Un rapide survol de l’actualité mondiale cette semaine a montré des rapports quasi unanimement élogieux sur l’industrie chinoise des véhicules électriques (VE). Un article du Wall Street Journal le qualifiant de « triomphe de la politique industrielle de Pékin » n’était qu’un des nombreux articles vantant l’avance de la Chine dans l’électrification de l’industrie automobile.
Toutefois, malgré les titres encourageants, les experts affirment que l’industrie chinoise des « véhicules à énergie nouvelle », qui a été financée par des centaines de milliards de yuans de subventions publiques, repose en réalité sur des bases instables.
La catégorie des « véhicules à énergie nouvelle » comprend les véhicules électriques à batterie, les véhicules électriques hybrides rechargeables, les véhicules électriques à autonomie étendue et les véhicules électriques à pile à combustible.
Après des années de ruptures d’approvisionnement dues au Covid et de pénuries de puces résultant des sanctions américaines, de nombreuses entreprises chinoises de voitures électriques se sont retirées du marché. D’autres sont dans le rouge ou au bord de la faillite. Soutenus par des subventions publiques massives, les chiffres de production semblent robustes, mais les bénéfices sont à la traîne.
Entre-temps, dans un contexte de guerre des prix intense, l’Association chinoise des constructeurs automobiles (CAAM) a négocié le 6 juillet une « trêve » des prix entre 16 constructeurs de véhicules électriques, dont Tesla. Deux jours plus tard, le 8 juillet, elle s’est rétractée.
C’est un autre signe de la volatilité du marché qui, selon les prévisions, obligera tous les constructeurs chinois de VE, à l’exception d’une poignée d’entre eux, à cesser leurs activités d’ici à 2030.
Des constructeurs automobiles de moins en moins nombreux
Un classement des ventes au détail pour 2022, publié par l’Association chinoise de l’automobile en janvier, montre que 149 marques de VE ont été vendues l’année dernière. Sur ces 149 marques, 49 ont déclaré des ventes inférieures à 500 véhicules en 2022. Certaines de ces marques ont suspendu leur production et sont au bord de la faillite.
Ces données indiquent que sur les 635 fabricants de véhicules signalés par l’organisme chinois de réglementation des véhicules électriques en mars 2019, plus de 76 % ont quitté le marché ou sont sur le point de le faire.
L’entrepreneur américain Meng Jun, s’exprimant lors de l’édition du 25 juin du « Elite Forum » de NTD TV, a déclaré que bien que le Parti communiste chinois (PCC) ait placé ses espoirs dans les nouveaux véhicules énergétiques en tant que force de croissance de l’économie chinoise, la réalité est allée à l’encontre de ses attentes.
2009-2019 : une prospérité alimentée par les subventions
En 2008, Elon Musk a présenté le premier véhicule électrique de son entreprise, le Tesla Roadster, déclenchant un engouement mondial pour les voitures électriques. Peu de temps après, Pékin a décidé d’encourager l’industrie émergente. Le 14 janvier 2009, le Conseil d’État a publié son « plan de restructuration et de revitalisation de l’industrie automobile« , proposant des objectifs de développement des véhicules à énergie nouvelle et des dispositifs financiers centralisés pour subventionner ces objectifs.
Avec la mise en œuvre de politiques préférentielles pour les véhicules électriques, les fabricants et les acheteurs de véhicules électriques ont pu bénéficier de subventions et d’exonérations de la taxe sur les ventes. Les villes se sont empressées d’adopter les voitures électriques, en encourageant l’achat de VE par des exceptions aux restrictions sur l’achat de voitures et la fluidité du trafic.
De 2009 à 2019, le Trésor chinois a distribué des milliards de subventions aux acheteurs.
Fin 2019, cependant, une épidémie soudaine a perturbé le rêve du PCC de dominer le marché mondial des VE, car des mesures draconiennes de zéro Covid et des confinements ont pratiquement coupé la production et les chaînes d’approvisionnement dans de nombreuses régions du pays.
Ventes fantômes, échanges de batteries, fausses licences
Les généreuses subventions de l’État chinois en faveur des VE ont donné lieu à un certain nombre de tactiques frauduleuses. Les montants des subventions accordées pour un véhicule à énergie nouvelle – par exemple, si les subventions des gouvernements central et locaux sont combinées – sont parfois plus élevés que le coût du véhicule lui-même.
Le scandale de la fraude aux subventions a été révélé lors d’une enquête nationale menée par le ministère chinois des Finances en 2016. Cette enquête a révélé que sur 93 entreprises automobiles, 72 avaient triché sur les subventions.
L’enquête a mis au jour plusieurs types de fraude aux subventions.
Fausses licences : Les fabricants chinois de véhicules électriques reçoivent des subventions en fonction de leurs ventes, et les autorités locales vérifient généralement le nombre de licences de véhicules délivrées pour contrôler les ventes déclarées par le fabricant. Pour obtenir la subvention sans vendre le véhicule, certains fabricants obtiennent de fausses licences sans produire les véhicules en question, ou en les produisant avec des pièces clés manquantes. Par conséquent, certains véhicules subventionnés n’existent que sur le papier. Par exemple, une compagnie d’autobus a faussement déclaré près de 2000 véhicules à énergie nouvelle en un an.
Les échanges de batteries : Les VE dotés de plus grosses batteries – et donc d’une plus grande distance de conduite – bénéficient de subventions plus importantes. Certains fabricants équipent les véhicules d’essai de batteries plus grandes afin d’obtenir la subvention la plus élevée, puis les remplacent par des batteries plus petites pour la production.
Rachats lucratifs de batteries : Pour les véhicules à énergie nouvelle, le coût le plus élevé est celui de la batterie, qui représente 30 à 40 % du prix du véhicule. Dans certains cas, les constructeurs automobiles vendent un véhicule à énergie nouvelle, obtiennent la subvention du gouvernement, puis rachètent la voiture au « client ». La batterie est alors réutilisée dans un autre véhicule, tandis que le véhicule d’origine peut être converti en véhicule à carburant traditionnel et revendu. Bien entendu, le « client » est le constructeur automobile lui-même.
Ventes fantômes : Dans le cadre d’une stratégie similaire, au lieu de vendre des véhicules à énergie nouvelle à des utilisateurs finaux ordinaires, les constructeurs automobiles les vendent à des entreprises affiliées ou à des sociétés de crédit-bail en aval dans lesquelles ils détiennent une participation. Le constructeur automobile empoche alors la subvention, et l’entreprise affiliée démonte les voitures pour que le constructeur puisse réutiliser les batteries, ce qui déclenche une nouvelle série de subventions.
Lors de la table ronde de NTD, M. Meng a fait remarquer que ces programmes donnent lieu à un phénomène particulier en Chine. Les nouveaux véhicules électriques sont garés partout. Ils bordent les rues, sont garés en rangées bien ordonnées dans les parkings et sous les viaducs. Ces voitures, qui ne sont pas conduites, « servent à tricher pour obtenir des subventions », a-t-il déclaré.
Pour décourager la fraude, le PCC a progressivement réduit les subventions de 2020 à 2022.
Les avantages fiscaux devaient expirer à la fin de l’année 2022. Toutefois, Pékin a annoncé le 21 juin qu’il prolongerait les subventions jusqu’à la fin de l’année 2027.
Une guerre des prix acharnée
À la fin de l’année dernière, le marché chinois des véhicules électriques est entré dans une guerre des prix féroce, rendue plus intense par la fin imminente des subventions accordées par les autorités chinoises.
En octobre, Tesla Chine a réduit les prix de ses modèles chinois les plus populaires. Les remises se sont encore intensifiées en janvier, les voitures produites localement étant jusqu’à 14 % moins chères qu’en 2022.
Les constructeurs automobiles chinois n’ont eu d’autre choix que de suivre le mouvement, et des entreprises automobiles occidentales comme Ford et Volkswagen se sont lancées dans la bataille. Même avec une guerre des prix correspondante en Occident, certaines voitures en Chine étaient environ 50 % moins chères qu’aux États-Unis et en Europe.
Tesla Chine a procédé à plusieurs baisses de prix cette année, annonçant le 1er juillet que les utilisateurs pouvaient bénéficier de réductions allant de 35.000 à 45.000 yuans (environ 4300 à 5600 euros) sur les nouveaux modèles Model S ou Model X. En outre, la recommandation d’un ami peut permettre à l’acheteur d’un nouveau véhicule Tesla Model Y ou Model 3 d’obtenir un crédit en espèces de 3500 yuans (430 euros), a annoncé l’entreprise le 7 juillet.
Le 6 juillet, la CAAM a négocié une « trêve » exceptionnelle en matière de prix, à laquelle ont participé 16 constructeurs de véhicules électriques, dont Tesla, qui se sont engagés à éviter toute « tarification anormale ». Deux jours plus tard, le 8 juillet, elle s’est rétractée en invoquant les lois antitrust.
Une lutte pour la survie
Dans ce contexte, de nombreuses entreprises de voitures à énergie nouvelle qui n’ont pas encore été éliminées luttent pour leur survie.
Les trois fabricants de voitures électriques les plus solides en Chine – NIO Inc, XPeng Motors et Li Auto – ont du mal à dégager des bénéfices.
Selon les rapports annuels des trois entreprises, leurs pertes ont augmenté en 2022 par rapport à l’année précédente, malgré des ventes en hausse.
NIO a déclaré une perte nette de 14,437 milliards de yuans (environ 1,8 milliard d’euros) l’année dernière, soit une augmentation de plus de 250 % d’une année sur l’autre, et une perte d’environ 14000 euros par véhicule.
En 2022, XPeng Motors a perdu 9,14 milliards de yuans (1,14 milliard d’euros), soit une augmentation de près de 90 % d’une année sur l’autre. L’entreprise automobile a perdu l’équivalent de plus de 8000 euros par véhicule vendu.
Li Auto, l’entreprise derrière la marque Ideal EV, a perdu 2,03 milliards de yuans (250 millions d’euros) en 2022, soit une augmentation de plus de 500 % d’une année sur l’autre.
Li Auto a enregistré des ventes record en juin. Entre-temps, les livraisons ont repris pour NIO et XPeng prévoit une augmentation des commandes grâce à son modèle G6 de pointe, lancé fin juin.
Toutefois, le modèle G6 de Xpeng – sa réponse au modèle Y de Tesla – est largement considéré comme le « dernier rempart » de l’entreprise. Et les analystes ne s’attendent pas à ce que NIO réalise des bénéfices avant 2025.
Li Auto a été l’exception, inversant les pertes de l’année dernière et déclarant un bénéfice en mai.
Une course à l’élimination
Ironiquement, compte tenu des difficultés de son entreprise, le président de XPeng, He Xiaopeng, a déclaré en avril que la course à l’élimination de l’industrie des véhicules électriques ne faisait que commencer et qu’il ne resterait pas plus de dix constructeurs automobiles traditionnels en Chine au cours des dix prochaines années.
Faisant écho aux préoccupations de M. Xiaopeng, la société de conseil AlixPartners, citée dans le Reuters Explainer du 10 juillet, a prédit que seules 25 à 30 des 167 entreprises actuellement enregistrées pour produire des VE ou des hybrides électriques en Chine seront encore présentes d’ici 2030.
Les pertes de revenus sont encore plus alarmantes si l’on considère que plus de 100 milliards de yuans (12,4 milliards d’euros) ont été investis dans les véhicules à énergie nouvelle en Chine au cours des 13 dernières années, selon les chiffres du ministère chinois de l’Information.
Ce chiffre « n’inclut pas les investissements absorbés par des centaines de soi-disant entreprises de véhicules à énergie nouvelle », a déclaré M. Meng. Il est clair, selon lui, que les fabricants chinois de VE ne gagnent pas d’argent, mais qu’ils « comptent sur les subventions de l’État ».
La forte dépendance aux subventions de l’État masque le manque de compétitivité mondiale de l’industrie chinoise des VE, a ajouté M. Meng. Il s’attend à ce qu’un goulot d’étranglement technologique et une pénurie de puces causée par les sanctions américaines entravent davantage le développement à long terme.
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