ENTRETIEN – Après le meurtre de Philippine, dont le suspect est un ressortissant marocain sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) non exécutée, le collectif féministe Némésis et Claire Géronimi ont organisé dimanche après-midi en sa mémoire un rassemblement en présence de familles de victimes tuées ou violées par des individus sous OQTF. Alice Cordier, porte-parole du collectif Némésis, et Claire Géronimi, victime de viol par un migrant sous OQTF, expriment leur gratitude pour « le soutien incroyable » manifesté à l’égard de cette manifestation à laquelle se sont jointes plusieurs centaines de personnes, et font part de leurs préoccupations concernant le déni de laxisme judiciaire affiché par le nouveau Garde des Sceaux.
Epoch Times : Quelle a été votre réaction après le meurtre de Philippine et quel message espériez-vous transmettre en organisant un rassemblement en son hommage ?
Alice Cordier : D’abord, il y a de la colère. C’est encore un drame de plus qui aurait pu, lui aussi, être évité. Une jeune femme a encore été sacrifiée, parce que notre administration, notre justice, et notre gouvernement n’ont pas fait leur travail.
Ensuite, de l’incompréhension : pourquoi notre gouvernement ne nous écoute-t-il pas ? Combien de victimes faudra-t-il pour qu’ils admettent qu’il y a un réel problème ? À quel moment prendront-ils au sérieux le message des Français, que ce soit dans les urnes ou dans les médias, sur la situation d’insécurité que nous vivons ?
Enfin, de la lassitude, car nous savons qu’il y aura d’autres affaires Philippine. Aujourd’hui, l’insécurité explose en France. Si bien que les femmes sont contraintes de sortir armées. Bombes au poivre, petites opinels, aiguilles dissimulées dans leurs chignons…. Elles choisissent même leurs itinéraires pour éviter les zones dangereuses, même si cela ne garantit plus leur sécurité. Le meurtre de Philippine le prouve : les agressions surviennent partout, même en plein jour au Bois de Boulogne.
Dans de nombreux pays d’Europe centrale ou de l’Est, la sécurité dans l’espace public est sans commune mesure avec ce que nous subissons en France. Ici, nous avons fini par nous habituer à vivre sous une chape de plomb. Mais cela, je refuse de l’accepter, tout comme les militantes du collectif Némésis. C’est pourquoi nous nous sommes levés lors de cette manifestation avec les familles des victimes, pour faire entendre leur voix, car derrière chaque victime, il y a une famille qui peine à se reconstruire.
Claire Géronimi : Quand j’ai appris ce qui est arrivé à Philippine, je n’ai pu m’empêcher de me comparer à elle. Même si nous avions quelques années d’écart, cela m’a profondément bouleversée. Nous avons eu toutes les deux affaire au même type d’agresseur : deux hommes sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Je me suis dit : « Cela aurait pu être moi. » C’est pour cette raison qu’avec Alice Cordier et le collectif Némésis, nous avons voulu organiser une manifestation pour rendre hommage à Philippine.
Estimez-vous avoir atteint votre objectif à travers cette manifestation ?
AC : C’est la première manifestation que nous organisons, et nous étions agréablement surprises par le nombre de participants. Nous pensions être bien moins nombreux, surtout en raison de la faible couverture médiatique de ce rassemblement et de la pression de l’extrême gauche. Dans d’autres villes, les rassemblements ont été perturbés par des militants d’extrême gauche, ce qui a pu dissuader certaines personnes de venir.
Pour une première manifestation, recevoir autant de soutien est incroyable. Ce qui m’a particulièrement touchée, c’est de voir les parents des victimes entourés et accompagnés. Ce n’était pas simplement un rassemblement revendicatif avec des slogans ; c’était un véritable moment de deuil national, une union autour des familles de victimes.
Mardi dernier, le nouveau Garde des Sceaux, Didier Migaud, déclarait devant la prison de la Santé que « le laxisme de la justice n’existe pas ». Quelques heures plus tard, le meurtrier présumé de Philippine était appréhendé. Que cela vous a-t-il inspiré ?
CG : C’est une terrible ironie du sort. Aujourd’hui, la justice est plus que laxiste, et cela se vérifie avec nos agresseurs respectifs. Mon agresseur était sous le coup d’une OQTF depuis 2021, et pourtant il restait en liberté sans aucune mesure de contrôle.
Quant à l’agresseur de Philippine, il venait tout juste de sortir d’un centre de rétention administrative. Il n’était ni surveillé ni contrôlé. Ce manque de vigilance est effarant. On se rend compte que notre système judiciaire présente de graves défaillances qui mettent directement en danger les citoyens.
Avez-vous confiance dans la capacité de Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur, à « rétablir l’ordre », comme il l’a promis durant son discours du 23 septembre ?
AC : Est-ce que Didier Migaut laissera à Bruno Retailleau la marge de manœuvre nécessaire pour agir ? C’est la question que nous nous posons tous. Réussira-t-il à faire quelque chose ? Je l’ignore.
Si je préfère attendre de voir les résultats au cours des prochaines années avant de m’exprimer davantage, je note que le nouveau Garde des sceaux affirmait mardi dernier qu’il n’y a pas de laxisme judiciaire en France alors même qu’on apprenait que le juge de la liberté et de la détention a mis fin à la rétention du meurtrier de Philippine en reconnaissant que ce dernier pouvait constituer une menace à l’ordre public. Résultat ? Il a violé et tué Philippine. Si ce n’est pas du laxisme judiciaire, c’est au minimum une mise en danger de la vie d’autrui.
Quelles réformes concrètes ou actions spécifiques espérez-vous voir instaurées pour apporter des solutions durables aux problèmes d’insécurité et de laxisme judiciaire que vous dénoncez ?
AC : Il faudrait tout d’abord que les juges appliquent correctement les peines, et ensuite mettre en place de véritables établissements pénitentiaires, plus stricts : aujourd’hui, les jeunes qui ont été incarcérés n’ont aucun scrupule à retourner en prison, ce qui montre que les peines ne sont pas suffisamment dissuasives pour décourager la récidive.
Il faut également des réformes administratives. Si le ressortissant marocain qui a tué Philippine n’a pas été renvoyé dans son pays avant de commettre l’irréparable, c’est parce que les laissez-passer consulaires ont mis un temps interminable à être délivrés, en raison de la lenteur administrative. C’est également l’administration de l’État qui faillit à faire appliquer les OQTF.
CG : Il faudrait mieux appliquer les OQTF. Aujourd’hui, seulement 7 % de ces obligations sont réellement exécutées. Cela fait près d’un an, depuis le 11 novembre 2023, que j’ai été agressée, et depuis, je me bats sans relâche pour obtenir des réponses du gouvernement et demander des actions concrètes. En vain.
J’espère sincèrement qu’avec le nouveau gouvernement, nous verrons enfin du changement, ne serait-ce que pour s’assurer que les OQTF soient respectées, afin de protéger les citoyens.
L’État français apporte-t-il suffisamment de soutien aux victimes de l’insécurité ?
CG : Aujourd’hui, le problème majeur est que les victimes ne reçoivent presque aucun soutien, surtout de la part de l’État. Pour ma part, je n’ai bénéficié d’aucun accompagnement, ni psychologique ni administratif. Seules, les victimes se retrouvent livrées à elles-mêmes, souvent démunies face aux démarches complexes et au traumatisme qu’elles vivent.
Le coût pour une victime, entre le début de l’affaire et le procès, s’élève en moyenne à 35.000 euros, une somme colossale, surtout que les remboursements n’interviennent qu’au moment du procès. C’est cette triste réalité qui m’a poussée à créer une association, appelée « Éclats de femmes ». Mon objectif est de fournir un soutien à celles qui, comme moi, ont été laissées de côté par le système judiciaire afin d’aider les victimes à surmonter ces épreuves, tant sur le plan juridique que psychologique, et leur permettre ainsi de se reconstruire plus rapidement.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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