« Le débat public doit s’ouvrir sur le droit du sol » en France, a estimé jeudi soir à l’Assemblée le ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui s’est dit favorable à une réforme de la Constitution sur le sujet, après l’adoption d’une proposition de loi restreignant le droit du sol à Mayotte.
L’Assemblée nationale a adopté jeudi soir une proposition de loi portée par la droite visant à durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte, lors d’une séance particulièrement houleuse.
« Aujourd’hui, je serais favorable à ce que les Français puissent trancher ce genre de question lors d’une élection présidentielle en 2027 ou lors d’un référendum qui serait décidé par le président de la République », a-t-il dit.
Interrogée sur ce thème vendredi sur RTL, Élisabeth Borne, numéro deux du gouvernement dans l’ordre protocolaire, s’est prononcée contre cette idée. « Je n’y suis pas favorable », a déclaré l’ex-Première ministre. « Je pense que ce que les Français attendent de nous, ce sont des actes et pas de renvoyer à une future modification constitutionnelle », a-t-elle estimé.
Démanteler les réseaux de passeurs
« Je me réjouis que Bruno Retailleau (le ministre de l’Intérieur, ndlr) s’attaque au démantèlement des réseaux de passeurs. Et on a des tas de dispositions, notamment des décrets qui restent à prendre sur la loi immigration qui avait été adoptée fin 2023 », a poursuivi la ministre.
Elle a toutefois soutenu la proposition de loi tout juste adoptée concernant Mayotte. « Je pense qu’on a besoin de mesures fortes pour limiter l’immigration illégale à Mayotte » et « ça peut être aussi une des mesures de restreindre les conditions d’accès au droit du sol », a-t-elle dit.
Saluant aussi cette proposition de loi sur LCI jeudi soir, Bruno Retailleau a lui jugé que Mayotte, comme la Guyane, sont un « exemple incroyable sur un petit territoire d’une société totalement déséquilibrée par les flux migratoires ». « Aucune société, quelle que soit la culture, ne peut supporter une proportion où il y a, comme le disait le Premier ministre, une submersion », a-t-il dit.
Face à l’immigration en provenance des Comores voisines, le texte est « un signal pas suffisant », a pour sa part jugé Marine Le Pen pour le RN. Il faut « faire cesser cet appel d’air de l’immigration clandestine. »
Deux parents en situation régulière depuis trois ans
Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Le texte porté par les Républicains (LR) entend conditionner l’obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte à la résidence régulière sur le sol français, au moment de la naissance, des « deux parents » (et non plus d’un seul), et ce depuis trois ans (et non plus trois mois).
Les Insoumis avaient déposé plusieurs dizaines d’amendements, certains visant ostensiblement à faire durer les débats. Car le texte était examiné lors de la journée réservée aux propositions du groupe LR, qui s’achève obligatoirement à minuit, comme toute « niche » parlementaire.
Un propos du rapporteur LR du texte, Philippe Gosselin, adressé à deux députées LFI dont Mathilde Panot, a provoqué l’ire à gauche: « Occupez-vous de vos propres niches. J’aurais tendance à vous dire restez-y peut-être même », a-t-il dit, avant d’être rappelé à l’ordre par le vice-président de l’Assemblée nationale et contraint de s’excuser.
Plus tôt, face à la cacophonie et aux tentatives d’obstruction, Gérald Darmanin a utilisé l’article 44 de la Constitution permettant de faire tomber tous les amendements n’ayant pas préalablement été étudiés en commission, afin d’accélérer la discussion.
Le texte a été défendu par M. Gosselin comme n’étant pas « l’alpha et l’oméga » mais la « pièce d’un puzzle ». Son avantage selon lui : ne pas nécessiter de modification constitutionnelle, contrairement à une suppression totale du droit du sol — un sujet largement abordé lors des débats.
M. Darmanin a rappelé être favorable à son abolition, à l’avenir, pour l’archipel, pointant que le droit du sol n’a été instauré qu’en 1993 à Mayotte. Abolition aussi demandée par le RN, qui avait déposé un amendement – rejeté – en ce sens. Le parti de Marine Le Pen a en outre réaffirmé vouloir la suppression du droit du sol en métropole.
Un texte qui ouvre « une brèche »
Ce texte ouvre « une brèche », a dénoncé la députée PS Colette Capdevielle. « Après Mayotte, ce sera la Guyane, puis Saint-Martin, puis un beau jour, l’ensemble du territoire français », a abondé Aurélien Taché pour LFI.
La députée de Mayotte Estelle Youssouffa (groupe centriste Liot) a, elle, souligné souhaiter l’abrogation du droit du sol « uniquement pour Mayotte ».
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.