
L’année 2022 aura été une année particulièrement compliquée pour l’électricien, qui a vu sa production électrique nucléaire et hydraulique tomber au plus bas en pleine crise énergétique et climatique mondiale.
Jamais aussi peu de térawattheures d’origine nucléaire n’avaient été produits depuis 1988 : 279 TWh en 2022, quand EDF produisait 430 TWh en 2005.
En 2022, la disponibilité moyenne du parc de 56 réacteurs est ainsi tombée à 54% (contre 73% sur la période 2015-2019), selon le gestionnaire de réseau de haute tension RTE, faisant planer la menace de coupures électriques en plein hiver.
Finalement, le pire a été évité grâce aux importations d’électricité, aux efforts de sobriété des Français et à la course d’EDF pour rebrancher ses réacteurs.
Il n’empêche, la note est salée. Dans le même temps, le groupe a également fait les frais des mesures mises en place par le gouvernement pour protéger le pouvoir d’achat des Français avec le « bouclier tarifaire », en pleine flambée des prix de l’électricité .
Pour contenir la facture des Français, l’État, actionnaire majoritaire et bientôt unique, a obligé le groupe à vendre en 2022 davantage d’électricité à bas prix à ses concurrents, fournisseurs d’électricité alternatifs. Coût pour l’entreprise : 8,2 milliards d’euros.
Régulièrement dénoncé par EDF et les syndicats, ce mécanisme appelé Arenh a été bâti par la France en 2010 pour essayer de rester dans les clous de la concurrence imposée par Bruxelles. Un système « à bout de souffle » avait affirmé en octobre Luc Rémont.
Le nouveau patron doit rendre son plan de redressement à la Première ministre, Élisabeth Borne, avant l’été.
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