Le journaliste algérien Abdelkrim Zeghileche a été condamné lundi à deux ans de prison ferme pour « atteinte à l’unité nationale » et « outrage au chef de l’Etat », dernier procès en date contre les militants prodémocratie en Algérie, a indiqué l’un de ses avocats à l’AFP.
Cette lourde peine survient dans un contexte de répression systématique contre des journalistes, des blogueurs et des militants du « Hirak », le mouvement populaire antirégime dans le pays.
Il était notamment reproché à Abdelkrim Zeghileche, détenu depuis le 24 juin, des publications sur Facebook appelant à la création d’un nouveau parti politique, selon l’avocat, Me Djamel Aissiouane.
Le journaliste, Abdelkrim Zeghileche, condamné à 2 ans de prison ferme et une amende de 100 000 Da. Il est accusé d’atteinte à la personne du président de la République et publications Facebook pouvant porter atteinte à l’unité nationale (source: CNLD).#Algérie pic.twitter.com/mSJrvh9AQU
— Zahra Rahmouni (@ZahraaRhm) August 24, 2020
« Maintenant, tous les opposants algériens, dès qu’ils parlent, on leur colle +atteinte à l’unité nationale+ pour les incarcérer », a déploré Me Aissiouane.
« Abdelkrim Zeghileche a été condamné à deux ans de prison ferme et à une amende de 100.000 dinars (660 euros). Le dossier est vide. Nous allons faire appel », a-t-il précisé.
Le procureur du tribunal de Constantine (nord-est), lieu du procès, avait requis trois ans de prison ferme à l’encontre de M. Zeghileche, directeur de Radio-Sarbacane, une radio indépendante en ligne.
Le journaliste Abdelkrim Zeghilèche a été condamné ce lundi à deux ans de prison ferme par le tribunal de Ziadia (Constantine). Il est incarcéré depuis le 23 juin dernier https://t.co/6o9hSzpirU pic.twitter.com/Y9ypsNo0bZ
— TSA Algérie (@TSAlgerie) August 24, 2020
Ce dernier avait été relaxé le 4 mars dans le cadre d’un autre procès: le procureur de Constantine avait alors requis 6 mois de prison ferme contre lui et sa collègue Lynda Nacer pour « incitation à attroupement non armé » après un appel à un sit-in contre le 5e mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika début 2019.
« Sale temps pour les #journalistes. Une lourde peine qui s’ajoute à celle de Khaled Drareni et qui allonge tristement la liste des journalistes emprisonnés », a réagi le vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH), Saïd Salhi.
Le 10 août, le journaliste indépendant Khaled Drareni a été condamné à trois ans de prison ferme pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale ».
Solidarité avec Abdelkrim Zeghileche et tout les détenus politiques et d’opinion. Il ne faut plus tourner en rond et rester spectateurs, il faut une campagne internationale large contre les agissements fascistes du régime algérien. Ce comptage macabre ne peut plus durer#Algerie https://t.co/HsebFi8quE
— ⵣIzem Samirⵣ (@Tonner13) August 24, 2020
La sentence très sévère a choqué ses collègues en Algérie et au-delà. Une campagne internationale de solidarité a été lancée par des défenseurs des droits de la presse et de la protection des journalistes. Des manifestations en faveur de sa libération ont été organisées à Paris, New York et Genève.
Lundi, quelque 150 personnes — en majorité des journalistes — se sont mobilisées à la mi-journée devant la Maison de la Presse à Alger, en présence d’un important dispositif policier, pour exiger sa libération, a constaté un journaliste de l’AFP.
« Khaled Drareni est un journaliste libre, « Libérez le journalisme, libérez la justice », ont scandé les manifestants.
Le #journaliste #algérien Abdelkrim Zeghileche a été condamné lundi à deux années de prison ferme #Algérie #Droitsdel‘Homme https://t.co/nI0DgoeV96
— ArabNewsFR (@ArabNewsfr) August 24, 2020
En outre, un jeune blogueur, partisan du mouvement de contestation en Algérie, Walid Kechida, en détention provisoire pour avoir publié des mèmes se moquant des autorités et de la religion, a vu sa demande de libération rejetée lundi, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien. Sa détention a été prolongée de 4 mois.
Ces derniers mois, des journalistes — dont M. Drareni — ont été accusés par le régime de semer la discorde, de menacer l’intérêt national et surtout d’être à la solde de « parties étrangères ». Plusieurs sont en prison — comme Belkacem Djir — et des procès sont en cours.
« Malgré le large élan de solidarité nationale et internationale qui s’exprime ces jours-ci en faveur des journalistes emprisonnés et lourdement condamnés, le verdict d’aujourd’hui, sonne comme un message qui installe la menace contre la presse libre et les journalistes indépendants ou toute voix discordante »,a dénoncé M. Salhi, de la LADDH.
L’Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par Reporters Sans Frontières. Elle a dégringolé de 27 places par rapport à 2015.
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