Alexandre del Valle : « Le président Trump veut faire un ‘triangle de Kissinger’ inversé, pour détacher la Russie de la Chine »

Par Julian Herrero
24 février 2025 17:16 Mis à jour: 24 février 2025 18:46

ENTRETIEN – Le géopolitologue et essayiste Alexandre del Valle, auteur de Vers un choc global (2023) et La mondialisation dangereuse (2021) aux éditions de l’Artilleur, décrypte pour Epoch Times l’actualité internationale.

Epoch Times : La semaine dernière, une réunion informelle s’est tenue à Paris à l’initiative d’Emmanuel Macron. Elle a réuni divers leaders européens et le secrétaire général de l’OTAN. Cette réunion est intervenue quelques jours après l’entretien entre Donald Trump et Vladimir Poutine et puis le discours de JD Vance à Munich. À l’issue de la réunion, il a été affirmé que « l’Ukraine mérite la paix par la force ». Comment avez-vous interprété l’organisation de cette rencontre ? Les Européens peuvent-ils revenir dans le jeu international ?

Alexandre del Valle : Non, je pense que les Européens sont complètement hors circuit. Premièrement, l’Angleterre a joué un rôle très important en dehors de l’UE dans cette guerre. L’ancien Premier ministre, Boris Johnson, avait été le « churchillien de com » qui est allé dire au président ukrainien de ne surtout pas signer les accords d’Istanbul au printemps 2022. Les Russes acceptaient pourtant de se retirer des territoires conquis en échange de la Crimée et de la neutralité définitive. Les Ukrainiens auraient ainsi pu préserver l’essentiel du Donbass et éviter des centaines de milliers de morts. En échange, l’Ukraine devait renoncer définitivement à l’OTAN et à avoir des armes occidentales sur son sol, puis elle devait accepter une régionalisation de son territoire.

Le Royaume-Uni a bloqué une paix possible qui était considérée démagogiquement comme « munichoise » par Johnson et ses successeurs. Ils ont joué un rôle énorme dans la poursuite de la guerre en redonnant un prétexte et du courage à la fois aux Ukrainiens et à Joe Biden. Ce dernier a ensuite suivi Londres et son lobby pro-guerre, et ce, alors que l’on sait que l’Ukraine ne pouvait pas gagner sans une aviation conséquente et 200.000 soldats occidentaux au sol, au minimum.

Il s’agissait pour eux de continuer la guerre coûte que coûte dans le but de faire perdre la Russie, non pas militairement, puisque les Ukrainiens ne pouvaient les vaincre par les armes, mais politiquement. Ils avaient l’espoir que Vladimir Poutine soit renversé par un mécontentement populaire ou une révolution de palais due à l’embourbement en Ukraine.

Ceci n’est pas arrivé et cela n’a pas marché. Entre temps, les Européens ont soutenu de plus belle Volodymyr Zelenski, pris par leur posture churchillienne apparemment courageuse et noble, mais en réalité velléitaire. L’Ukraine n’aura jamais obtenu l’aide réellement nécessaire pour chasser les Russes.

Emmanuel Macron, Giorgia Meloni, etc., ont voulu suivre Boris Johnson et sont tombés dans un piège qui finalement consistait à être plus royaliste que le roi, presque plus belliqueux que les États-Unis, mais sans être en mesure de fournir suffisamment de moyens à l’Ukraine pour qu’elle puisse l’emporter.

Maintenant, nous en sommes arrivés au point où la solution européenne n’a pas fonctionné. Keir Starmer s’est dit prêt à envoyer des troupes au sol, mais même si les Britanniques sont très courageux, cette solution n’est également pas réaliste, car elle reste conditionnée à la solidarité stratégique américaine.

Or ce que nous savons du « plan » Trump pour l’Ukraine, notamment à l’aune de sa dernière proposition sur les terres rares et matières stratégiques ukrainiennes, c’est que même si les ressources du pays sont confiées en masse aux compagnies américaines, Washington ne veut pas s’engager à offrir des garanties de sécurité à Kiev. Les États-Unis ont tout au plus l’intention de continuer à aider l’Ukraine en lui fournissant du matériel sans aucune promesse de montants et de catégories…

Les Européens ont donc été clairement déclassés par le président américain qui cherche à négocier seul avec la Russie. Donald Trump s’est entretenu avec Vladimir Poutine, il y a eu les déclarations de JD Vance, Elon Musk et de Keith Kellogg, puis il y a eu la rencontre à Riyad qui a démontré que des pays du monde multipolaire non-occidentaux comme l’Arabie saoudite peuvent jouer un rôle de peace maker, que l’UE, à cause de son moralisme, s’est elle-même empêchée de jouer…

Sans oublier le fait qu’en ayant échoué à régler le problème ukrainien de façon négociée, comme l’a déploré Trump, et sachant que Angela Merkel et François Hollande ont eux-mêmes reconnu qu’ils avaient signé les accords de Minsk de façon trompeuse, sans intention de les faire appliquer, mais juste pour gagner du temps pour que Kiev s’arme pour attaquer les Russes du Donbass…

Cette vision est contestée, mais elle contient une grande part de vrai, même si les Européens ont agi sincèrement. Ceci explique pourquoi Trump a accusé les Européens et Zelensky de s’être lancés bêtement dans une guerre que l’on aurait pu éviter et qu’ils ne pouvaient pas gagner. Pour toutes ces raisons, il n’est absolument pas question pour Trump d’associer les Européens dans la phase actuelle, pas même les Anglais, fidèles alliés transatlantiques.

Les Européens se disent humiliés, déclassés sur leur propre sol, mais en réalité, les pourparlers de Riyad n’ont pas concerné l’accord de paix en Ukraine, mais le rétablissement des relations russo-américaines, préalable aux pourparlers qui vont suivre. Les Européens vont être associés aux discussions dans un second temps, lorsqu’ils seront revenus à une position réaliste.

Dans ce contexte, Emmanuel Macron, qui est un excellent communicant, a voulu réunir à Paris certains leaders européens, puis il s’est rendu à Washington avec son homologue Starmer. Mais ce qui ressort de ces réunions pour le moment, c’est surtout les divisions inter-européennes, notamment sur l’envoi de troupes. La preuve, même les très antirusses Polonais se sont opposés à cette solution. Emmanuel Macron est donc en pleine illusion quand il évoque l’envoi de troupes.

Quand il en parle, on a le sentiment qu’elles vont être déployées pour vaincre les Russes, mais elles seront simplement des forces d’interposition en cas de nouveau conflit russo-ukrainien. Elles vont dans le sens de la soumission au plan Trump-Kellog, tout en prétendant le contraire, puisqu’elles consistent à envoyer des troupes européennes le long de la future ligne de démarcation que les Américains ne veulent pas assurer.

Est-ce réaliste ou faisable ?

En fait, force est de reconnaître que cela est purement velléitaire. Premièrement, parce que les Russes ont déjà dit qu’ils ne veulent pas de troupes de pays de l’UE et de l’OTAN, et qu’ils préfèrent les propositions d’envois de soldats brésiliens et chinois. Deuxièmement, parce que les Européens ne peuvent envoyer en permanence sur la ligne de front russo-ukrainienne que 30.000 hommes, soit 10 % de ce qui est nécessaire…

En outre, au cas où des Européens enverraient quand même des troupes, ces armées des pays de l’UE et de l’OTAN seront directement concernées par une logique de riposte, et non les États-Unis qui pourront jouer avec la souplesse de l’article 5 de l’alliance atlantique pour ne pas venir prêter main forte à leurs alliés…

Comment analysez-vous les désaccords entre les puissances européennes sur la question de l’envoi des troupes ? Le Royaume-Uni y est favorable. L’Allemagne, par la voix d’Olaf Scholz, estime que le débat sur ce sujet est trop « prématuré ».

Le désormais ex-chancelier allemand pratique aussi bien le « en même temps » qu’Emmanuel Macron. Il disait que le débat est prématuré parce que les élections allemandes approchaient et que les deux partis pro-russes, l’AfD et la gauche de Sahra Wagenknecht, progressaient dans les intentions de vote. Cela étant, Olaf Scholz a tout de même affirmé qu’il n’excluait pas cette option si un accord se faisait en totale solidarité avec les Américains. Ce qui est presque impossible : les États-Unis ne veulent justement pas être la puissance qui va garantir la suite des opérations en Ukraine. Ils veulent se débarrasser de ce fardeau. En affirmant cela, l’ex-chancelier allemand sous-entendait qu’ils puissent déployer un contingent sur le sol ukrainien, mais l’administration américaine y est farouchement opposée.

Même Joe Biden était contre. Ainsi, l’UE est divisée, mais de manière quelque peu baroque : Giorgia Meloni, qu’on nous présentait au départ comme pro-russe, est favorable à l’envoi de soldats, mais avec des conditions complexes. Et encore une fois, les très atlantistes polonais s’y opposent. Tout cela est quand même assez ridicule.

Le cas polonais demeure néanmoins intéressant : si Varsovie n’est pas favorable à l’envoi de troupes, ce n’est pas tant parce qu’elle ne veut pas résister à la Russie, mais davantage parce qu’elle ne souhaite pas participer – tout comme l’Allemagne – à une proposition française. Elle veut aussi garder ses troupes sur son sol en cas de guerre directe avec la Russie et ne veut pas se dégarnir, dans une logique de primauté du national-régalien sur la logique supranationale européenne.

Il y a donc toujours de fortes rivalités entre les puissances européennes, mais surtout cette division nous rappelle que le domaine de la défense est un des seuls qui reste strictement national et incapable de décider au niveau bruxellois ou paneuropéen.

Si Emmanuel Macron a essayé depuis des mois de gagner le leadership sur l’idée de déployer des soldats en Ukraine, ce n’est pas sans déplaire à l’Allemagne qui ne veut pas laisser ce plaisir à la France, qui a envoyé beaucoup moins d’argent et d’armes que Berlin aux Ukrainiens, et encore moins de la part de Londres. Il y a des querelles en Europe qui dépassent le dossier ukrainien.

Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a affirmé que « l’amitié [de l’Europe] avec les États-Unis entre dans une nouvelle phase ». Quel regard portez-vous sur ce propos ?

Elle entre effectivement dans une nouvelle phase. Il y a une grande déception pour les pays de l’Est traditionnellement pro-américains qui soutenaient la politique d’expansion de l’OTAN et de l’UE vers l’Est prônée par les néo-conservateurs républicains et démocrates.

Maintenant, l’Amérique cherche à s’entendre avec la Russie et n’est plus du tout ce pays extérieur qui encourage les pays baltes, la Pologne et la Roumanie à rejoindre l’Union européenne et l’alliance atlantique et à encercler toujours plus Moscou.

C’est une douche froide pour ces pays qui vont être freinés dans leur posture va-t-en-guerre contre la Russie par Trump alors que tous ses prédécesseurs ont prôné le contraire et aidé ces pays à se venger de l’État successeur de l’URSS, à l’encercler en échange d’une promesse de sécurité en réalité qui est désormais caduque.

Concernant l’Europe de l’Ouest, c’est encore pire. Regardez ce qui s’est passé lors de la conférence sur la sécurité à Munich : le vice-président Vance a assené quelques vérités sur l’état de la liberté d’expression et de la démocratie sur le Vieux Continent, ce qui a, par ailleurs, fait fondre en larmes l’organisateur de cet événement.

Ainsi l’Europe de l’Ouest ne sait plus où elle est, parce qu’elle voit désormais l’Amérique comme un ennemi idéologique qui soutient les forces populistes, d’extrême-droite ou souverainistes partout – même l’AfD en Allemagne.

Je note d’ailleurs que JD Vance a déploré le sort réservé au candidat prorusse en Roumanie, Calin Georgescu, et a rencontré non pas l’ex-chancelier allemand mais la leader paria du parti allemand d’extrême-droite AfD – bien qu’il soit considéré comme l’un des plus extrémistes en Europe, au point que le Rassemblement national a coupé les ponts avec lui.

Elon Musk, grande figure de la nouvelle administration américaine, a également appelé les Allemands à voter pour ce parti. C’est très déstabilisant pour les Européens qui ne seront plus encouragés dans leur croisade antirusse, l’une des origines de la radicalisation de Moscou d’ailleurs.

Quid des problèmes et contentieux de fond russo-américains et russo-atlantiques, ils ne vont pas disparaître subitement après quelques propos de Donald Trump ?

En géopolitique, tout est mathématique : si l’OTAN ne s’était pas étendue toujours plus vers l’Est et si certains pays n’avaient pas installé des missiles ou des anti-missiles qui permettent de réduire la capacité d’interception russe, la situation serait différente aujourd’hui.

L’installation de missiles est à l’origine du contentieux entre l’Occident et Moscou, plus que l’extension de l’OTAN. D’ailleurs, quand Vladimir Poutine a menacé l’Occident d’une guerre en 2007, c’était à cause de l’installation de batteries anti-missiles américaines en Europe de l’Est par George W. Bush. Ce dernier ne voulait pas tenir compte des préoccupations de sécurité.

Et les pays de l’Est étaient tout à fait ravis de jouer le rôle de ceux qui allaient encercler les Russes. Aujourd’hui, ils sont lâchés par l’administration américaine et Trump, adepte de la théorie stratégique et diplomatique de Nixon et Kissinger, qui a compris que la priorité était de combattre et endiguer l’ennemi chinois global. Il convient pour lui de séparer Pékin de Moscou en prenant enfin en compte les préoccupations de sécurité de la Russie au niveau continental.

D’une certaine manière, dans ce contexte de reset russo-américain, qui motive l’Administration Trump à abandonner en partie la sécurité de l’Europe, Emmanuel Macron n’a pas eu tort de réunir les leaders européens et de reparler de défense européenne. Car ce lâchage américain, qui n’est pas total, a pour but d’obliger les Européens à enfin prendre leurs responsabilités et à ne plus être assistés. Nous allons enfin pouvoir être maîtres de notre propre destin. Au lieu de pleurnicher et diaboliser Trump, Rubio et Musk, les Européens devraient prendre leurs responsabilités et revenir dans l’histoire, c’est-à-dire cesser d’être un protectorat volontaire de l’empire américain.

Hélas, force est de reconnaître que les réunions du président français à Paris se sont davantage soldées par une accentuation des divisions entre Européens et des aveux de faiblesses, que par une réaction coordonnée – d’autant que la possibilité d’envoi de 30.000 hommes maximum en Ukraine frise le ridicule.

L’échec est lié à une raison simple : la défense relève du régalien. Elle ne peut pas être organisée par une structure supranationale qui n’est même pas une fédération. Si l’Europe était une fédération comme la Suisse ou les États-Unis, elle pourrait avoir son armée. Mais les domaines de la défense et de la sécurité demeurent souverains et nationaux et sont votés au niveau européen à l’unanimité, et pas à la double majorité qualifiée qui serait la seule façon d’avoir plus de cohérence.

Pour l’heure, l’UE n’est qu’un ensemble de traités signés et elle est incapable d’avoir une politique de défense qui débouche sur une armée européenne. Cette dernière ne peut se faire qu’entre pays souverains, lors d’accords bilatéraux, trilatéraux, quadrilatéraux, etc., entre pays souverains et en dehors de Bruxelles. La preuve en est qu’à chaque fois que l’on parle de défense européenne, les Britanniques, hors UE, sont associés.

Des pourparlers ont eu lieu entre Washington et Moscou à Riyad le 18 février. Marquent-ils un réchauffement des relations entre les États-Unis et la Russie ?

Plus qu’un réchauffement, je pense que Donald Trump a compris les priorités. Déjà, il y a une loi de la jungle qui consiste à dire que les costauds ne se font pas la guerre entre eux. Or un pays fort comme la Russie préfère attaquer un petit pays comme l’Ukraine.

C’est un peu la même chose quand Donald Trump menace le Groenland ou le Panama. C’est plus facile, moins coûteux et nous sommes certains d’obtenir des résultats. Par contre, Trump ne veut pas, comme Biden d’ailleurs, de conflit direct avec la Russie.

Deuxièmement, Donald Trump a compris, comme Barack Obama en son temps, qu’il y a un pivot vers l’Asie et qu’un reset est nécessaire avec Moscou, notamment face à la Chine. C’est le fameux « triangle de Kissinger », qui consiste à tenter de séparer la Chine de la Russie.

L’actuel locataire de la Maison-Blanche met en application ce pivot vers l’Asie et veut se préparer face à l’expansion chinoise, unique puissance capable de concurrencer Washington dans tous les domaines de la puissance.

L’Empire du Milieu a une population énorme, une armée qui ne cesse de se développer et elle progresse dans l’industrie et la technologie à une vitesse grand V. La Chine produit chaque année, par exemple, l’équivalent de la deuxième flotte mondiale qu’est la flotte britannique… Elle monte également en puissance d’un point de vue monétaire. Maintenant, on peut payer du pétrole et du gaz avec une autre monnaie que le dollar, notamment avec le Yuan.

Donald Trump, que certains croient stupide, est beaucoup plus proche des idées stratégiques de Kissinger que de celles d’un présentateur télé qu’on lui prête avec mépris. Ce qu’il tente en ce moment avec la Russie est en fait de la haute stratégie, couplée à la nécessité absolue de « America first ».

À leur époque, Nixon, de Gaulle et Kissinger, pour séparer la Chine de l’URSS, avaient reconnu une seule Chine et lâché Taïwan, face à la priorité de lutter contre l’ex-URSS. Aujourd’hui, le président américain veut faire l’inverse : détacher la Russie de la Chine pour la faire revenir dans le jeu international avec les Occidentaux. Il joue sur le désir frustré de Vladimir Poutine d’être reconnu comme un partenaire majeur et reconnaît que son pays a été humilié. C’est le « triangle kissingérien à l’envers », que le grand diplomate et stratège Henry Kissinger avait d’ailleurs lui-même préconisé avant de mourir et que Trump et ses conseillers ont lu et écouté.

Donald Trump ne pense probablement pas tout le bien qu’il a dit de Poutine, mais il cherche à flatter l’orgueil du président russe pour créer les conditions d’un retour du dialogue. Certes il le fait après avoir menacé de faire baisser le cours du baril et de lancer des sanctions terribles si Moscou n’est pas raisonnable, mais la priorité à présent, pour arriver le plus vite à la paix en Ukraine et tenir ainsi une promesse de campagne, est de rendre plausible un reset « mutuellement bénéfique ».

L’idée du président américain consiste à donner des gages de neutralité à la Russie en arrêtant l’expansion de l’OTAN vers l’Est. Cela permettrait de négocier une refonte des relations russo-américaines et de la sécurité continentale qui pourraient motiver Poutine à rétablir des relations industrielles, commerciales et politiques avec l’Occident. Ces relations créent les conditions d’une collaboration de facto face à la Chine, qui est l’ennemi existentiel des États-Unis et redeviendra tôt ou tard celui de la Russie.

Peut-être qu’un « deal » va être trouvé et que l’alliance atlantique va définitivement renoncer au Caucase, à la mer Noire, l’Ukraine et la Moldavie. Cela se fera au profit d’un renforcement de la présence américaine en Arctique-ouest, dont le Groenland, et dans la Baltique, devenue un « lac atlantiste ». Ceci sera possible dans le cadre d’une sorte de nouveau Yalta pragmatique entre puissants qui ont plus intérêt de trouver un deal « mutuellement bénéfique » que de continuer l’escalade vers la guerre mondiale à côté de laquelle, sous Biden, nous sommes passés très près…

En fait, Donald Trump pense que Vladimir Poutine pourrait redevenir l’homme, fasciné par l’Occident, des années 2000 – même si je n’y crois pas trop – et qu’il terminera sa crise d’amour déçu avec l’Occident s’il est traité en « égal », respecté et que ses préoccupations de sécurité continentale (missiles, anti-missiles, bases US et OTAN, gestion des pays de « l’étranger proche », neutralité de la Géorgie-Moldavie-Ukraine, etc.) sont prises en compte.

Si cela advient, Trump estime que des énormes collaborations avec la Russie en termes d’énergie, de métaux précieux, seront mutuellement bénéfiques. Si ça ne marche pas, on peut imaginer qu’il revienne à des dispositions beaucoup plus fermes. La stratégie trumpienne n’est jamais clausewitzienne (la stratégie de dissuasion, ndlr), il tâtonne, il fait des « tests de réactions » qu’il adapte ensuite au gré des dispositions ou résistances rencontrées.

D’où la nécessité de ne pas juger trop vite. On ne saura si sa stratégie est valable qu’après mai 2025, c’est-à-dire après le départ de Zelensky du pouvoir à Kiev.

Le Kremlin vient de reconnaître le droit de l’Ukraine à rejoindre l’UE, mais pas l’OTAN. Est-ce que les choses avancent ?

Je pense que Vladimir Poutine a cédé sur ce sujet parce que les négociateurs américains lui ont garanti qu’ils allaient lâcher progressivement l’OTAN et demander aux Européens de faire un volet sécurité propre.

Donald Trump a promis un découplage entre la sécurité européenne et les engagements américains en Europe, qui vont diminuer au profit de l’augmentation des budgets militaires des pays européens. Cela aura un double bénéfice : cela adoucit et calme les fureurs du tsar Poutine qui se sentira moins « encerclé » par les forces américano-atlantistes, et cela va permettre de réaliser des économies que réclament les électeurs de Trump.

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