Deux mois après le début de son second mandat présidentiel, Donald Trump a été accusé par certains hommes politiques occidentaux d’abandonner les alliés de longue date de l’Amérique en raison de sa position sur la guerre en Ukraine. Cependant, il ne faut pas remonter très loin dans l’histoire pour constater qu’un acte similaire de « désamitié » envers l’Europe continentale s’était déjà produit et qu’il n’était pas injustifié.
En 1988, la Première ministre britannique Margaret Thatcher, en prenant la parole au Collège d’Europe à Bruges, en Belgique, a conseillé à son auditoire : « Nous devons nous efforcer de maintenir l’engagement des États-Unis à défendre l’Europe. Cela signifie qu’il faut reconnaître que le rôle mondial qu’ils assument pèse sur leurs ressources et qu’ils estiment que leurs alliés doivent assurer la totalité de leur part dans la défense de la liberté, surtout que l’Europe devient de plus en plus riche. »
Malheureusement, ces paroles douces de la Dame de fer sont tombées dans l’oreille d’un sourd.
Onze ans plus tard, son ton a été déjà beaucoup plus ferme et accusateur lorsque, lors d’une conférence du Parti conservateur britannique à Blackpool, elle a martelé : « Au cours de ma vie, tous les problèmes sont venus de l’Europe continentale et toutes les solutions sont venues des nations anglophones à travers le monde. »
Entre Bruges et Blackpool, Mme Thatcher, qui soutenait l’intégration européenne depuis 30 ans, s’est transformée en sa farouche opposante. Elle critiquait l’État-providence européen, s’opposait au syndicalisme intransigeant et détestait le pouvoir exercé par les bureaucrates non élus de Bruxelles qui avaient pratiquement oublié l’importance de leur soutien à l’OTAN au milieu des années 1990, alors même que l’Europe s’était enrichie. Margaret Thatcher a gagné sa bataille à titre posthume, en 2020, avec le « Brexit ».

Depuis lors, principalement par défaut, la Grande-Bretagne est sortie de l’Union européenne et a établi des partenariats dans l’Indo-Pacifique – une région qui lui est historiquement familière. Elle a signé des accords bilatéraux de libre-échange avec le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et elle est en pourparlers pour en conclure de nouveaux avec les États-Unis et l’Inde. De plus, le Royaume-Uni a récemment adhéré à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP).
L’Amérique suit une trajectoire similaire. Donald Trump rejette également le « Big Government » et les agences multinationales bureaucratiques. À l’instar de Mme Thatcher il y a près de 40 ans, mais d’une manière beaucoup plus farouche, il a critiqué les autres pays de l’OTAN pour leurs dépenses de défense insuffisantes – un reproche constant des présidents américains, surtout de Dwight Eisenhower et de Ronald Reagan.
Les proches alliés de Trump ont critiqué certains pays européens pour avoir tourné le dos aux valeurs occidentales fondamentales, en particulier en abandonnant la politique des frontières nationales sûres et en laissant entrer des gangsters et des djihadistes fanatiques qui lancent des attaques terroristes contre des citoyens innocents. Donald Trump pense que cela se passe également aux États-Unis.
La guerre entre la Russie et l’Ukraine a provoqué des dissensions entre M. Trump et les dirigeants d’autres membres de l’OTAN. Le président américain souhaite que cette guerre prenne fin afin que l’Amérique puisse « pivoter » vers l’Indo-Pacifique pour faire face à la « menace grandissante » de la Chine communiste, qu’il considère, à juste titre, depuis son premier mandat comme le principal adversaire de son pays.
La stratégie de Trump pourrait contribuer à la prospérité de la région indopacifique, et ce, pour deux raisons. Premièrement, à mesure que le découplage entre l’Amérique et la Chine se poursuit, une grande partie de l’argent américain quittant la Chine ira dans d’autres économies de l’Indo-Pacifique. Deuxièmement, lorsque la puissance militaire américaine, associée à l’augmentation des dépenses et des capacités de défense dans les pays d’Asie de l’Est, se concrétisera sous la pression de Trump, elle sera déployée pour contenir l’État-parti chinois et parvenir à une plus grande stabilité régionale. Par conséquent, avec plus de confiance, de nouveaux investissements vont arriver dans la région.
Mais qu’en est-il de l’Europe, à laquelle les États-Unis, et peut-être la Grande-Bretagne dans les domaines autres que la défense commune européenne, accordent de moins en moins d’attention ? Elle se portera bien, mais de manière inattendue.
Le scénario sera probablement comme suit : Donald Trump 2.0 continuera à pousser l’Europe à payer pour sa propre défense aux dépens de son État-providence, de ses politiques climatiques et des frontières ouvertes, même au risque d’endommager les relations transatlantiques, s’il le faut. Le président américain sera très malmené dans le processus.
Par exemple, un article récent de la BBC a accusé Donald Trump de « faire exploser l’ordre mondial ». Cependant, il s’agit d’un pur eurocentrisme, car le locataire de la Maison-Blanche ne fait que reconfigurer les relations de l’Amérique avec l’Europe, et l’Europe n’est pas le monde entier.
En fait, certains signes indiquent que l’Europe réagit sainement à la politique de Trump. Par exemple, Friedrich Merz, le dirigeant allemand nouvellement élu, a décidé que l’Allemagne devait consacrer d’énormes sommes à la modernisation de son armée, même si elle devra nécessairement réduire ses dépenses sociales et réajuster son modèle de croissance.
On peut s’attendre à ce que, lorsque l’Europe sera redevenue forte et saine, Donald Trump aura disparu de la scène politique et ses successeurs pourront se réconcilier avec l’Europe en éliminant tous les obstacles. À ce stade, le monde sera encore essentiellement bipolaire : le camp de la société ouverte et démocratique contre le camp autoritaire, voire pire.
Le conflit entre les deux camps se jouera sur deux théâtres principaux. Le premier est l’Asie, où les États-Unis – débarrassés de leur bagage européen et formant une sorte d’alliance avec le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et l’Australie – affronteront le régime chinois. L’Amérique, la plus grande puissance de l’Occident, tentera de contenir et de faire reculer la Chine – la puissance la plus dangereuse de la planète.
Vient ensuite l’Europe, où une Union européenne réformée et redynamisée affrontera la Russie. La deuxième puissance occidentale tentera de contenir la puissance de troisième rang.
Une telle configuration des conflits sera beaucoup plus rationnelle et la division du travail beaucoup plus gérable pour l’Occident qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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