Entretien – Il y a deux semaines à La Rochelle, une octogénaire a percuté des enfants à vélo. Une jeune fille est décédée. Un fait divers relançant le débat sur la visite médicale imposée aux seniors. Mais, pour le délégué général de 40 millions d’automobilistes, Pierre Chasseray, cette mesure n’est pas la bonne solution pour accompagner les automobilistes âgés. Il nous explique pourquoi.
Epoch Times : Pierre Chasseray, un accident impliquant une conductrice de 83 ans a coûté la vie à une jeune fille il y a deux semaines à La Rochelle. L’an dernier, le député MoDem des Yvelines, Bruno Millienne avait déposé une proposition de loi visant à rendre obligatoire pour les automobilistes de plus de 75 ans une visite médicale de contrôle à la conduite. Vous êtes opposé à ce type de mesures. Pourquoi ?
Pierre Chasseray : Le député Bruno Millienne, avec lequel j’ai l’occasion de travailler, a eu, à travers cette proposition de loi, le courage politique de poser le dossier sur la table. Mais son objectif n’était en aucun cas de mettre un terme à la conduite des seniors.
Pour ma part, je suis opposé à ce type de mesures. Au départ, sur le papier, ces réponses peuvent paraître judicieuses. Mais nous nous sommes rendu compte avec Bruno Millienne que le sujet était beaucoup plus complexe que cela et que la visite médicale est peut-être une solution extrême pour certains.
Cela n’a pas fonctionné dans la plupart des pays qui l’ont expérimenté. Sa mise en œuvre coûterait très cher et elle reste un dispositif très flou. Sur quels critères allons-nous nous baser pour dire aux seniors s’ils sont aptes à prendre le volant ou non ?
Et même sur le plan psychologique, ce n’est pas sain. Les personnes âgées risquent de stresser le jour où elles doivent se rendre chez leur médecin, la personne qui va décider ou non de prolonger leur sésame. C’est pour ces raisons qu’avant la dissolution de l’Assemblée nationale, avec Bruno Millienne, Patrick Vignal et Luc Geismar, nous étions en train de travailler sur d’autres solutions.
Pour vous, la visite médicale porterait atteinte à la liberté du conducteur ?
Elle porte atteinte à un principe fondamental qui est le permis à vie, ce qui la rend inacceptable. C’est comme si on disait aux avocats de repasser l’examen du barreau tous les dix ans. La visite médicale ouvre la boîte de Pandore, car on peut commencer à remettre en cause tout diplôme au bout d’un certain temps.
N’oublions pas également que le permis de conduire a une dimension sociale et professionnelle. Si vous retirez à un senior son droit à la conduite, il ne pourra plus faire ses courses au centre commercial qui se trouve à plusieurs kilomètres de son domicile. Et à la fin, il se retrouve dans l’obligation d’aller en Ehpad.
Que propose l’association 40 millions d’automobilistes pour réduire le nombre d’accidents impliquant des personnes âgées ?
Je pense qu’il faut davantage impliquer les Français sur ce sujet qui nous concernera tous. Nous sommes en train de travailler dessus avec Bruno Millienne, Patrick Vignal et Luc Geismar. Les premiers concernés, les seniors, doivent participer à l’élaboration de mesures efficaces. Eux seuls peuvent nous indiquer ce qui peut être décemment mis en place.
L’idée étant de bâtir une vraie politique qui conjugue le fait de vieillir et de conduire, et qui n’oppose pas les deux. Bien sûr, les personnes âgées savent que le moment venu, il faudra lâcher le volant. Ils ont presque tous l’intelligence d’arrêter d’eux-mêmes la conduite. D’ailleurs, ils arrêtent progressivement. Ils commencent par réduire les parcours, arrêter de conduire de nuit, prendre l’autoroute, etc. Et un jour, ils décident tout simplement d’arrêter.
Alors oui, il y a toujours une toute petite partie des seniors qui ne veut pas arrêter. Il ne faut pas chercher à les punir. Notre rôle doit être de trouver des moyens de prise de conscience tout en préservant la mobilité de ceux qui sont en train de vieillir et qui ont besoin de conduire.
Le développement des transports en commun n’est pas une bonne solution ?
Les transports en commun peuvent être une solution dans les milieux urbains, mais ne peuvent pas l’être pour ceux qui habitent à la campagne. Ils représentent un investissement considérable.
Et ils ne règlent pas l’entièreté du problème. Quand les personnes âgées vont faire leurs courses, elles ne vont pas ramener leurs achats dans le train ou le bus.
Et le système de navettes ?
Un système de navettes nécessite l’implication d’un grand nombre d’acteurs dans le tissu associatif, mais c’est une solution. Je sais que des associations cherchant à mettre en place ce type de covoiturage senior ont déjà été créées.
Certaines écoles de conduite proposent également des alternatives aux plus âgés en leur faisant travailler certains parcours plus sécurisés pour les mettre en confiance. Je crois qu’il existe un panel de solutions évitant la réponse simpliste qui consiste à dire que la mise en place de la visite médicale permet de régler la problématique du grand âge et de la conduite.
On voit bien que ceux qui tiennent ce genre de propos observent cela de très loin et oublient qu’un jour, eux aussi seront âgés.
Encore une fois, il ne s’agit pas de savoir comment on peut retirer le permis aux seniors, mais comment et combien de temps nous allons préserver leur mobilité. C’est précisément à la fin que la question de l’intervention d’un médecin doit se poser.
Si une personne d’un certain âge n’est plus du tout en capacité de conduire, mais se montre récalcitrante, un médecin, et non une visite médicale, sera alors nécessaire en dernier recours.
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