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Simplifier le «millefeuille territorial»: les départements en colère face à la menace de leur suppression

novembre 10, 2023 9:45, Last Updated: novembre 10, 2023 9:58
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Les départements, réunis en congrès à Strasbourg, se disent perplexes voire en colère face à la volonté d’Emmanuel Macron d’entamer un nouveau chapitre de la décentralisation pour simplifier le « millefeuille territorial », ce qui pourrait se traduire par la suppression de l’échelon départemental.

Le président de la République a concrétisé dimanche sa volonté de simplifier l’organisation territoriale du pays en mandatant le député Éric Woerth pour que l’action publique « gagne en efficacité » afin que les Français « puissent bénéficier de services publics à la hauteur de leurs besoins ».

Les Français « ne s’y retrouvent plus »

Dans sa lettre de mission, il estime que l’organisation territoriale, « fruit de notre histoire », est devenue « trop complexe », que les Français « ne s’y retrouvent plus » et souhaite une réduction du « nombre de strates décentralisées, aujourd’hui trop nombreuses ». Des mots qui ont choqué les élus des départements, qui se sont sentis visés.

Issus de la Révolution française, essentiellement dotés de compétences sociales, les départements sont régulièrement menacés de disparition. En 2010 déjà, une loi prévoyait de remplacer les conseillers généraux et régionaux par des conseillers « territoriaux », une disposition finalement abandonnée avant d’être reprise aujourd’hui par Emmanuel Macron, tandis que Manuel Valls avait proposé en 2014 de rayer de la carte les conseils départementaux.

Renforcer le pouvoir des régions et des intercommunalités

« Si on veut renforcer la République, c’est en s’appuyant sur le socle des communes et des départements. Quand je vois se rouvrir un débat sur la décentralisation en se posant la question du nombre de strates, je pense qu’on va droit dans le mur », a réagi jeudi François Sauvadet (UDI), président de Départements de France (DF).

Quarante ans après les grandes lois de décentralisation, les départements estiment que le sens originel de la décentralisation, à savoir plus de pouvoir politique donné aux collectivités, s’est perdu en route. « Alors que nous étions au départ dans une démarche ascendante de responsabilisation des collectivités, nous sommes devenus des agences d’exécution avec une somme de contrôles et un étranglement financier », fustige Jean-Léonce Dupont, président centriste du conseil départemental du Calvados, « très en colère » contre la « technocratie d’État ».

« Après un nombre délirant de réformes institutionnelles depuis 2010, avec la création des métropoles puis des régions, cantons et intercommunalités XXL, les élus souhaitent aujourd’hui une pause », relève Arnaud Duranthon, maître de conférences à l’Université de Strasbourg et auteur d’une étude sur la décentralisation.

Le nouvel appel à supprimer une strate de collectivités se situe selon lui dans une approche « très technicienne » et « très instrumentale » du territoire, avec pour objectif principal « d’encourager la croissance économique » face à la globalisation des échanges.

Cette tendance, qui renforce le pouvoir des régions et des intercommunalités au détriment des communes et des départements, peut selon lui s’avérer « nocive » si elle « écrase les autres objectifs de politique publique ».

Les dernières réformes territoriales ont fait du département « la variable d’ajustement de la décentralisation en l’affaiblissant par la réduction de ses compétences, par la diminution de ses potentialités fiscales et en organisant sa concurrence par les métropoles et les régions », abonde Nelly Ferreira, maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise. Interrogés, les élus ne sont pourtant pas inquiets outre mesure.

« La décentralisation idéale n’a été définie en amont »

« Soit c’est une provocation, soit c’est un énième coup d’épée dans l’eau avec cette tarte à la crème du nombre des strates qui réapparaît », juge Stéphane Troussel, président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, qui ne voit d’ailleurs pas quelle majorité politique le président pourrait trouver au parlement.

« Quand le président est allé quémander le soutien des maires pour se sortir de la révolte des ‘‘gilets jaunes’’ ou que les préfets sont allés taper à la porte des départements pour les aider à lutter contre le Covid, on ne parlait pas du niveau des strates », ironise-t-il, jugeant plus essentiel de s’attaquer à l’enjeu de l’adaptation des politiques publiques au vieillissement de la population.

Pour Antoine Duranthon, il manque par ailleurs un « cap » à ce nouvel acte de décentralisation. « On nous a annoncé une réforme de la décentralisation, un chamboulement pouvant aller jusqu’à la suppression d’un échelon, mais aucune idée de la décentralisation idéale n’a été définie en amont », souligne-t-il.

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