« Maintenant !! », rugit un soldat ukrainien lorsque la sirène anti-bombardement commence à hurler. D’abord tétanisés, les quelques civils présents sur cette artère du centre de Kiev se mettent à courir où ils peuvent.
Un homme surgit de derrière un immeuble pour les guider.
Non loin, la carcasse calcinée d’un camion militaire ukrainien, pulvérisé pendant la nuit par un tir de missile russe, rappelle que la sirène — largement ignorée aux premiers jours de l’offensive par les habitants — est désormais synonyme de danger de mort.
Peu avant, des militaires expliquaient à l’AFP que les forces russes présentes quelques kilomètres plus haut sur cette artère, l’avenue de la Victoire, tiraient à l’aveugle des salves de roquettes avec leurs redoutables systèmes Grad.
Le groupe s’engouffre dans un immeuble par une porte rouillée. Coup de chance, la bâtisse de l’époque soviétique possède un abri souterrain.
A l’intérieur, une enfilade de pièces étroites à l’air saturé et éclairées par quelques ampoules qui pendent au plafond. Un vieil homme est endormi en chien de fusil sur un matelas de camping à même le sol.
Enceinte de mois ne pas causer une naissance prématurée
Ioulia Snitko a passé la nuit cachée là, en priant pour la vie de son enfant à naître.
Enceinte de huit mois, avec son ventre bien visible sous ses vêtements, elle craint que toute nouvelle explosion ou bruit de tirs ne la fasse accoucher prématurément, alors que se livrent des combats pour le contrôle d’une base militaire proche.
« J’essaie de rester aussi calme que je peux pour ne pas causer une naissance prématurée », confie cette femme âgée de 32 ans à l’AFP, qui dit avoir entendu d’« énormes explosions » pendant près d’une heure cette nuit.
« Lorsque j’ai réalisé ce qu’il se passait, je me suis mise à trembler, j’ai tremblé pendant cinq minutes », témoigne-t-elle.
Scénario de guerre comme venue d’un autre temps
A la cave, elle a descendu plusieurs cartons, un sac de couchage, un oreiller, son téléphone et un chargeur. La jeune femme ne croyait pas à ce scénario d’une guerre comme venue d’un autre temps et espère qu’il n’y en a que « pour quelques jours ».
Sa voisine, Tatyana Filonemko, retraitée, s’est déjà préparée mentalement à ce qui attend les habitants de Kiev dans les jours à venir.
« Tout ce que les gens peuvent faire dans une guerre, c’est tenir bon, ne faire qu’un, se soutenir mutuellement », dit-elle.
« C’est tout ce que nous pouvons faire », répète en boucle Mme Filomenko, qui espérait que sa génération serait celle qui « ne connaîtrait pas la guerre ».
Autour d’elle, les familles s’entassent sur des palettes ou des petits tabourets pour ne pas rester sur le sol glacé. Certains ont pensé à descendre des seaux, pour faire leurs besoins, et chacun tente de s’aménager un petit coin.
Les parents occupent les enfants comme ils peuvent, avec des jeux vidéo sur le téléphone.
Depuis le sous-sol, le bruit des explosions reste audible au loin.
« Je ne pense pas qu’on arrivera à prendre le train »
Irina Boutiak, enseignante de 38 ans, a passé deux jours dans la cave de son appartement, réfugiée aux côtés d’une vingtaine d’autres personnes.
« Nous avons des billets de train pour l’ouest de l’Ukraine pour demain. Je ne pense pas qu’on arrivera à prendre le train », soupire-t-elle.
Les stations de train sont prises d’assaut. Les bus sont à l’arrêt à Kiev et les profondes stations du métro datant de l’époque soviétique ont été transformées en abris antiaériens.
« Nous resterons ici jusqu’à ce qu’on puisse atteindre la gare », dit Mme Boutiak, ayant toujours du mal à comprendre comment sa ville a pu plonger dans la violence.
« Nous pensions que quelque chose comme ça pouvait arriver, mais nous espérions jusqu’à la fin que ce ne serait pas le cas », souffle-t-elle.
« Nous espérions que le bon sens et la décence prévaudraient. Eh bien, ce n’était pas le cas ».
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