Le Sénat a progressé laborieusement jeudi dans l’examen de la réforme des retraites, après l’adoption la veille du report à 64 ans de l’âge de départ, sur fond de grèves persistantes, de blocages épars et d’interrogations grandissantes sur l’existence d’une majorité à l’Assemblée nationale.
Suspensions de séance, multiplication des rappels au règlement, accusations croisées d’ « insincérité » et d’ « obstruction » : les débats se sont enlisés au moment où les sénateurs devaient aborder l’examen de l’article 9 consacré à la pénibilité.
À l’origine de ce surplace qui s’est prolongé pendant près de trois heures, une demande de la présidente de la Commission des Affaires sociales, la LR Catherine Deroche, afin de donner la priorité à l’un de ses amendements, mesure qui faisait tomber automatiquement une soixantaine d’autres de la gauche. « Vous n’avez pas gagné une seule minute avec cette affaire », a ironisé le PS Jérôme Durain. « C’est l’arroseur arrosé », a renchéri son collègue Patrick Kanner.
Dénonçant une « volonté manifeste d’obstruction », le ministre du Travail Olivier Dussopt a eu recours à l’article 44.2 de la Constitution pour supprimer la kyrielle de sous-amendements déposés immédiatement par la gauche.
« L’obstruction, c’est la maladie du parlementarisme », a déploré le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, en réponse à la communiste Éliane Assassi qui avait vu dans le recours au 44.2 « un signe de faiblesse politique et de fébrilité » de la droite et du gouvernement.
Une course de vitesse contre la montre pour le Sénat
Avec encore plus de 1000 amendements à examiner, la chambre haute devra mettre les bouchées doubles pour pouvoir voter la réforme d’ici dimanche à minuit. Sur LCI, Bruno Retailleau a d’ailleurs reconnu qu’il « n’était pas capable » de dire si le Sénat pourrait aller jusqu’au bout du texte.
Auparavant, les sénateurs ont adopté l’extension du dispositif de carrières longues à ceux ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans, pour un départ anticipé à 63 ans.
Ils ont aussi voté une proposition de la droite et des centristes instaurant une surcote de pension allant jusqu’à 5% pour les femmes choisissant de partir à l’âge légal de la retraite, mais ayant cumulé les annuités requises dès un an avant.
En revanche, un amendement très attendu de Bruno Retailleau a été remisé à plus tard, au grand dam de la gauche. Il s’agissait que l’extinction progressive des régimes spéciaux de retraite, votée à l’article 2, s’applique aux salariés déjà en poste, sans conserver de « clause du grand-père ».
Mais plus de 200 sous-amendements avaient été déposés à la dernière minute par les communistes, et leur discussion aurait pris une grande partie de la journée.
Le 49.3 : une hypothèse de plus en plus insistante
À l’issue de la commission mixte paritaire (CMP) prévue mercredi, Élisabeth Borne compte sur un vote des Républicains à l’Assemblée pour approuver la réforme sans avoir à utiliser le 49.3 (adoption d’un texte sans vote). Mais l’évocation de cette hypothèse se faisait de plus en plus insistante jeudi.
« Ça peut mettre le feu aux poudres », a de son côté jugé Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Il a fustigé « l’indifférence » et le « mépris » du pouvoir, Emmanuel Macron ayant opposé une fin de non-recevoir à l’intersyndicale qui avait demandé mardi à être reçue « en urgence » à l’Élysée.
Les huit principaux syndicats et cinq organisations de jeunesse ont adressé par écrit cette demande au chef de l’État, jugeant au passage que le silence de l’exécutif face au mouvement social posait un « grave problème démocratique ». L’intersyndicale a appelé à deux nouvelles journées de mobilisation : la première dès samedi, la suivante mercredi 15 mars, jour de la commission mixte paritaire.
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