De nombreux jeunes ont sûrement été inspirés par les forteresses de l’époque médiévale, voulant créer le « château parfait » – avec créneaux, parapets, tourelles, archères, donjon et, bien sûr, meurtrières.
Cependant, comme toutes les technologies, les fortifications médiévales, sont devenues obsolètes avec le progrès. Avec la venue de la poudre noire et l’arrivée des canons dès le XVe siècle, les châteaux du Moyen Âge ont été dépassés.
Leurs épais murs de pierre se brisaient facilement sous l’impact des boulets de canons. Leur hauteur et leur forme carrée, lorsqu’ils étaient frappés perpendiculairement, en faisaient des cibles extrêmement fragiles. C’est ainsi qu’une nouvelle avancée dans la guerre défensive est née, à savoir : la fortification bastionnée, également appelée fortification en étoile.
Tout a commencé en Italie avec la défense de Pise en 1500. Assaillis par les armées florentines et françaises, les Pisans ont réalisé qu’en protégeant leur courtine par un rempart de terre, l’impact des tirs de canon était atténué et absorbé. Puis, en 1509, lors du siège de Padoue, le moine ingénieur Fra Giocondo a fait abattre le mur d’enceinte médiéval de la ville et creuser un large fossé dans lequel des saillies abritaient des sabords. Ceux‑ci pouvaient alors mitrailler les attaquants avec des tirs latéraux directs et dévastateurs. Les assiégeants, repoussés et décimés, finissait par battre en retraite.
Diverses techniques ont conduit à l’avènement d’un nouveau type de fortification ‑ plus basse et plus grande que les constructions précédentes, couvrant plus de surface. Les ingénieurs italiens qui l’ont mis au point étaient recherchés dans toute l’Europe en 1530 et 1540, ce qui lui a valu le nom de « tracé à l’italienne ». La fortification en étoile est née et a poursuivi son développement pendant trois siècles, pour être finalement poussée à sa forme la plus élaborée à la fin du XVIIe siècle par les architectes militaires de Louis XIV.
Le Fort McHenry, érigé en 1798 à Baltimore, dans le Maryland, est un exemple de cette architecture qui a inspiré l’hymne national des États‑Unis « Star Spangled Banner », écrit par Francis Scott Key après la guerre de 1812.
À l’instar des tourelles et des meurtrières du château médiéval, un tout nouvel ensemble de réalisations et de stratégies a évolué avec la fortification en étoile.
La haute courtine carrée en pierre, autrefois facilement brisée par les canons, a été remplacée par de la brique et de la terre, ou simplement de la terre, pour absorber l’impact des tirs. Le mur a un profil plus bas afin de constituer une cible moins facile, et le fossé est creusé plus bas pour empêcher un ennemi d’escalader le mur plus solide. Le fossé a également été élargi afin que les troupes d’infanterie soient plus exposées aux attaques défensives venant du haut.
De plus, une pente en terre appelée « glacis » descendant de l’extérieur du fossé atténuait les tirs d’artillerie à bout portant. Plus l’angle d’élévation du glacis était faible, plus son pouvoir pour amortir les tirs était important.
Bien sûr, les bastions constituent l’innovation la plus remarquable de cette nouvelle fortification. En forme de losange, les bastions devancent la muraille et sont répartis tout le long. Les bastions sont les seuls à conserver des murs perpendiculaires, la surfacepouvant être attaquée par l’ennemi est donc très réduite. C’est l’adjonction de ces bastions sur le pourtour des murailles qui donne une forme étoilée à la fortification.
De par leur forme, ces bastions pointus permettent également de protéger la muraille d’ennemis qui parviendraient à la prendre d’assaut. La muraille étant penchée est relativement vulnérable et les canons peuvent occuper le glacis. Mais il n’y a aucun angle mort et les attaquants ne sont nulle part à l’abri du feu. Autrefois, les défenseurs des anciens châteaux ne pouvaient pas tirer autour des tours rondes. Celles‑ci ont souvent été renforcées pour adopter une forme pointue, toutes les zones d’abri pour l’envahisseur étaient ainsi supprimées.
Des entailles appelées enfilades à la base de chaque pointe de l’étoile permettaient aux canons défensifs de disposer d’une ligne de feu claire le long du bord vers les pointes voisines. Les troupes qui se frayaient un chemin dans le fossé pour tenter de percer le mur extérieur se retrouvaient dans des zones piégées (comme à l’époque médiévale) où les attaquants étaient laissés sans protection, souvent exposés à des tirs sur plusieurs fronts.
En évoluant vers des configurations plus sophistiquées, la fortification en étoile a été portée à son apogée : les bastions ont été prolongés adoptant des formes toujours plus complexes, des cornes ou une couronne. Certains formaient des fortifications distinctes entièrement détachées de la structure principale.
Les fortifications bastionnées ont développé des formes complexes avec des champs de tir imbriqués pour résoudre les nombreuses déficiences des forteresses médiévales dans une nouvelle ère de guerre.
Pourtant, à mesure que de nouvelles technologies sont apparues sur la scène avec l’avènement des explosifs puissants et des mortiers, les fortifications en étoile ont elles aussi été dépassées. Avec l’apparition des tirs plongeants et des munitions explosives, elles sont devenues de moins en moins efficaces et ont été remplacées par des bases polygonales plus simples mais plus robustes. Nombre d’entre elles ont fini par être transformées en attractions touristiques et en musées, comme Fort Wood, dans la baie d’Upper à New York, qui sert de base à la Statue de la Liberté sur Liberty Island.
En effet, la guerre elle‑même a évolué pour devenir plus mobile et moins dépendante des défenses et fortifications statiques. La fortification en étoile a connu son heure de gloire, mais tout comme le téléviseur à tube cathodique, la cassettes vidéo VHS et le château médiéval, elle a vu son utilité décliner.
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