Fin de partie pour la proposition d’annuler la retraite à 64 ans : le groupe des députés Liot, privé de vote, en a été réduit jeudi à retirer son texte, au bout d’une séance enfiévrée où les oppositions ont accusé le camp présidentiel de « déni de démocratie ».
Cette proposition d’abrogation avait entretenu la flamme des opposants à la réforme des retraites malgré sa promulgation mi-avril. Mais ce texte porté par le groupe indépendant Liot avait été vidé de sa mesure phare par la majorité. « Il ne reste plus rien dans le texte sauf évidemment les amendements de la minorité présidentielle. En responsabilité, nous avons décidé de retirer notre texte », a indiqué le patron du groupe Bertrand Pancher, en dénonçant « les attaques puissantes contre le Parlement ». « Nous n’allons pas nous ridiculiser à poursuivre le débat », a-t-il lâché, dépité, après plus de deux heures d’échanges éruptifs mais sans le moindre vote.
L’examen du texte bloqué
Cible de la colère des oppositions : la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a bloqué mercredi l’examen de la mesure d’abrogation, jugée inconstitutionnelle car elle crée une charge pour les finances publiques.
« De cet abaissement du Parlement ne peut ressortir que désintérêt pour nos institutions, et dans le pire des cas, colère et violence », a averti Charles de Courson (groupe Liot) à la tribune. En retour, le ministre du Travail Olivier Dussopt a pointé une proposition de son groupe « presque nihiliste » et « vide ». « Vous ne proposez rien d’autre que vous défausser car vous n’avez pas de projet alternatif commun », a-t-il lancé aux soutiens du texte, de la Nupes au RN en passant par certains LR.
Dans un hémicycle agité, la séance avait démarré par une série de rappels au règlement à l’adresse de Mme Braun-Pivet. « Vous abimez, vous écrabouillez la démocratie parlementaire », a tonné le patron des députés communistes André Chassaigne. Le président de la commission des Finances Eric Coquerel a épinglé « des décisions politiques et partisanes, sur ordre de l’exécutif ».
Mais, a rétorqué Eric Woerth dans le camp présidentiel, « le chahut constitutionnel voulu par Liot et LFI, c’est ça la véritable atteinte à la démocratie ».
La patronne du groupe RN Marine Le Pen est elle aussi montée en défense du texte : « Vous avez peur du peuple » et « votre réforme des retraites est illégitime », a-t-elle accusé. « Nous sommes confrontés aujourd’hui à une rupture démocratique majeure », a aussi estimé Mme Le Pen.
« La Constitution, c’est mon rôle »
Depuis le perchoir, Mme Braun-Pivet, issue des rangs macronistes, s’est justifiée à plusieurs reprises : « la Constitution, rien que la Constitution, c’est mon rôle ».
La mesure pour un retour à l’âge légal de départ à 62 ans avait d’abord été torpillée en commission lors d’un vote serré, puis réintroduite via des amendements.
La gauche et Liot avaient bon espoir de renverser la vapeur dans l’hémicycle. Mais « à la colère, à l’inquiétude, à l’incompréhension que nous, députés, avons tenté ici de relayer, vous avez répondu par le passage en force », a encore accusé Bertrand Pancher, chef de file des députés Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot), en brandissant une Constitution.
La cheffe de file des Insoumis, Mathilde Panot, a annoncé son souhait de déposer une motion de censure contre le gouvernement, qui doit encore être débattue au sein de la Nupes. Le groupe RN réfléchit aussi de son côté au dépôt d’une telle motion.
Même adoptée par l’Assemblée, la proposition d’abrogation n’aurait eu que de faibles chances d’aboutir au plan législatif, n’ont eu de cesse de faire valoir les macronistes. Tout en s’inquiétant du signal politique qu’aurait envoyé une victoire des oppositions.
Avec la fin de cette séquence parlementaire, deux jours après une 14e journée de mobilisation sociale dont la participation a été la plus faible enregistrée en cinq mois de manifestations, l’exécutif espère pouvoir tourner la page des retraites.
Seul moment de concorde jeudi : les députés ont observé une minute de silence, après l’attaque au couteau à Annecy qui a fait cinq blessés dont quatre enfants.
La présidente des députés Renaissance Aurore Bergé a considéré que la « bataille de chiffonniers » dans l’hémicycle paraissait « en total décalage par rapport à l’effroi » dans le pays, s’attirant les foudres des oppositions.
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