Dernier d’une lignée familiale de sabotiers qui se sont transmis les secrets du métier de génération en génération depuis le XVIIe siècle, Bernard Kervoas a maintenant 76 ans. Le sabotier de Belle-Isle-en-Terre (Côtes-d’Armor) continue à travailler, mais n’a pas de relève.
« Je suis toujours là ! » s’exclame Bernard Kervoas, en entrevue à L’Écho de l’Armor et l’Argoat qui précise qu’il n’y a plus que deux ou trois sabotiers qui exercent encore leur métier dans toute la Bretagne, contrairement à ce qu’a indiqué LCI qui a titré un reportage sur Claude Simon, artisan de Camors (Morbihan) « À la rencontre du dernier sabotier breton ».
D’après le professionnel de Belle-Isle-en-Terre, même s’il y a moins de sabotiers en exercice, la demande a récemment augmenté : « J’ai ma clientèle d’habitués dans le secteur surtout, avec des inconditionnels qui achètent une paire de sabots tous les ans. Et des gens de plus loin, comme ce monsieur de la Forêt-Fouesnant (Finistère) qui est venu spécialement à Belle-Isle pour m’acheter une paire de sabots. »
En 2003, lors d’une entrevue au Télégramme, M. Kervoas faisait partie des six derniers sabotiers bretons encore en activité et il confiait fabriquer entre 1.200 et 1.500 paires de sabots par année. Il y a six mois, il a raconté à nos confrères de Ouest-France que le volume de sa production a baissé : « Je sors environ 500 paires par an. Il est révolu les années où on vendait à la douzaine pour les ventes en gros. »
Dans la famille Kervoas, on est sabotier de père en fils. Bernard n’a pas de fils, et ses deux filles ont décidé de ne pas lui succéder. Le sabotier sait que personne ne reprendra le flambeau. « Je ne trouverai personne. C’est compliqué de prendre des ouvriers dans un atelier comme le mien ou de former des apprentis, donc je n’y compte pas », confie-t-il.
Le sabotier de Belle-Isle-en-Terre a commencé à apprendre le métier dès sa plus tendre enfance, alors qu’il était « dans les pattes » de son père. « Regardez cette trace de coupure à mon doigt », indique-t-il. « Je me suis fait ça avec un outil quand j’avais 6 ans, alors qu’un vieil ouvrier m’apprenait à faire un sabot ! Mon père avait dit : ‘C’est le métier qui rentre’. »
L’atelier de Bernard Kervoas a été modernisé par son père, qui a été le premier sabotier de son département à acheter des machines. À l’époque de son arrière-grand-père, le métier était autrement plus dur, alors qu’il y avait « jusqu’à 120 à 150 sabotiers en forêt de Coat-Noz » : « L’abattage se faisait le lundi et le bois était travaillé en semaine. Ils dormaient sur place, tout était fait à la main… Cela faisait beaucoup de boulot. »
Aujourd’hui, les sabots de hêtre de Bernard sont encore portés par des gens qui y trouvent bien des avantages. Pratique pour aller chercher le courrier à la boîte aux lettres ou bricoler dans le garage – « on n’a pas froid aux pieds ! » – ils sont aussi sécuritaires pour jardiner, « car c’est solide, le sabot, pour bêcher ! ».
Récemment, avec les confinements, les sabots n’étant pas considérés de première nécessité, la production du sabotier s’est trouvée totalement arrêtée puisque Viviane, l’épouse de Bernard, n’avait plus le droit de la vendre sur les marchés. Heureusement, un boucher de Louargat a décidé au mois de novembre de vendre les sabots de l’artisan dans sa boutique.
« Quand pourrons-nous reprendre les marchés ? » interroge Viviane, en entrevue au Télégramme. « D’autant que nous considérons que nous sommes de première nécessité. On ne peut pas marcher pieds nus. Normalement, c’est à cette période que nous vendons le plus, lorsque les gens préparent les cadeaux de Noël. »
Quel dommage que tout ce savoir-faire de plusieurs générations se perde bientôt.
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