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Agriculture: le combat épuisant d’un éleveur contre une antenne 4G

octobre 25, 2022 10:20, Last Updated: octobre 25, 2022 11:00
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« Elles sont sous perfusion »: Frédéric Salgues, éleveur de Haute-Loire, observe avec dépit ses vaches amaigries. Il se prépare au mieux à les vendre, au pire à les voir mourir, faute d’avoir obtenu l’arrêt d’une antenne 4G qui, selon lui, fait dépérir son troupeau.

Un veau est mort ce matin-là. Il s’ajoute à la cinquantaine de bêtes qu’il dit avoir perdues depuis que le pylône a été érigé en juillet 2021 à environ 200 mètres de sa ferme, sur la commune de Mazeyrat-d’Allier. L’éleveur en est sûr: les vaches ne supportent pas les ondes électromagnétiques générées par l’antenne relais.

Contrairement à leur habitude, les bêtes se serrent dans le vaste bâtiment qui sert d’étable, à l’entrée du village. Certaines ont l’œil globuleux, les flancs décharnés, l’une d’elles a la mâchoire bloquée. « Regardez, elles n’arrivent même pas à lever la tête. Elles devraient être couchées partout, il y a bien assez de place, elles sont 60 pour un bâtiment de 98! », s’emporte cet homme de 43 ans, à la barbe de trois jours et en combinaison de travail grise.

Il avait saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour demander une désactivation provisoire de l’antenne dans l’attente d’une expertise. Il avait obtenu gain de cause mais la décision, inédite en France, a été retoquée par le Conseil d’État, saisi par l’État et par les opérateurs Orange, Bouygues Télécom, Free et SFR.

En désespoir de cause, l’éleveur a coupé le disjoncteur de l’antenne à plusieurs reprises et assure que le troupeau se porte mieux quand l’émetteur ne fonctionne pas. Aux décès, s’ajoute une baisse importante de la production de lait, selon lui.

« Ce cheptel fait partie des 10% à 20% meilleurs du département » et « je n’ai pas d’éléments médicaux pour expliquer la chute brutale de la production de lait, de 15% à 20%, dans les jours qui ont suivi la mise en place de l’antenne », avait témoigné l’expert judiciaire devant le tribunal administratif en mai.

« C’est un déchirement »

Pour « sauver ce qu’il y a à sauver », Frédéric Salgues a pris la décision de vendre ce qu’il peut, en concertation avec son épouse et son frère, associés avec lui dans le Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun) du Coupet.

Une centaine de bêtes – la moitié du troupeau- sont déjà parties. En cet après-midi d’octobre, onze d’entre elles, soigneusement sélectionnées, vont être conduites chez un agriculteur de Saône-et-Loire. Les vaches, des Prim’holstein à la robe noire et blanche, rechignent à grimper dans la bétaillère, avant que les portes ne se referment sur elles.

« C’est un déchirement. On a commencé avec 30 laitières avec mon frère, on est parti de rien il y a 15 ans… Mais on ne va pas continuer comme cela, les vaches n’ont plus de lait. On ne va pas au travail pour voir souffrir les animaux », dit Frédéric Salgues, la mine sombre, en regardant le véhicule s’éloigner.

« On gardera une trentaine de bêtes, on vendra des récoltes et on ira travailler comme salariés », se résigne-t-il.

« Le matin, vous parlez antenne, à midi, vous parlez antenne, le soir, vous parlez antenne. Ca vous ronge. On avait toujours espoir qu’ils l’arrêtent, mais personne n’est capable de prendre la décision », déplore l’agriculteur.

« On a tout essayé »

Son fils de 19 ans qui vient de terminer ses études devait rejoindre l’exploitation familiale. Il est désormais salarié dans une ferme des environs.

L’expertise mandatée par le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay doit être rendue fin février. « Je suis très pessimiste. S’ils ne veulent pas couper l’antenne, dans trois mois, six mois, nous en serons au même point », estime Philippe Molherat, le maire du village.

À l’origine favorable au pylône pour améliorer la couverture du réseau dans la région, l’élu a participé ces derniers mois aux rassemblements pour demander son arrêt.

« On a tout essayé, analysé l’eau, les fourrages, changé l’alimentation, autopsié les vaches décédées, il n’y a rien », détaille Frédéric Salgues. En attendant, « on fait le boulot comme avant, mais là, on les maintient juste en vie ».

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