ÉCONOMIE

Peu ambitieux et trop prudent, le plan stratégique du nouveau directeur général de la Société Générale a fortement déçu les investisseurs

septembre 20, 2023 0:25, Last Updated: septembre 20, 2023 0:25
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Le nouveau patron de la Société Générale, Slawomir Krupa n’a pas réussi son premier grand oral tant attendu devant les investisseurs. Sa présentation du nouveau plan stratégique à trois ans de la banque de la Défense a fortement déçu les marchés.

La Société Générale a dévoilé lundi dernier son nouveau plan stratégique, le premier depuis que Slawomir Krupa a pris les rênes de l’établissement, mais sans convaincre les investisseurs. La preuve, l’action Société Générale a plongé de 12,1% à 23,28 euros après la présentation à Londres de la nouvelle stratégie de son nouveau directeur général, tandis que la Bourse de Paris a terminé la journée du lundi 18 septembre en nette baisse (-1,4%).

« En une séance, le titre a effacé tous les gains engrangés depuis la prise de fonction fin mai du successeur de Frédéric Oudéa. Et une partie des espoirs placés en lui », commente Alexandre Garabedian, journaliste du quotidien du groupe Agefi. Mais comment expliquer cette réaction virulente des marchés face au premier grand oral de Slawomir Krupa, alors qu’ils ont salué avec enthousiasme il y a encore une semaine l’initiative de ce dernier – celle de lancer un fonds de dette de 10 milliards d’euros avec le canadien Brookfield ?

« Les [nouveaux] objectifs du groupe n’ont rien d’enthousiasmant »

« Notre plan stratégique 2026 concrétise notre ambition d’être une banque européenne de premier plan robuste et durable », a déclaré Slawomir Krupa, le nouveau directeur général de la Société Générale. « Nous renforcerons le groupe en façonnant un business model simplifié. Nous prendrons les décisions nécessaires pour renforcer le capital et gagner en flexibilité, améliorer structurellement notre efficacité opérationnelle et maintenir notre gestion exigeante des risques au meilleur niveau. »

Par ailleurs, la nouvelle planification stratégique de la banque de la Défense prévoit de porter à 13 % le ratio de fonds propres CET 1. Ce ratio est utilisé dans le secteur pour jauger de la solidité d’un établissement, conformément notamment aux nouvelles règlementations dites de « Bâle 4 ». Ainsi, la Société Générale entame une « discipline stricte dans la gestion du capital » pour devenir « une banque solide » qui est « en mesure d’absorber les chocs », et de « saisir des opportunités » et « capturer la croissance différemment ».

Cependant, « les [nouveaux] objectifs du groupe n’ont rien d’enthousiasmant. Certains sont même moins ambitieux que ceux du plan précédent, qui courait jusqu’en 2025 », pour Alexandre Garabedian. Ce dernier juge que la croissance des revenus visée – de 0% à 2% par an de 2022 à 2026 selon le communiqué – est « sans relief », tandis que ratio de rentabilité des fonds propres, prévu entre 9% et 10% à l’horizon du plan, « marque un recul par rapport aux 10% que la Société générale espérait dégager en 2025. A ce niveau-là, la banque aurait de la peine à rémunérer son coût du capital, et détruirait donc de la valeur ». Le taux de retour aux actionnaires, estimé entre 40% et 50% du résultat net, est quant à lui « inférieur aux 50% promis jusqu’alors ».

« Le manque de croissance est une surprise »

« Nous apprécions l’attention accrue portée aux coûts et l’approche prudente en matière de recettes », notent gentiment les analystes de JPMorgan, avant d’ajouter : « Cependant, les nouveaux objectifs impliquent une baisse des prévisions de revenus du consensus, et il faudra du temps pour que l’action intègre l’amélioration des charges, compte tenu de l’historique mitigé de la Société générale. »

D’autres analystes, a l’instar de ceux de Jefferies se sont voulus plus sévères : « Nous sommes négativement surpris par l’absence de croissance du chiffre d’affaires, par l’augmentation de l’objectif de capital, par la réduction du taux de distribution des résultats, la baisse de l’objectif rentabilité, et globalement par l’absence de détails. »

Ce « manque de croissance (…) ne correspond pas à ce que nous nous attendions. Pour nous, la Société Générale devait générer une croissance supérieure au reste du secteur », continuent les analystes de Jefferies dans une note relayée par Les Echos.

En d’autres termes, les investisseurs attendaient dans le discours de Slawomir Krupa une nouvelle feuille de route permettant à la banque de se relancer après une quinzaine d’années en dents de scie sous la houlette de son prédécesseur Frédéric Oudéa, rythmées par des crises et des scandales, comme par exemple les affaires des Panama Papers et de « CumCum », ou encore la sortie douloureuse et couteuse de Russie. Mais ils retrouvent « ce que l’on disait déjà il y a vingt ans » comme l’a lâché dans La Tribune un ancien cadre de la banque passé à la concurrence, « une belle banque qui n’a pas de stratégie ».

« Elle est toujours une puissance des dérivés actions, mais a limité ses ambitions dans des activités de marché par nature volatiles », souligne Alexandre Garabedian. « Elle a cédé sa gestion d’actifs au Crédit agricole, est sortie de nombreux pays, Russie en tête. Son réseau d’agences, l’un des plus beaux de France, subit, comme ses concurrents domestiques, le choc de taux, avec un stock de crédit immobiliers à taux fixe et des ressources plus chères en raison du poids du Livret A. »

Parmi les gros chantiers hérités de l’ère de Frédéric Oudéa figure l’intégration du numéro un européen du leasing LeasePlan dans sa filiale cotée de location automobile ALD. Cette dernière a également dévoilé lundi son plan stratégique jusqu’en 2026, et a subi, elle aussi, le camouflet des investisseurs en dévissant de 14,3% à 8,46 euros. Boursorama, sa jeune banque en ligne, devenue rentable il y a peu de temps avec ses 5 millions de client actuellement, devient le relais de croissance du groupe.

L’effet « Krupa » projeté par plusieurs analystes depuis le printemps dernier n’a donc pas eu lieu. Les perspectives d’une gestion rigoureuse des coûts et des risques, avec une simplification d’activité qui se profile à l’horizon, remplacent des promesses de croissance.

Mais dans la foulée, salariés, syndicats et clients attendent également de voir comment sera traitée la banque de détail en France, à la rentabilité écornée cette année et en pleine transformation. Le groupe a en effet engagé à grand frais la fusion de ses deux réseaux, Société Générale et Crédit du Nord, pour les réunir sous la même bannière rouge et noire, SG. Elle s’accompagne d’une réduction assez drastique du nombre d’agences d’ici 2025 et de 3700 suppressions de postes, sans départ contraint cependant.

L’AFP a contribué à cet article.

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