Après plus de cinq ans passés dans le labyrinthe du système d’accueil de réfugiés de Hong Kong, John affronte une nouvelle peur : l’expulsion au nom d’une « politique de renvoi » récemment modifiée.
« Quand vous fuyez pour votre sécurité, vous ne savez jamais où vous allez. Vous voulez juste aller là où vous pouvez être en sécurité », souffle John, un Africain d’une quarantaine d’années, qui a souhaité taire son vrai nom et sa nationalité pour se protéger. L’homme s’inquiète de nouvelles règles adoptées en décembre, qui permettent aux autorités d’expulser les personnes dont la demande d’asile a été rejetée, mais qui attendent toujours le résultat de leur appel au tribunal.
Depuis leur entrée en vigueur, 27 personnes ont été renvoyées et 1100 autres, comme John, sont désormais menacées d’une expulsion immédiate, selon les données officielles. « Cela nous ronge l’esprit, l’âme », se lamente-t-il. De nombreux réfugiés considèrent Hong Kong comme une étape vers une réinstallation permanente ailleurs, souvent sans savoir qu’au cours de la dernière décennie, 99% des demandes ont été rejetées par les services d’immigration.
Convention sur les réfugiés contre Convention sur la torture
Selon les chiffres officiels, ils sont près de 15.000 demandeurs d’asile à espérer une relocalisation. Or la Convention sur les réfugiés de l’ONU ne s’applique pas à Hong Kong, qui n’offre pas l’asile. La Chine est bien signataire du texte, mais ne l’a pas étendu à la ville.
La Convention contre la torture y est en revanche bien en vigueur : la métropole a obligation de non-refoulement des personnes vers leur pays d’origine si elles y sont persécutées. Les demandeurs déboutés peuvent faire appel de leur décision devant un tribunal et, dans de nombreux pays, ils ne risquent normalement pas d’être expulsés pendant qu’ils attendent une décision au sujet de leur appel.
Les nouvelles règles à Hong Kong impliquent cependant qu’un demandeur d’asile n’a, en fait, qu’une seule chance de plaider sa cause. En décembre, le sous-secrétaire à la Sécurité Michael Cheuk a accusé certains demandeurs d’« utiliser les procédures judiciaires pour prolonger leur séjour illégal à Hong Kong » et de représenter « un fardeau pour la société ».
Le droit d’appel sur une question de vie ou de mort
« Le discours officiel est très, très hostile aux demandes de non-refoulement », a relevé Surabhi Chopra, professeure de droit à l’université chinoise de Hong Kong. Elle estime qu’expulser un demandeur d’asile et attendre de lui qu’il assure le suivi de sa requête de non-refoulement à distance est une « contradiction inhérente ».
Le changement des règles suscite de l’anxiété au sein de la communauté des demandeurs d’asile à Hong Kong, selon Mark Daly, avocat spécialiste des questions touchant aux droits humains et dont le cabinet s’occupe des cas de non-refoulement. « (Le gouvernement) leur retire leur droit d’appel sur une question de vie ou de mort », a-t-il affirmé à l’AFP, ajoutant que les modifications avaient été apportées sans consultation du public ou du secteur juridique.
Aucun de ses clients n’a encore été expulsé sur la base de cette politique, mais il explique que les agents de l’immigration ont utilisé ces nouvelles règles pour justifier des détentions plus longues.
De nouveaux centres de détention
L’année dernière, les autorités ont dévoilé des plans visant à porter à quatre le nombre de centres de détention, où se retrouvent notamment des demandeurs d’asile à leur arrivée. D’anciens détenus de ces centres ont critiqué de mauvaises conditions, des périodes d’isolement prolongées et des violents passages à tabac, accusations que le gouvernement a fermement démenties.
La majorité des demandeurs d’asile sont relâchés, mais il leur est légalement interdit de travailler. La plupart doivent survivre péniblement avec les allocations gouvernementales, d’environ 3300 dollars hongkongais (394 euros) mensuels. En 2021, les autorités ont arrêté pour travail illégal 438 requérants qui demandaient le non-refoulement, renvoyant beaucoup d’entre eux en détention.
Accélérer les expulsions pour les requêtes infondées
L’année dernière, Hong Kong a expulsé 1097 demandeurs d’asile et des responsables affirment qu’avec la reprise des vols internationaux post-pandémie, ce nombre pourrait augmenter. Le Département de l’immigration a déclaré à l’AFP qu’il « continuerait à adopter une approche multidimensionnelle (…) en vue d’accélérer l’expulsion de Hong Kong des demandeurs d’asile » dont les requêtes sont « infondées », en vertu des nouvelles règles.
En parcourant ses anciens documents judiciaires, John se souvient avoir fait sa première demande d’asile à Hong Kong sans être au courant du taux d’expulsion élevé. Il dit aussi avoir du mal à trouver des fonctionnaires à l’écoute. « Cela dépend du juge (…) Certains juges peuvent tout simplement vous rejeter, et c’est tellement douloureux ».
Il n’est cependant pas déçu de sa vie à Hong Kong, où il a créé des liens avec ceux dans la même situation que lui. « On discute, on se donne de l’espoir », conclut-il.
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