Niché dans une montagne du centre du Honduras, le producteur de café « El Encanto » ne dispose plus que de la moitié de ses cueilleurs pour procéder en ce mois de février à une des cinq récoltes de l’année. La migration massive vers les États-Unis le prive de la main-d’œuvre habituelle.
Ce constat de manque de bras se répète dans toute l’Amérique centrale, où la population, surtout jeune, fuit la misère vers l’Eldorado américain, entraînant pertes de récolte et baisse des revenus des caféiculteurs.
À Siguatepeque, à 90 km au nord de Tegucigalpa, Selvin Marquez, propriétaire de « El Encanto », ne dispose que de 20 cueilleurs sur les 40 indispensables pour récolter les seules baies rouges sur les cinq hectares de l’exploitation.
« Beaucoup de ceux qui cueillaient avec nous sont partis vers les États-Unis ou ailleurs par manque d’autres opportunités ici », déplore l’homme de 34 ans.
Les labeurs de la récolte du café
Parmi les cueilleurs présents, récipient en plastique attaché autour de la taille pour déposer les grains, José Samuel Hernandez, 34 ans, travaille aux côtés de sa femme, Esly Mejia, 24 ans, de sa belle-sœur Gleny, 20 ans, et de la fille du couple, Alexa, âgée de deux ans qui serre un ours en peluche poussiéreux quand elle n’aide pas déjà en arrachant les baies des branches basses.
En huit heures de travail, souvent sous un soleil de plomb bien qu’à l’abri de l’imposant feuillage des caféiers, la famille a récolté 182 kilos, payé 10 centimes le kilo.
Une activité qui rapporte trop peu
« Un panier alimentaire mensuel de base, ça dépasse les 14.000 lempiras (567 dollars) », donc les revenus de la cueillette sont « insuffisants » pour la famille, souffle José Samuel Hernandez à l’AFP.
Heureusement, la récolte de café n’est qu’un revenu complémentaire pour lui, agent de sécurité où il gagne 429 dollars par mois. Mais à chacun de ses jours de congés, il rejoint sa famille pour aider au travail à la ferme.
L’émigration fragilise la culture du café
Les autorités honduriennes estiment qu’un millier de personnes, sur les 9,5 millions d’habitants, quittent chaque jour le pays en direction des États-Unis pour s’arracher à la pauvreté et aux dangers des groupes criminels.
La migration des Honduriens « affecte doublement » la production et la récolte, dit Oscar Marquez, 36 ans, le frère de Selvin. « Ceux qui partent arrêtent de récolter notre café et ceux qui restent aussi », car ils vivent des envois d’argent par la diaspora expatriée, explique-t-il.
Au Honduras, septième producteur mondial de café vert avec 276.000 tonnes, selon l’Organisation des Nations-unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), quelque 100.000 producteurs génèrent un million d’emplois. La caféiculture contribue à hauteur de 38% du PIB agricole, selon l’Institut hondurien du café. Et en 2021-2022, le Honduras a exporté pour 1,4 milliard de dollars de café.
Dans la vallée centrale du Costa Rica, dans la ville de Birri, à 37 km au nord de San José, le producteur « Hersaca Tres Marias » subit le même sort: une réduction drastique des cueilleurs saisonniers nicaraguayens – la majeure partie de sa main-d’œuvre – partis aux États-Unis.
Des migrants nicaraguayens pour récolter le café au Costa Rica
Depuis les manifestations de 2018, durement réprimées par le gouvernement de Daniel Ortega, l’exode s’est accentué. Si Managua ne publie aucun chiffre, plus de 164.000 Nicaraguayens ont été interceptés par les autorités américaines entrant de manière irrégulière en 2022, soit trois fois plus que l’année précédente.
Sur les 94.000 hectares de plantations de café au Costa Rica, qui emploient quelque 25.000 cueilleurs, la main d’œuvre est principalement Nicaraguayenne mais aussi Panaméenne et Costaricienne, selon Bilbia Gonzalez, directrice exécutive adjointe de l’Institut du café du Costa Rica.
Elle affirme que « les cueilleurs migrants nicaraguayens (…) sont extrêmement importants » pour le Costa Rica, qui a exporté pour 337,8 millions de dollars de café lors de la saison 2021-2022.
« Des travailleurs nicaraguayens j’en ai très peu cette année, ils sont partis aux États-Unis », explique Geovanny Montero, directeur de « Hersaca Tres Marias ». « L’année dernière j’avais 70 ouvriers, cette année j’en ai 50 ».
Une mauvaise météo et un manque de main d’œuvre
Avec les pluies qui ont fait mûrir les fruits prématurément et le manque de main d’œuvre, le directeur prévoit une perte de 5% de récolte qu’il ne peut quantifier en attendant de pouvoir comparer avec les années précédentes.
« C’est beaucoup d’argent », se lamente-t-il en montrant les grains mûrs tombés au sol et perdus pour la vente aux coopératives.
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