Budapest et Varsovie ont bloqué lundi le budget de l’UE et le plan de relance massif laborieusement approuvés par les Vingt-Sept en juillet, ouvrant une crise au sein de l’Union en pleine deuxième vague de la pandémie de Covid-19.
Lors d’une réunion des ambassadeurs des pays de l’UE, la Hongrie et la Pologne ont mis leur veto à ce paquet pour s’opposer à la mise en place d’un mécanisme permettant de priver de fonds européens les pays accusés de violer l’Etat de droit (indépendance de la justice, respect des droits fondamentaux).
« La Hongrie a mis son veto au budget, comme le Premier ministre (Viktor) Orban avait prévenu, car nous ne pouvons pas soutenir le projet dans sa forme actuelle liant le critère de l’Etat de droit aux décisions budgétaires, c’est contraire aux conclusions du sommet de juillet », a déclaré sur Twitter Zoltan Kovacs, porte-parole du gouvernement hongrois.
Le mécanisme de conditionnalité
Les eurodéputés et les Etats membres de l’UE s’étaient accordés début novembre sur ce mécanisme de conditionnalité, une première pour le budget de l’UE. Cet accord, trouvé après d’âpres négociations, avait ouvert la voie à un compromis sur l’ensemble du budget pluriannuel (2021-2027) auquel le plan de relance est adossé.
L’ambassadeur allemand auprès de l’UE, Michael Clauss, dont le pays exerce la présidence semestrielle de l’UE, a déploré ce blocage. « Nous avons déjà perdu beaucoup de temps, face à la deuxième vague de la pandémie et aux graves dégâts économiques engendrés », a-t-il réagi.
« Il est crucial que le paquet tout entier soit adopté rapidement, sinon l’UE sera confrontée à une grave crise », a poursuivi le diplomate, appelant « de toute urgence ceux qui n’ont pas été capables de rejoindre le consensus européen presque atteint aujourd’hui à montrer la volonté nécessaire pour un compromis ».
« Nous allons poursuivre nos consultations intenses avec toutes les parties impliquées », a-t-il dit.
Trouver une solution
Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, s’est voulu optimiste, assurant dans un tweet qu’« une solution sera trouvée dans les toutes prochaines semaines », sans donner de détails.
Manfred Weber, le chef de file du PPE (droite), principal groupe au Parlement européen, a jugé « irresponsable » de priver l’Europe entière de financements en pleine crise, faisant valoir que « si vous respectez l’Etat de droit il n’y a rien à craindre »sur Twitter.
Les chefs de gouvernement hongrois Viktor Orban et polonais Mateusz Morawiecki, dans le collimateur de Bruxelles pour leurs réformes accusées de saper l’Etat de droit, avaient écrit une lettre aux dirigeants de l’UE pour contester le mécanisme prévu.
Le critère de l’Etat de droit
Le critère de l’Etat de droit « n’est qu’un prétexte (…), il s’agit d’un asservissement institutionnel, politique, d’une limitation radicale de la souveraineté », avait dénoncé lundi matin le ministre polonais de la Justice, Zbigniew Ziobro, qui appartient à l’aile dure du gouvernement.
Les ambassadeurs des 27 réunis lundi après-midi devaient se prononcer sur deux questions requérant l’unanimité: l’approbation du budget pluriannuel et une décision autorisant l’UE à augmenter ses ressources pour emprunter afin de financer le plan de relance.
Sur cette dernière décision, « les ambassadeurs de l’UE n’ont pas atteint l’unanimité nécessaire (…) en raison des réserves exprimées par deux Etats membres », a indiqué sur Twitter Sebastian Fischer, le porte-parole de la présidence allemande de l’UE.
Le mécanisme liant le versement des fonds européens au respect des valeurs démocratiques a quant à lui été approuvé sans encombre, la majorité qualifiée suffisant.
Les conséquences politiques
« Si le blocage persiste, il y aura des conséquences politiques pour la Hongrie et la Pologne, même si on ne peut pas les expulser de l’UE », a réagi un diplomate européen.
Le Polonais Donald Tusk, président du PPE, a réclamé l’exclusion de cette formation du parti de Viktor Orban pour sanctionner son veto, une procédure qui s’est par le passé heurtée à la puissante CDU d’Angela Merkel.
Les chefs d’Etat et de gouvernement européens s’étaient mis d’accord en juillet, au terme de quatre jours et quatre nuits d’un sommet marathon, sur un plan de relance qualifié d’« historique » pour faire face à la crise du Covid. D’un montant de 750 milliards d’euros, il est lié à un budget pluriannuel (2021-2027) de plus de 1.000 milliards d’euros.
Après l’échec de ce lundi, la recherche d’une solution sera discutée lors d’une réunion des ministres des Affaires européennes mardi, deux jours avant un sommet, officiellement consacré à la lutte contre la pandémie.
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