Le conflit social chez Air Antilles et Air Guyane s’enlise, faisant planer le spectre de la liquidation de cet acteur du transport aérien caribéen et craindre l’enclavement des îles de la région comme la flambée des prix des liaisons entre elles.
Les pilotes grévistes de ces deux filiales de la Compagnie aérienne interrégionale express (Caire) réclament depuis le 14 juillet les revalorisations salariales accordées à l’issue d’un conflit précédent, en décembre dernier, et qui selon eux n’ont pas été honorées.
Le PDG du groupe, Éric Koury, oppose à ces exigences l’endettement de l’entreprise. Nouvellement arrivé, Éric Koury avait pris « la présidence (de Caire) en juillet 2021, en pleine crise du Covid-19 », rappelle-t-il dans un entretien au Pige. La pandémie a fortement impacté les compagnies aériennes, contraintes d’arrêter leur activité au plus fort de la crise, qui aura duré « près de 2,5 ans », précise M. Koury.
C’est dans ce contexte, que le PDG de Caire « a considéré qu’il était opportun de retrousser ses manches et de tout mettre en œuvre pour sauver les compagnies Air Antilles et Air Guyane ». Il explique que le groupe avait perdu « 50% de son chiffre d’affaires », du fait que « toutes les frontières étaient fermées et que (nous) volions à peine entre les villes françaises ». Ce n’est que fin 2022 que l’activité aérienne du Caire a repris selon M. Koury.
Une reprise entachée par une nouvelle grève
Dans un contexte positif de reprise économique, le groupe s’est attelé par ailleurs à réduire la dette générée par la crise du Covid-19, en mettant en place un plan de restructuration. Mais c’est sans compter sur le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) qui déposait, fin 2022, un préavis de grève. Le PDG de Caire a accepté de leur attribuer « une augmentation de 5,5%, ce qui est significatif malgré la situation économique difficile de l’entreprise ».
Malgré cette entente et un redémarrage de l’activité, avec des niveaux de réservation « très importants » pour la saison estivale, « la SNPL a décidé de faire un bis repetita en déposant un préavis de grève pour le 14 juillet, date de démarrage de la saison », déplore M. Koury, « en faisant le pari qu’en étant en saison et en période de pointe, j’allais obligatoirement accepter leurs revendications ».
Des revendications « inacceptables » selon le PDG de Caire, sous forme d’un accord que le SNPL a tenté d’imposer, sans discussion préalable, précise-t-il. « Il est évident que cet accord est insupportable pour notre compagnie : ses conséquences représentent (une augmentation de) 20% (…) sur le salaire minimum garanti (…) et de temps forfaitaire sur les vols ». Cet « accord » imposé aurait coûté à la société « rien que sur les Antilles, une évolution de 2 millions par an », explique-t-il. Il aurait fallu le répercuter sur le prix des billets, entre 8 et 12 € supplémentaires par passager d’après M. Koury.
Le bras de fer engagé par les syndicats s’est soldé par un échec, étant donné l’impossible mise en application du protocole d’accord imposé au groupe, selon son PDG. Cette nouvelle grève n’aura pas réussi à faire sortir le groupe aérien de sa dette, malgré une bonne reprise. Éric Koury a déposé auprès du tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre une demande de mise en cessation de paiement et en liquidation judiciaire de l’entreprise qui sera examinée mercredi.
La grève, démarrée durant les grandes vacances, laisse de nombreux voyageurs sans solution dans les îles caribéennes, que la compagnie relie depuis la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Un hélicoptère a dû être être affrété pour desservir certaines communes guyanaises isolées, selon la chaîne Guyane la Première.
Air Antilles, la plus importante des deux filiales, est la seule compagnie aérienne à desservir les îles caribéennes non françaises depuis la Guadeloupe et la Martinique. Elle est la tête de pont de l’alliance CaribSky, financée par des fonds européens. Mais ce partenariat bat de l’aile depuis qu’une autre compagnie, la Liat, a fermé ses portes en 2020 et que Winair, troisième acteur de CaribSky, a également connu des difficultés après la pandémie de Covid-19.
300 emplois en jeu
En 2020, avec d’autres collectivités d’outre-mer, la Région Guadeloupe avait participé au sauvetage financier de la compagnie Corsair, qui dessert plusieurs départements ultramarins depuis Paris. Cette fois, le président de la région Guadeloupe, Ary Chalus, estime qu’il ne faut pas « toujours penser aux collectivités (…) pour injecter de l’argent » dans une entreprise « privée ». Il souligne cependant avoir « entamé depuis quelques mois des échanges avec les États membres de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO) sur l’avenir de l’aérien au niveau régional ». « Tout doit être fait pour préserver les 300 emplois qui sont en jeu », fait valoir de son côté le sénateur de la Guadeloupe Victorin Lurel (PS), qui espère voir « créer à terme une nouvelle compagnie aérienne caribéenne ».
Dans mes échanges avec les ministres @VigierPhilippe et @CBeaune sur le dossier #AirAntilles/#AirGuyane, j’ai plaidé pour préserver l’emploi mais aussi pour que l’Etat s’implique avec les collectivités dans une nouvelle organisation du transport aérien régional.
Mon communiqué⤵️ pic.twitter.com/dDzjVdxmJq— Victorin LUREL (@VictorinLurel) July 29, 2023
Car la chute d’Air Antilles et d’Air Guyane ferait drastiquement augmenter les prix des billets en réduisant le nombre d’acteurs, y compris sur la desserte des territoires français, selon plusieurs sources politiques et économiques. Or les prix sont déjà élevés, à la suite d’une entente sur des « hausses de tarifs, de baisse d’offre et sa répartition » entre plusieurs compagnies relevée en mars par l’Autorité de la concurrence dans un communiqué.
Depuis le 26 juillet, une médiation entre la direction et le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) a lieu sous l’égide des services de l’État. Mais les négociations avancent peu. « Nous sommes à un niveau plancher de nos revendications, nous ne pouvons pas descendre plus bas », explique à l’AFP Brieuc Hardy, du SNPL, qui réclame environ 15% d’augmentation de rémunérations qui sont, selon son syndicat, « parmi les plus basses du marché ». Une telle demande serait « insupportable pour l’entreprise », rétorque le PDG de la compagnie, déjà endettée en raison des aides d’État perçues durant la pandémie. Des difficultés économiques contestées par les syndicats.
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