Un ex-chef de l’Etat jugé pour corruption, une première sous la Ve République: le procès de Nicolas Sarkozy, de son avocat Thierry Herzog et de l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert dans l’affaire dite des « écoutes » s’est ouvert lundi après-midi à Paris.
L’ancien président de la République est arrivé au tribunal face à une nuée de caméras, vers 13h20, sans faire de déclaration, en costume noir sur chemise blanche, masque chirurgical sur le visage.
Dans la salle d’audience, semblant à l’aise, il a salué les avocats et les procureurs financiers.
Alors que la présidente du tribunal correctionnel Christine Mée déclinait son identité complète, Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa, l’ex-président a répondu « Sarkozy, c’est suffisant ». La magistrate a précisé que la procédure le prévoyait pour le casier judiciaire, il a rétorqué, en haussant les épaules, « pour l’instant je n’ai pas eu besoin de l’utiliser ».
Il s’est ensuite assis sur un siège rouge au côté de Thierry Herzog. La chaise du troisième prévenu, Gilbert Azibert, est restée vide.
Le conseil de ce dernier a plaidé une demande de renvoi pour son client, âgé de 73 ans. Le tribunal devra y faire droit ou la rejeter avant le début effectif du procès. Il peut également ordonner une expertise médicale, ce qui entraînerait une suspension.
Il clame ne pas être « un pourri »
Avant Nicolas Sarkozy, un seul ancien président, Jacques Chirac, a été jugé et condamné en 2011 pour les emplois fictifs de la Ville de Paris, mais sans avoir jamais comparu devant ses juges en raison de son état de santé.
Dénonçant un « scandale qui restera dans les annales », Nicolas Sarkozy, 65 ans, a promis d’être « combatif » devant le tribunal et clamé ne pas être « un pourri ».
L’affaire des « écoutes », également appelée affaire « Bismuth », trouve son origine dans un autre dossier judiciaire: les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 qui lui valent une quadruple mise en examen.
L’existence d’un pacte de corruption à travers des écoutes réalisées par magistrats
Dans ce dossier, les juges avaient décidé en septembre 2013 de placer l’ancien président sur écoute et découvert, début 2014, qu’il utilisait une ligne secrète, sous l’alias « Paul Bismuth », pour communiquer avec Thierry Herzog.
Selon l’accusation, certaines de leurs conversations ont révélé l’existence d’un pacte de corruption: Nicolas Sarkozy a, par l’intermédiaire de son avocat, envisagé d’apporter un « coup de pouce » à M. Azibert pour un poste à Monaco qu’il convoitait – et qu’il n’a jamais obtenu.
En contrepartie, ce haut magistrat a fourni des informations couvertes par le secret sur une procédure engagée par l’ex-chef d’Etat devant la Cour de cassation en marge de l’affaire Bettencourt.
Un jeu de corruptions en question
Nicolas Sarkozy, qui avait bénéficié d’un non-lieu dans ce dossier fin 2013, avait saisi la haute juridiction pour faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels, susceptibles d’intéresser la justice dans d’autres procédures.
Dans les conversations fleuries avec son avocat, socle de l’accusation, l’ex-président s’engageait à intervenir en faveur de Gilbert Azibert. « Moi, je le fais monter », « je l’aiderai », dit-il ainsi à Me Herzog.
Quelques jours plus tard, il déclare qu’il a renoncé à toute « démarche » auprès des autorités monégasques. Pour les enquêteurs, ce revirement soudain pourrait venir de la découverte par les deux hommes que leurs téléphones officieux étaient sur écoute.
« Tout ça, ce sont des petits bouts de phrase extraits d’un contexte », a balayé lundi matin sur FranceInfo Paul-Albert Iweins, avocat de M. Herzog, évoquant uniquement « des conversations entre amis de très longue date ». « C’est une affaire que le général De Gaulle aurait qualifiée d’affaire de cornecul et dont on essaye de faire une affaire d’Etat », a-t-il ajouté.
Dans un réquisitoire sévère en octobre 2017, le Parquet national financier (PNF) avait comparé les méthodes de Nicolas Sarkozy à celles d' »un délinquant chevronné ».
Retiré de la politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016 mais toujours très influent à LR, il encourt dix ans de prison et un million d’euros d’amende pour corruption et trafic d’influence, comme ses coprévenus – jugés en sus pour violation du secret professionnel.
Les trois prévenus contestent tout « pacte de corruption ».
« M. Azibert n’a rien obtenu, je n’ai pas fait de démarche et j’ai été débouté par la Cour de cassation » concernant les agendas, appuyait l’ancien président dès 2014. Il n’a eu cesse de dénoncer une instrumentalisation politique de la justice et a, sans succès, multiplié les recours.
Un autre procès attend Nicolas Sarkozy au printemps: celui de l’affaire Bygmalion sur ses frais de campagne pour l’élection présidentielle de 2012.
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