En promettant une réouverture de la ville chypriote de Varosha, vidée de ses habitants à l’arrivée de l’armée turque en 1974, Ankara s’est lancé un défi inédit: faire revivre une station balnéaire abandonnée depuis 45 ans, aux ruines assaillies par la végétation.
Située dans le sud-est de l’île méditerranéenne, en République turque de Chypre-Nord (RTCN, autoproclamée), Varosha est sous le contrôle direct de l’armée turque.
La ville pourrait, selon les annonces successives d’Ankara et de la RTCN, rouvrir d’ici peu et passer d’une juridiction militaire à une administration civile, celle de la RTCN, reconnue uniquement par la Turquie.
-Cinquantaine d’hôtels et ses 10.000 lits-
Avec sa cinquantaine d’hôtels et ses 10.000 lits, Varosha était jusqu’à sa fermeture la principale station balnéaire de Chypre, accueillant sur ses plages des stars comme Sophia Loren, Paul Newman ou encore Brigitte Bardot.
Après un coup d’Etat en 1974 visant à rattacher l’île à la Grèce, la Turquie envahit le nord de Chypre et entoure Varosha de kilomètres de barbelés, laissant la ville, inhabitée, s’effondrer peu à peu.
« Reconstruire Varosha sera une opération titanesque », estime l’architecte chypriote-grec Andreas Lordos, dont la famille possède six hôtels. « Il n’y a ni eau ni électricité, et de nombreux murs menacent de s’effondrer. »
Mais, avant tout travaux, il faut établir le cadastre précis de la ville, dont les archives des titres de propriétés ont été perdues lors de l’invasion turque, rappelle-t-il.
-Un travail mené par des experts indépendants-
Grâce aux technologies modernes, comme les drones, cette partie sera moins laborieuse qu’il n’y semble, assure M. Lordos, appelant à ce que le travail soit mené par des experts indépendants pour s’assurer que le nombre de propriétés ne soit pas sous-estimé.
Car les anciens habitants de Varosha seront en droit d’exiger une compensation pour la perte d’usage mais aussi une éventuelle aide pour reconstruire, ce qui risque de représenter une somme colossale pour la RTCN à l’économie fragilisée par la récession turque, affirme l’économiste chypriote Costas Apostolides.
Une fois le cadastre établi, le plus gros du travail consistera à définir les édifices risquant de s’écrouler et à ôter la végétation.
Selon un plan révélé par le « chef » de la diplomatie de la RTCN, Kudret Ozersay, la reconstruction se fera par secteurs, en commençant par la partie la plus proche de Famagouste, ville dont faisait partie Varosha avant sa mise sous scellés.
Si des médias chypriotes-grecs craignent que Varosha ne se transforme en « Las Vegas » méditerranéen, quelques anciens habitants, comme M. Lordos, espèrent que la ville transformera son « repos forcé » en atout.
-La nature reprend ses droits quand l’humain disparaît-
« Imaginez l’écosystème qui s’est développé en l’absence de l’humain! », s’exclame-t-il. « On pourrait établir une ceinture verte » là où se trouve les barbelés actuellement « et faire de Varosha une ville écologique ».
A 14 km de la ville fantôme, côté chypriote-grec, se trouve la station balnéaire d’Ayia Napa, qui accueille plusieurs millions de touristes par an au détriment de sa faune et flore.
« L’histoire de Varosha est tragique mais elle lui a permis d’éviter les erreurs commises ces dernières décennies », souligne la documentariste Vasia Markides, fille d’une exilée de Varosha.
A la tête du projet Famagusta Ecocity, elle milite pour que la ville se transforme en cité verte. Un projet « colossal », admet-elle.
« A sa manière, Varosha sonne comme un avertissement », dit-elle. « Il suffit de la regarder pour voir que la nature reprend vite ses droits quand l’humain disparaît ».
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.