JOHANNESBURG – La Chine a commencé à construire des usines dans toute l’Afrique pour fabriquer des véhicules électriques, une stratégie qui, selon les analystes du marché, inondera probablement le monde de véhicules électriques bon marché et permettra aux entreprises chinoises de dominer l’industrie automobile mondiale à l’avenir.
Les constructeurs automobiles sous le régime communiste chinois bénéficient déjà d’énormes subventions, se traduisant par une augmentation spectaculaire de la production et permettant à la Chine de réduire considérablement les prix des VE fabriqués ailleurs, y compris aux États-Unis.
Une étude montre que Pékin a accordé aux fabricants chinois de VE au moins 231 milliards de dollars (208 milliards d’euros) d’aides d’État sur 15 ans, de 2009 à fin 2023.
Le secteur automobile de la Chine continentale est le plus important au monde en termes de production unitaire depuis 2008, selon JATO Dynamics, un leader mondial en matière de données, d’analyses et de renseignements sur l’automobile.
Les constructeurs automobiles de la deuxième économie mondiale représentent déjà plus de la moitié des VE produits dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
« La Chine veut conserver cet avantage en ajoutant l’Afrique à son carquois, mais elle sait qu’il y a des facteurs qui échappent à son contrôle. Par exemple, les véhicules électriques fabriqués en Chine sont actuellement frappés d’une taxe de 100 % lorsqu’ils sont vendus aux États-Unis », a déclaré Layton Beard, analyste à l’Association automobile d’Afrique du Sud.
« Je n’ai jamais vu de mesures aussi proactives dans l’industrie automobile mondiale que celles que je vois de la part des Chinois ; on dirait qu’ils font quelque chose de nouveau chaque semaine. »
En mai, le président américain Joe Biden a annoncé que les droits de douane sur les véhicules électriques chinois passeraient de 25 à 100 %.
« Les exportations chinoises de véhicules électriques ont augmenté de 70 % entre 2022 et 2023, avec des subventions importantes et des pratiques contraires à l’économie de marché qui entraînent des risques substantiels de surcapacité, ce qui compromet les investissements productifs ailleurs », selon un communiqué de la Maison-Blanche.
« Un taux de droits de douane de 100 % sur les VE protégera les fabricants américains des pratiques commerciales déloyales de la Chine. »
En juillet, l’Union européenne a porté les droits de douane sur les VE fabriqués en Chine à près de 50 %, les chiffres de vente montrant que les voitures en provenance de l’Orient sont de plus en plus populaires en Europe parce que beaucoup moins chères.
M. Beard, comme d’autres spécialistes du commerce automobile mondial qui se sont entretenu avec Epoch Times, estime que le déploiement prévu de la production chinoise de VE en Afrique est conçu, en grande partie, pour « compenser les pertes de profits présentes et à venir » causées par les restrictions commerciales occidentales.
Selon lui, Pékin positionne les géants chinois de l’automobile, notamment BYD, Chery, SAIC Motor Corp et Changan Auto, de manière à ce qu’ils s’implantent de façon « agressive » sur des marchés auparavant dominés par des modèles japonais, américains et européens.
Selon le dernier rapport d’information sur le marché des véhicules publié par JATO Dynamics, l’ascension de la Chine en 2023 visant à remplacer le Japon en tant que premier exportateur mondial d’automobiles « a prouvé [que la Chine] est en mesure d’organiser des exportations substantielles de véhicules, en dépit des barrières commerciales ».
Le rapport ajoute que si les VE chinois ne sont pas très répandus sur les routes européennes ou américaines, « ils font l’objet d’une attention croissante ».
En sondant l’opinion de milliers d’Américains et d’Européens en 2023, JATO a conclu que plus de la moitié des personnes interrogées « connaissent au moins une marque chinoise, notamment BYD, Leap Motor et Nio ».
Dans l’ensemble, les personnes interrogées déclarent qu’elles envisageraient d’acheter un véhicule électrique chinois si son prix était inférieur de 20 % à celui d’un modèle similaire non chinois.
Selon JATO, l’année dernière, pour la première fois, les constructeurs automobiles chinois ont dépassé leurs homologues américains, « ce qui témoigne de l’évolution de la dynamique du pouvoir sur le marché mondial de l’automobile ».
L’analyse indique que les marques chinoises, BYD en tête, ont vendu 13,4 millions de nouveaux véhicules l’année dernière, battant les 11,9 millions d’unités livrées par les marques américaines comme Ford et Chevrolet.
JATO a ajouté que la part de marché des constructeurs chinois avait « grimpé en flèche » au Moyen-Orient, en Eurasie et en Afrique, et que des entreprises comme SAIC et Geely avaient également « fait des percées sur des marchés plus matures » comme l’Europe et l’Australie.
Le bureau des douanes chinoises a déclaré que le pays avait exporté 5,22 millions d’automobiles en 2023, soit une augmentation de 57 % en glissement annuel, dont une sur trois était entièrement électrique.
Dans son analyse du marché automobile international en 2024, Virta Global, une multinationale qui fournit des solutions de recharge de batteries renouvelables, indique que la demande de véhicules électriques est stimulée par les visées de décarbonation.
« Les VE sont appelés à jouer un rôle central dans l’objectif ambitieux de zéro émission fixé pour 2050. Le marché est en pleine croissance. Il se développe rapidement. Et il se développe partout », a déclaré Virta Global.
Selon l’Agence internationale de l’énergie, les ventes mondiales de VE ont atteint près de 14 millions en 2023, soit 35 % de plus qu’en 2022, le parc mondial de voitures électriques ayant atteint 40 millions l’année dernière.
L’agence a déclaré que la tendance à la hausse des ventes mondiales de VE se poursuit en 2024, augmentant de 25 % au cours du premier trimestre de l’année par rapport à la même période en 2023.
Virta Global prévoit au moins 17 millions de ventes d’ici la fin de l’année 2024.
« Les voitures électriques pourraient représenter 20 % des ventes totales de voitures d’ici là », indique le rapport.
Lors du récent Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) à Pékin, le chef du Parti communiste chinois Xi Jinping a promis d’injecter près de 51 milliards de dollars (46 milliards d’euros) dans les économies africaines au cours des trois prochaines années.
« Les responsables chinois nous ont dit qu’une grande partie de cet argent serait utilisée pour construire des usines de fabrication de véhicules électriques pour les grands constructeurs automobiles chinois, ce qui créerait des milliers d’emplois pour les Africains et remplirait nos routes de véhicules à énergie propre », a déclaré Joseph Kahama, membre d’une délégation d’entreprises tanzaniennes qui a participé au FOCAC.
Selon Norman Lamprecht, responsable du commerce et de la recherche à l’Automotive Business Council, basé à Johannesburg, aucun pays ne s’approche « de près ou de loin de ce que font les Chinois en termes de vastes quantités et ils sont également beaucoup plus audacieux en termes de production de VE que n’importe quel autre pays ».
« L’Amérique est toujours obsédée par la fabrication et la conduite de voitures alimentées par des combustibles fossiles et, dans une moindre mesure, par des véhicules hybrides », a déclaré M. Lamprecht à Epoch Times.
« Les géants japonais, Toyota et Nissan, se sont également montrés beaucoup plus prudents que leurs homologues chinois en ce qui concerne les VE, concentrant leurs efforts de production sur les modèles hybrides. »
Selon lui, ces facteurs ont fait perdre du terrain aux Japonais et aux Américains dans le secteur mondial des VE.
« Toutefois, il faut reconnaître que les Chinois reçoivent de leur gouvernement une aide considérable que d’autres [constructeurs] n’obtiennent pas et que ce confort permet aux Chinois de prendre des risques », a déclaré M. Lamprecht.
Felipe Munoz, analyste chez JATO Dynamics, a déclaré à Epoch Times que les prix constamment élevés des voitures chez les grands constructeurs automobiles mondiaux, dus à « une certaine négligence », ont « involontairement poussé les consommateurs vers des alternatives chinoises plus abordables », en particulier dans le segment des véhicules électriques.
Les recherches menées par Shiv Shivaraman, analyste du marché des véhicules pour le cabinet de conseil financier mondial AlixPartners, montrent qu’actuellement, en Chine, les VE se vendent à un prix moyen de 34.400 dollars (31.034 euros), soit un prix de vente moyen nettement inférieur aux 55.242 dollars (49.837 euros) aux États-Unis.
En outre, les VE chinois sont de moins en moins chers : au début de l’année, BYD a mis sur le marché sa voiture à hayon Seagull, dont le prix n’était que de 9698 dollars (8755 euros).
« De nombreux facteurs expliquent la disparité entre les prix des VE fabriqués en Chine et ceux fabriqués ailleurs », a expliqué M. Shivaraman à Epoch Times.
« Les constructeurs automobiles chinois bénéficient d’avantages considérables en matière de coûts de main-d’œuvre beaucoup plus bas, d’une main-d’œuvre plus nombreuse, d’importantes subventions gouvernementales et des coûts de batteries plus favorables, puisqu’un grand nombre de batteries ou de composants de VE dans le monde proviennent de Chine. »
Selon M. Beard, la Chine maintiendra, et « probablement même renforcera », les avantages dont elle jouit au niveau national en matière de production de VE lorsque ses constructeurs automobiles « s’installeront » en Afrique.
« Il y a fort à parier que le gouvernement chinois est en train d’élaborer des conditions très favorables pour investir et faire des affaires en Afrique avec ses homologues africains, avec lesquels Pékin fait affaire depuis des décennies », a-t-il noté.
« Les coûts de main-d’œuvre seront également bas en Afrique. »
Selon Norman Lamprecht, la principale raison pour laquelle les constructeurs automobiles chinois se préparent à « déferler sur l’Afrique » est leur désir de fabriquer là où sont extraits de nombreux minéraux et métaux essentiels aux VE et aux batteries.
Le Parti communiste chinois (PCC) est étroitement allié aux élites politiques de la plupart des principaux producteurs africains de terres rares ou de minéraux et métaux critiques comme le cobalt, le cuivre, le lithium et le manganèse.
Le professeur Lauren Johnston, du Centre d’études sur la Chine de l’Université de Sydney, a déclaré à Epoch Times que les investissements miroités par Pékin pour le développement d’usines de VE en Afrique pourraient, en réalité, être une « extension de sa stratégie » visant à contrôler les moyens de production des technologies d’énergie renouvelable, allant des turbines éoliennes aux panneaux solaires, en passant par les batteries de véhicules électriques.
Selon Mme Johnston, la présence chinoise dans le secteur minier en Afrique se concentre dans cinq pays : en Guinée, en Zambie, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et en République démocratique du Congo (RDC).
« Parmi eux, la RDC, la Zambie et le Zimbabwe sont le creuset de la nouvelle course à l’énergie verte en Afrique. Ils constituent la ceinture de cuivre de l’Afrique et possèdent les plus grandes réserves de lithium, de cuivre et de cobalt », a-t-elle déclaré.
Plus de 70 % du cobalt mondial est produit en RDC, et la Chine possède 72 % des mines de cobalt et de cuivre de la RDC.
Selon le Centre d’études stratégiques et internationales (Center for Strategic and International Studies) de Washington, la Chine produit actuellement 60 % des minéraux de terres rares du monde, mais en transforme près de 90 %, ce qui signifie qu’elle importe des minéraux et des métaux précieux d’autres pays, principalement d’Afrique, pour les transformer.
« Cela a donné à la Chine un quasi-monopole », a déclaré le groupe de réflexion.
Les sociétés minières chinoises sont également bien implantées au Zimbabwe, où Prospect Lithium Zimbabwe, une filiale de Zhejiang Huayou Cobalt, a ouvert une usine de traitement du lithium d’une valeur de 300 millions de dollars (271 milliards d’euros) en 2023.
Selon Mme Johnston, il serait « logique » que les plus gros investissements de la Chine dans les véhicules électriques se fassent dans les économies les plus développées et « technologiquement solides » de l’Afrique, avec une bonne logistique.
« Les hôtes probables pour les constructeurs automobiles chinois sont les pays suspectés habituels comme l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte, le Kenya et le Nigeria ; peut-être aussi le Ghana et la Tunisie », a-t-elle précisé.
Selon Layton Beard, les constructeurs automobiles SAIC et BYD ont déjà commencé à vendre un nombre limité de véhicules électriques sur plusieurs marchés africains, dont l’Afrique du Sud, la Tunisie, le Rwanda et le Maroc.
Parks Tau, ministre sud-africain du Commerce et de l’Industrie, a déclaré à Epoch Times que BYD avait exprimé son « vif intérêt pour travailler et investir » dans le premier constructeur et exportateur de véhicules d’Afrique.
« Nous avons une grande expérience de la production automobile et nous exploitons également de grandes quantités de lithium et de manganèse qui sont indispensables à la production de batteries pour véhicules électriques », a-t-il déclaré.
Au Kenya, le fabricant chinois de VE Chery, s’est associé à une entreprise locale pour investir 20 millions de dollars (18 millions d’euros) dans le secteur des VE du pays.
Chery construit une usine d’assemblage à Nairobi pour fabriquer 6000 VE par an, promettant de créer 3000 emplois.
Au Maroc, la Chine finance ce qui sera, selon elle, la plus grande usine de batteries pour énergies renouvelables de l’hémisphère Sud.
Le géant chinois de la sidérurgie, Chinalco, fait partie des entreprises qui s’apprêtent à exploiter le plus grand gisement inexploité de minerai de fer à haute teneur au monde, en Guinée.
Le minerai de fer est utilisé pour produire de l’acier, qui joue un rôle crucial dans le secteur des énergies renouvelables à plusieurs égards, notamment dans les turbines éoliennes et les structures de montage des panneaux solaires.
M. Beard a déclaré que la Chine se préparait déjà à un monde « saturé » de VE en mettant en place des politiques visant à dominer les ventes mondiales de voitures d’occasion.
En 2019, Pékin a commencé à mettre fin à une politique interdisant les exportations de véhicules d’occasion de toutes sortes. Depuis cette année, le gouvernement a accordé à 27 villes et provinces le droit d’exporter des voitures d’occasion.
En 2022, selon le ministère chinois du Commerce, le pays a exporté près de 70.000 véhicules d’occasion, ce qui représente une augmentation significative par rapport à 2021, alors que moins de 20.000 véhicules avaient été exportés.
En 2023, le ministère a publié un projet de politique sur l’exportation de véhicules d’occasion qui, une fois approuvé, autorisera l’exportation d’automobiles d’occasion depuis toutes les régions de Chine.
L’Afrique possède le plus grand marché de véhicules d’occasion au monde, selon le cabinet d’études de marché Mordor Intelligence.
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