ÉDITORIAUX

Un square, des discours, de « l’émotion » : ce que cachent les hommages à Samuel Paty

octobre 16, 2022 19:07, Last Updated: octobre 16, 2022 19:11
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Consolons-nous car ainsi va la vie : on a pris l’habitude de créer des monuments aux morts, de faire des discours la main sur le cœur en promettant que « jamais plus jamais » on n’enverrait les enfants de France faire la guerre, on ne détruirait la nature, on serait dupe des mensonges de pays ennemis, on laisserait l’extrémisme grandir dans notre pays.

Ces belles phrases cathartiques servent à tourner la page, à ne plus penser, et surtout à ne pas devoir agir. Il reste ensuite à espérer des périodes de calme, sans épidémie, sans attentats, sans menace nucléaire, sans pénuries… Mais si et quand une nouvelle catastrophe arrive, que ce soit par malheur, par manque d’anticipation et de courage, par peur d’affronter une réalité complexe, le ressort fonctionnera toujours : tout l’appareil d’État et toute la sphère médiatique prendront l’air grave des jours sombres. Le Président mettra une cravate noire, un appel à l’union de tous suivra, avec promesse de jours meilleurs grâce à la grandeur du pays. Un peu plus tard, on inaugurera un square, rassemblera des enfants pour chanter une chanson ou montrer les dessins faits en classe, et un représentant de l’État, la voix étranglée par l’émotion, montera à la tribune pour tirer les profondes leçons de l’événement et assurer que « jamais plus jamais » nous ne serons les mêmes. À chaque fois, on dira que les leçons sont maintenant apprises, et on n’agira pas. Car la parole et les larmes suffisent à faire oublier la réalité.

Cette même recette a été consciencieusement appliquée pour le deuxième hommage à Samuel Paty, enseignant décapité en octobre 2020 parce qu’il avait osé mener un débat sur l’Islam et la liberté d’expression. C’est dans une indifférence quasi-générale des élèves que, dans les lieux d’enseignement public, des « moments » Samuel Paty ont été organisés. « Minute de silence, échange ou encore séquence pédagogique » proposait le ministère de l’Éducation Nationale, laissant le choix et refusant de prendre le risque d’imposer la forme la plus solennelle – la minute de silence – de crainte que celle-ci ne soit pas respectée (ce qui aurait pu faire des vagues en montrant l’extrémisme de nombre d’élèves et de familles.)

Le ministre de l’Éducation Nationale Pap Ndiaye s’est aussi exprimé à la Sorbonne le samedi 15 octobre ; lui dont la réputation de calme inébranlable est si grande, a été décrit par l’AFP comme « ému » lors de son discours. Tout le monde a repris. « La cicatrice est encore béante » lit-on. Mais on ne traduira cette émotion, cette profonde blessure, en aucune conséquence, comme si les longues phrases et cérémonies devaient servir de lourds tapis pour dissimuler le fait qu’un professeur a été décapité en France.

Samuel Paty a eu droit à un square, à une salle à la Sorbonne, son nom est cité la main sur le cœur chaque fois qu’on évoque « les valeurs de la République. » Un prix Samuel Paty a aussi été créé, organisé par l’Association des professeurs d’histoire-géographie. Mais la réalité de terrain ? Pour le seul mois de septembre, 313 atteintes à la laïcité ont été rapportées, alors que Pap Ndiaye se réjouit de n’avoir eu connaissance « que » de 18 manifestations d’opposition à l’hommage offert à l’enseignant assassiné.

En réalité, la radicalisation et l’agrandissement des zones de non-droit sur le territoire n’ont pas ralenti ; c’est la volonté des professeurs d’enseigner la liberté d’expression qui, elle, disparait … personne ne semble vouloir risquer d’avoir un square à son nom dans une situation où les professionnels du « pas de vague » sont là pour rappeler qu’il y a déjà suffisamment à faire avec l’inculture généralisée des élèves et avec les trafics de drogue pour ne pas en plus s’occuper d’enseigner des valeurs. Pour prôner celles-ci, il suffit maintenant de rassemblements pour les Iraniennes – les soutenir à distance étant moins risqué que de s’occuper de l’Islam radical en France.

La semaine dernière, à Evry, un parent d’élève a pu écrire : « Votre prof, le sale juif, doit arrêter de faire le malin, on va lui faire une Samuel Paty à lui et à son père le rabbin sioniste.» La suite de l’histoire ne dit pas si, comme Samuel Paty en 2020, le dit professeur a été réprimandé par sa hiérarchie pour avoir tenté d’exercer son métier. Si l’extrémisme religieux gagne du terrain, c’est peut-être aussi parce que la République refuse de le reconnaître, par peur, par culpabilité post-coloniale, et pour ne pas devoir entendre la droite identitaire se vanter d’avoir toujours eu raison.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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