ARTS & CULTURE

Une trinité d’Annonciations

La scène emblématique de l'Annonciation a nourri l'imagination des artistes pendant des siècles, reflétant leurs propres styles artistiques et l'époque à laquelle ils vivaient
octobre 10, 2024 21:28, Last Updated: octobre 10, 2024 22:19
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L’Annonciation est l’un des sujets chrétiens les plus populaires dans l’art. Ce récit biblique essentiel est tiré de l’Évangile de Luc. Dans ce récit, Dieu envoie l’archange Gabriel rendre visite à une femme vierge, Marie, qui vit à Nazareth. L’archange lui annonce qu’elle portera le Fils de Dieu, Jésus.

Marie est d’abord surprise, se demandant comment une telle chose est possible. Gabriel lui dit de ne pas avoir peur et lui explique que l’Esprit Saint viendra sur elle. Marie accepte humblement la volonté de Dieu.

À partir de ce récit religieux, les peintres ont incarné tout au long de l’histoire des visions uniques qui reflètent leur propre style artistique et l’époque à laquelle ils vivaient.

Scènes siennoises

L’une des plus belles représentations de l’Annonciation a été créée par les artistes siennois du XIVe siècle, Simone Martini (vers 1284-1344) et son beau-frère, Lippo Memmi (actif entre 1317 et 1347). L’Annonciation entre les saints Ansan et Marguerite, datant de 1333, est un chef-d’œuvre de la collection des Offices de Florence. À l’origine, il a été réalisé pour l’autel de saint Ansan de la cathédrale de Sienne.

Annonciation entre les saints Ansan et Marguerite, vers 1333, par Simone Martini et Lippo Memmi. Détrempe sur bois ; 183 x 168 cm. Galerie des Offices, Florence. (Diego Delso / CC BY-SA 4.0)

Martini était l’un des peintres les plus talentueux, les plus prospères et les plus influents du Trecento, c’est-à-dire des années 1300. Son œuvre a été exaltée par Pétrarque, poète contemporain du début de la Renaissance italienne. Les tableaux de Martini se caractérisent par une technique raffinée, lyrique et élégante, néanmoins imprégnée de naturalisme.

Ses mécènes étaient nombreux et variés, notamment la famille régnante française de Naples, le gouvernement siennois, les frères franciscains d’Assise et la cour papale d’Avignon, en France, où il a passé ses dernières années. Le style de Martini a exercé une grande influence sur les artistes de son époque et sur ceux qui ont suivi dans la seconde moitié du XIVe siècle. Son œuvre a servi de base au développement du style gothique international, aristocratique et courtois, qui était populaire dans toute l’Europe.

Memmi était également un grand artiste, mais il a été historiquement éclipsé par Martini, en partie à cause d’attributions erronées de ses œuvres. Fils d’un artiste siennois, Memmi est connu pour ses lignes délicates et décoratives et son modelé figuratif. Dans l’Annonciation entre les saints Ansan et Marguerite, les spécialistes estiment qu’il est difficile de différencier la main de chaque artiste, tant leur collaboration a été harmonieuse.

Les lignes sinueuses et les couleurs élégantes de ce tableau témoignent de son origine siennoise. L’art de Florence, la rivale toscane de Sienne, était marqué à l’époque par l’importance des volumes. Le tableau est réalisé à la détrempe sur bois, le fond d’or du panneau conférant un caractère sacré à la composition. L’incorporation de l’or estampé, créé par l’impression d’un outil en laiton gravé sur la surface, provient de l’art byzantin et est devenu un élément clé du style gothique international.

Détail du panneau central de L’Annonciation entre les saints Ansan et Marguerite, vers 1333, de Simone Martini et Lippo Memmi. (Galerie des Offices, Florence. PD-US)

La scène centrale montre Gabriel, Marie et le Saint-Esprit. L’archange vient de descendre au sol, comme en témoignent son manteau encore tourbillonnant et ses ailes déployées. Une inscription en relief communique sa salutation : « Ave Gratia Plena Dominus Tecum ». Marie est animée d’un mouvement gracieux, en pivotant et en ramenant son corps en arrière. Les artistes la représentent comme surprise et inquiète de la manifestation soudaine de Gabriel. Au sommet, le Saint-Esprit est représenté sous la forme d’une colombe entourée d’anges. Les artistes ont également intégré des détails réalistes du XIVe siècle : un sol en marbre, un pot de lys (symbole de Marie), un trône élaboré, de riches étoffes et un livre à moitié fermé.

À l’extrême gauche du tableau se trouve saint Ansan, l’un des saints patrons de Sienne. La femme à l’extrême droite pourrait être sa mère, Maxima. En haut des panneaux, en tondos, peintures circulaires, se trouvent les prophètes Jérémie, Ézéchiel, Isaïe et Daniel. Ils tiennent des manuscrits qui, selon les Offices, « font allusion au mystère de l’incarnation ».

Le thème privilégié de Champaigne

L’Annonciation, vers 1644, par Philippe de Champaigne. Huile sur chêne ; 27 1/4 pouces par 27 3/4 pouces ou 69 cm par 70 cm (Le Metropolitan Museum of Art, New York. Domaine public)

La prédominance de l’Annonciation dans l’art médiéval et de la Renaissance s’est poursuivie jusqu’à la période baroque du XVIIe siècle. L’artiste français d’origine flamande Philippe de Champaigne (1602-74) aurait peint 17 versions de la scène, plus que tout autre sujet. Le Metropolitan Museum of Art possède un exemple de joyau datant du milieu de la série, vers 1644. Cette petite huile sur chêne a été réalisée à l’origine pour l’un des mécènes royaux de Champaigne, la reine Anne d’Autriche. Par la suite, le tableau a eu d’autres propriétaires importants, mais il n’a été connu des spécialistes que par une gravure de 1812. À l’époque, il se trouvait dans une collection privée à Saint-Pétersbourg. Il a refait surface en 2003 et a été acquis par le musée the Met (Le Metropolitan Museum of Art de New York) l’année suivante.

Champaigne était un membre fondateur de l’Académie française, ainsi qu’un peintre français prospère à la cour de France, employé par des personnalités comme le roi Louis XIII, son épouse la reine Anne d’Autriche, le cardinal Richelieu et la reine mère Marie de Médicis. Il était habile dans un certain nombre de genres, notamment le portrait, le retable, la peinture d’histoire, la nature morte et le paysage. Champaigne a apporté sa formation flamande, en particulier le réalisme et les couleurs fortes et brillantes de Rubens, au style classique en vogue dans le monde de l’art parisien dans les années 1640. Champaigne s’est surtout distingué par son sens aigu de l’observation, qui se manifeste dans les détails matériels, l’application précise de la peinture et le modelé sculptural. Ses tableaux sont empreints de dignité, d’austérité, d’émotion sobre et de naturalisme.

L’œuvre de Champaigne dédaigne le décoratif au profit de la sévérité ; il utilise même une palette quelque peu « glacée ». Cela est dû à l’influence du jansénisme, un mouvement de la Contre-Réforme catholique romaine caractérisé par l’ascétisme, auquel il a été attiré pour la première fois dans les années 1640. Dans les dernières années de sa vie, Champaigne s’est retiré de la cour et n’a plus peint que sa famille, ses amis, dont des jansénistes de premier plan, et des tableaux religieux.

L’Annonciation du musée the Met a été commandée pour la chapelle privée du Palais Royal d’Anne, alors veuve de Louis XIII et mère de Louis XIV, dont elle était la régente. En outre, Champaigne a créé plusieurs autres œuvres pour cet espace (qui a été démantelé en 1752), en collaboration avec d’autres artistes de premier plan. Le thème des peintures de la salle était les scènes de la vie de la Vierge, un sujet approprié pour la reine Anne en tant que mère du futur roi. Le visage de Marie dans L’Annonciation pourrait avoir été modelé sur un membre de la famille de Champaigne. Les premiers tableaux de l’Annonciation de Champaigne sont exubérants, tandis que ses versions tardives sont sévères ; celui-ci respire le calme.

L’interprétation de Rosetti

Ecce Ancilla Domini ! (L’Annonciation), 1849-1850, par Dante Gabriel Rossetti. Huile sur toile ; 72 x 42 cm. (Tate Britain, Londres. Tate / CC BY-SA 4.0)

La confrérie préraphaélite est l’un des principaux mouvements artistiques de la Grande-Bretagne du XIXe siècle. Ses membres s’inspiraient du Moyen Âge et du début de la Renaissance, de la littérature et de la musique. Ils voulaient renouveler le réalisme et l’émotivité dans l’art, en ramenant ce qu’ils considéraient comme la pureté de l’art italien avant le peintre de la Haute Renaissance, Raphaël. Certaines des toiles les plus célèbres du mouvement montrent des héroïnes romantiques de Shakespeare, de la mythologie classique et des légendes médiévales. Cependant, les thèmes sacrés ont également joué un rôle important.

L’un des fondateurs de la confrérie est Dante Gabriel Rossetti (1828-82). Né en Angleterre dans une famille italienne, il était un poète et un peintre doué, bien qu’il n’ait reçu qu’une formation artistique limitée. Ecce Ancilla Domini ! (L’Annonciation) de la Tate Britain, “National Gallery of British Art”, datant de 1849 à 1850, est une œuvre de jeunesse de l’artiste. Bien que Rossetti se soit inspiré des célèbres versions de l’Annonciation de Sandro Botticelli et de Fra Angelico, cette toile révèle l’interprétation unique de Rossetti.

Annonciation, vers 1438–1450, par Fra Angelico. Fresque ; 2,30 m sur 2,97 m. Musée de San Marco, Florence, Italie. (Domaine public)

La forme de la toile de Rossetti, haute et étroite, est inattendue, mais les spécialistes savent qu’il voulait que l’œuvre forme un diptyque, ce qui n’a jamais été réalisé. Au lieu de l’or qui domine la palette, comme dans la version de Martini et Memmi, Rossetti utilise principalement le blanc, symbole de pureté. Les couleurs de soutien sont primaires : le bleu, associé au ciel et à Marie, et le rouge, lié au sang du Christ (Marie est même représentée avec des cheveux roux). Comme Champaigne l’a peut-être fait, Rossetti a utilisé sa famille comme modèle. Son frère a été utilisé pour Gabriel et sa sœur a posé pour la Vierge.

Le tableau de Rossetti présente une représentation inhabituelle de Marie. Habituellement, elle est représentée assise en contemplation ou agenouillée en prière. Dans un souci d’hyperréalisme, Rossetti la place sur un lit bas. Elle semble avoir dormi et s’assoit de manière un peu disgracieuse, en se reculant aux nouvelles. L’archange tend à la Vierge un lys dont un bourgeon n’a pas encore fleuri. Le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe, plane au-dessus d’elle. L’artiste a écrit au bas de la toile le mot « mars », faisant probablement allusion à la fête de l’Annonciation et à sa date du 25 mars.

Bien que Martini et Memmi, Champaigne et Rossetti aient utilisé des lignes, des compositions et des couleurs différentes, les trois tableaux capturent l’essence de l’Annonciation. Un aspect commun est que tous les artistes se sont intéressés à apporter des détails réalistes à une histoire sainte, renforçant ainsi le lien du spectateur avec celle-ci. Ces œuvres, qui ont traversé les siècles, témoignent de l’intemporalité du sujet de l’Annonciation pour nourrir l’imagination de l’artiste.

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