Angélique Vidallet exerçait le métier d’assistante sociale du personnel de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, avant d’être suspendue de ses fonctions à la suite de l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale des personnels des établissements sanitaires et médico-sociaux le 15 septembre 2021.
Ayant contracté le Covid en novembre 2020, la quadragénaire espérait pouvoir s’abstenir d’une dose de vaccin et avait fait une sérologie en août 2021 pour vérifier l’état de son immunité : « J’avais un taux d’anticorps très élevé, qui indiquait une immunité. Sur la base de quoi un médecin m’a fait un certificat médical de rétablissement en écrivant noir sur blanc que j’avais une immunité persistante acquise, même neuf mois après avoir eu le covid. »
Un certificat médical qui ne lui a toutefois pas permis d’échapper à la suspension. « La loi considère que l’immunité s’arrête au bout de six mois. Si on a eu le covid depuis plus de six mois, on est obligé de faire une injection », explique Mme Vidallet.
« J’ai été convoquée par ma Directrice des ressources humaines (DRH) le 23 septembre 2021, le jour où j’ai présenté mon certificat médical, et on m’a dit clairement qu’on ne le prenait pas en compte et que pour eux ça ne valait rien J’ai même entendu dire qu’une immunité persistante acquise n’existait pas. Une DRH a remis en cause l’avis d’un médecin qui avait fait un certificat médical, qui s’était basé sur des éléments scientifiques pour dire que j’étais immunisée. Donc, j’ai été suspendue », ajoute-t-elle.
Abasourdie par sa suspension, Angélique Vidallet est restée plongée dans la stupeur pendant plusieurs semaines.
« J’ai été dans un chaos total pendant deux mois, dans l’incapacité de demander de l’aide et de réagir. Et puis j’ai commencé petit à petit à remonter la pente. J’ai intégré des collectifs et je me suis rendu compte que nous étions des milliers à être suspendus et à vivre cette situation. »
« J’ai commencé à faire des recherches pour trouver des petits boulots et donc j’ai trouvé un petit boulot saisonnier, ça m’a permis de survivre, de payer mes charges et d’avoir ce qu’il faut pour manger. Même si c’était moins que le SMIC, ça m’a permis de tenir. En avril 2022, j’ai décidé de me lancer en libéral dans ma profession et je me suis immatriculée comme auto-entrepreneur. Cela a pris du temps mais mon activité commence à démarrer, ce qui me permet d’avoir un salaire à peu près normal aujourd’hui », poursuit Angélique Vidallet. « Je me suis octroyée le droit de subvenir à mes propres besoins. Personne sur Terre ne peut empêcher un être humain de subvenir à ses propres besoins », ajoute-t-elle.
Si la quadragénaire a réussi à rebondir, elle souligne que certains de ses collègues suspendus ont connu des situations dramatiques : « Beaucoup se sont retrouvés à la rue. Certains ont été obligés de vendre leur maison, de vendre leur véhicule. Et malheureusement certains, qui étaient probablement plus fragiles que d’autres, ont mis fin à leurs jours. C’est une réalité que beaucoup de gens essaient de cacher. »
« J’ai rencontré des personnes incroyables d’humanité, de cœur, de dignité et d’intégrité. C’est tellement de compétences qui sont gâchées et de vies qui sont brisées. Ça me choque », poursuit-elle.
Alors que le gouvernement refuse toujours de réintégrer les personnels suspendus, Angélique Vidallet estime que la position des pouvoirs publics n’est pas cohérente.
« Des soignants vaccinés peuvent travailler en étant positif au covid, par contre on continue et on persiste à refuser de réintégrer des soignants qui peuvent prouver qu’ils sont négatifs. On refuse de les faire travailler. Pour moi, on est clairement dans un abus incroyable. Il faut tout simplement reconnaître que c’est une erreur. »
Désabusée par le traitement réservé aux professionnels suspendus, Angélique Vidallet compte poursuivre le développement de sa micro-entreprise et n’envisage pas de retrouver son poste à La Pitié-Salpêtrière, même si elle venait à être réintégrée.
« J’ai fait le deuil de ma carrière au sein de L’Assistance publique des Hôpitaux de Paris. Pour moi, il n’est pas question d’être réintégrée du fait de la manière dont j’ai été suspendue et de l’indifférence dont j’ai fait l’objet. »
« On m’a remplacée sans me prévenir, on a mis toutes les affaires qui étaient dans mon bureau – même des affaires personnelles, pas uniquement des affaires de travail – dans des sacs-poubelle et on les a jetées à la déchetterie. Pourtant, j’ai beaucoup donné pour le service, j’ai beaucoup donné à mes collègues, j’ai beaucoup soutenu mes collègues. Quand j’ai vu le retour… C’est fini », explique-t-elle.
Pour Angélique Vidallet, le délitement du système de santé ces dernières années serait d’ailleurs le fruit d’une « volonté politique ».
« Tout est en train de péter dans les hôpitaux. Les personnels qui sont sur place sont en service réduit. Il y en a plein qui se mettent en arrêt maladie, même des soignants qui exercent encore aujourd’hui. Les urgences sont complètement débordées, ce qui se passe dans les hôpitaux aujourd’hui est catastrophique et il n’y aucune réaction politique », conclut la quadragénaire.
Retrouvez le témoignage intégral d’Angélique Vidallet dans la vidéo.