Un mois après la mort de Gino Mäder, Matej Mohoric, vainqueur à Poligny vendredi sur le Tour de France, a puisé au plus profond de lui-même pour lui rendre hommage et justifier une vie de sacrifices et de souffrance.
En larmes à l’arrivée, en larmes sur le podium, le Slovène était toujours en pleurs lorsque son compatriote Tadej Pogacar lui est tombé dans les bras après avoir franchi la ligne à Poligny avec un quart d’heure de retard, bien au chaud dans le peloton du maillot jaune Jonas Vingegaard.
C’est avec une émotion rare que Mohoric a accueilli sa troisième victoire sur la Grande Boucle, deux ans après son doublé lors de l’édition 2021.
Parce qu’il l’a arrachée avec les tripes et un brin de malice lorsqu’il a jeté son vélo sur la ligne pour battre Kasper Asgreen à la photo-finish.
Parce qu’elle survient un mois après la mort de Gino Mäder, son équipier chez Bahrain, tombé dans un ravin sur le Tour de Suisse. « Elle est pour lui », a balbutié le Slovène après avoir signé déjà le troisième succès de son équipe sur ce Tour après ceux de Pello Bilbao et Wout Poels.
« La course la plus dure du monde »
Mais aussi parce que c’est le Tour de France, tout simplement, « la course la plus dure du monde » où « lever les bras change votre vie » et où ils sont « chaque jour 150 à viser la victoire » et autant à « le mériter ».
A peine redescendu du vélo, le Slovène de 28 ans s’est lancé dans un hommage vibrant au peloton en retrouvant son habituel débit de mitraillette, malgré quelques sanglots et beaucoup d’émotion.
« Cette victoire signifie tellement pour moi. C’est tellement difficile et cruel d’être un coureur professionnel. Vous souffrez beaucoup, vous sacrifiez votre vie, votre famille juste pour être prêt à venir ici. Et là, au bout de quelques jours, vous réalisez que tout le monde est incroyablement fort, que c’est dur juste de garder la roue du mec devant. »
Arrivent alors les doutes qui assaillent même un coureur aussi costaud que lui, vainqueur d’un Monument (Milan-SanRemo) et trompe-la-mort dans les descentes qu’il a appris à apprivoiser jeune dans les montagnes slovènes.
« Parfois vous avez l’impression de ne pas avoir votre place à cette table tellement le niveau est élevé. Mais après, vous voyez l’encadrement qui se défonce pour vous, les mécanos qui travaillent jusque tard dans la nuit. Ca vous aide à repartir le matin. Cette victoire est aussi pour eux. »
Le Slovène a ensuite raconté sa journée de galère mercredi dans le terrifiant col de la Loze qu’il a escaladé comme un mort en sursis, « complètement vidé ».
« Et puis j’ai regardé les coureurs à côté de moi et ils souffraient tout autant. Alors on s’accroche. »
C’est le mental qui fait la différence
Et quand « tout le monde est à bout », a-t-il continué « c’est le mental qui fait la différence ».
Comme vendredi, lorsqu’il a puisé très profond pour prendre la roue de Kasper Asgreen quand le Danois a accéléré dans la côte d’Ivory, à une trentaine de kilomètres de l’arrivée.
« Je souffrais le martyre mais je savais que c’était le bon coup, Kasper était si fort, plus fort que moi », a assuré Mohoric.
Mais à l’arrivée, c’est bien lui qui a franchi la ligne en vainqueur après avoir devancé le Danois, vainqueur la veille à Bourg-en-Bresse, sur une marge tellement infime qu’il a dû attendre la photo-finish pour valider son résultat.
« Dans les moments importants, je réussis à garder la tête froide », a-t-il dit.
Le peloton, avec le maillot jaune Jonas Vingegaard, est arrivé avec près de 14 minutes de retard, roulant sur un rythme de sénateur car aucun coureur dangereux pour le classement général ne s’était glissé dans l’échappée.
Pour le Danois, qui compte toujours 7:35 d’avance sur Pogacar, il reste désormais un dernier obstacle à franchir, samedi lors d’une étape à six cols dans les Vosges, pour sceller son triomphe et le fêter pour la deuxième année consécutive dimanche sur les Champs Elysées.
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