Alors que les parachutistes russes descendaient sur Kiev et tentaient de s’emparer de l’aéroport Antonov, les responsables américains ont offert une bouée de sauvetage au président ukrainien Volodymyr Zelenskyy. Les dirigeants occidentaux pouvaient lui garantir un passage sûr s’il s’enfuyait immédiatement.
Le président ukrainien a alors rétorqué qu’il avait besoin de munitions, « pas d’un voyage ».
Au cours des 15 mois qui ont suivi, les États-Unis ont dépensé des dizaines de milliards de dollars pour offrir à Volodymyr Zelenskyy et à l’Ukraine assiégée ce dont ils avaient besoin. Aujourd’hui, les responsables affirment que le pays a tellement épuisé ses propres réserves de munitions critiques qu’il serait probablement incapable de mener une guerre d’envergure.
La secrétaire d’État à l’Armée, Christine Wormuth, a déclaré que la capacité de production de munitions des États-Unis était poussée à la « limite absolue ».
Le président de l’état-major interarmées, Mark Milley, a expliqué que le pays avait « un long chemin à parcourir » pour reconstituer ses stocks qui s’amenuisent cruellement.
Un fonctionnaire anonyme du Pentagone aurait déclaré au Wall Street Journal que les stocks de munitions d’artillerie critiques du pays étaient « inconfortablement bas » dès le mois d’août 2022.
Le Pentagone a refusé de fournir une version actualisée de l’état des stocks de munitions à Epoch Times, un porte-parole ayant déclaré que toute précision à ce sujet pourrait compromettre la « sécurité opérationnelle ».
Toutefois, le porte-parole a laissé entendre que les États-Unis faisaient de grands efforts pour reconstruire ce qui a été perdu.
« Il convient de noter que le ministère a permis une augmentation rapide de la production de munitions de 155 mm, passant d’environ 14.000 par mois en février 2022 à plus de 20.000 par mois plus récemment, avec des plans pour produire plus de 70.000 par mois en 2025 », a affirmé son porte-parole à Epoch Times.
« Cela représente une augmentation de 500 %. »
Les perspectives optimistes du Pentagone concernant ses stocks, qui s’amenuisent rapidement, posent problème : même avec une augmentation de 500 % de la production d’ici 2027, le pays ne serait qu’à mi-chemin pour se maintenir à flot.
En effet, fin août 2022, les États-Unis avaient déjà envoyé plus de 800.000 obus d’artillerie de 155 mm à l’Ukraine. Ce chiffre est passé depuis à plus de 2 millions, selon une fiche d’information fournie à Epoch Times par le Pentagone.
Cela représente un rythme de plus de 130.000 obus par mois, soit près de deux fois plus que le rythme de production de 70.000 obus que le Pentagone espère atteindre en cinq ans.
Les États-Unis peinent à produire
Certes, le Pentagone a pris des mesures pour stopper l’hémorragie de ses stocks de munitions critiques. Il a notamment décidé, dans la mesure du possible, d’acheter des munitions pour l’Ukraine à d’autres pays plutôt que de vider ses propres stocks.
La question de savoir combien de temps l’équilibre actuel pourra être maintenu reste ouverte. Les stocks alliés ne sont pas non plus infinis et certains partenaires réfléchissent déjà à leurs propres préoccupations en matière de sécurité.
Par exemple, la Corée du Sud, un allié clé, a refusé les demandes de vente de munitions aux États-Unis, invoquant la crainte d’une agression de la part de la Corée du Nord.
Aujourd’hui, les États-Unis vont jusqu’à retirer des équipements d’unités stationnées en Israël et en Corée du Sud pour approvisionner correctement l’Ukraine sans vider ses stocks.
De même, l’armée américaine demande au Congrès 18 milliards de dollars pour développer et moderniser ses capacités de production de munitions au cours des 15 prochaines années. Selon Christine Wormuth, cet effort permettra de reconstituer l’aide létale de plus de 20 milliards de dollars déjà fournie à l’Ukraine directement à partir des stocks américains.
Toutefois, cela pourrait ne pas suffire.
« J’ai le sentiment que nous devrons faire plus », a-t-elle déclaré lors d’une audition du Comité sénatorial des forces armées, le 30 mars.
« La guerre en Ukraine nous a montré que les estimations que nous avons faites concernant les munitions [nécessaires] pour les futurs conflits sont faibles. »
La première tranche d’investissements de l’armée, d’une valeur de 1,5 milliard de dollars, est incluse dans la demande de budget du Pentagone pour l’année fiscale 2024. Cette somme devrait aider l’armée à agrandir et à moderniser les installations de production de munitions, les arsenaux et les dépôts du pays, dont beaucoup datent de la Seconde Guerre mondiale.
Malgré la façade stoïque présentée par les décideurs politiques, l’idée qu’il faudra 15 ans pour moderniser les capacités de production de munitions des États-Unis inquiète certains législateurs. C’est particulièrement vrai pour ceux qui se sont engagés à bloquer une invasion communiste chinoise de Taïwan.
Insuffisance des stocks et des systèmes américains
Le Comité spécial de la Chambre sur le Parti communiste chinois (PCC) est chargé de superviser la concurrence stratégique entre les États-Unis et le régime communiste chinois. Un élément clé de cette compétition est la prévention d’une invasion de Taïwan par le PCC, ce que beaucoup pensent que le régime a l’intention de faire d’ici 2027.
Pour ce faire, les États-Unis ont besoin de munitions pour armer Taïwan et, potentiellement, pour les utiliser dans une guerre défendant l’indépendance de facto de la nation insulaire.
Il n’est donc pas surprenant que le président du Comité spécial, Mike Gallagher (Parti républicain – Wisconsin), ait exprimé sa consternation en apprenant que le plan de modernisation de l’arsenal américain proposé par Christine Wormuth prendrait 15 ans.
« Quinze ans, c’est trop tard », a affirmé Mike Gallagher à Epoch Times.
« Je pense que cinq ans, c’est trop tard. »
À cette fin, M. Gallagher a fait référence à une série de 10 recommandations politiques, adoptées par le panel le 24 mai ; le panel affirme que ces directives contribueront à dissuader le PCC d’envahir Taïwan s’ils sont adoptés par le Congrès.
Mike Gallagher a déclaré que le rapport, intitulé « Ten for Taiwan « (Dix pour Taïwan) (pdf), souligne que les États-Unis n’ont que deux ans, et non 15, pour reconstruire leur arsenal et armer Taïwan s’ils veulent éviter un conflit catastrophique dans la région indo-pacifique.
« Nos recommandations portent sur ce que nous pouvons faire au cours des deux prochaines années pour renforcer de manière significative notre dispositif de dissuasion dans l’Indo-Pacifique », a-t-il expliqué.
« Si nous voulons avoir un espoir d’empêcher la troisième guerre mondiale, nous devons armer Taïwan jusqu’aux dents dès maintenant. »
M. Gallagher est bien conscient du fait qu’il est impossible d’armer Taïwan sans munitions. Pour surmonter cet obstacle, les États-Unis devraient utiliser des munitions vieillissantes ou obsolètes pour obtenir de nouveaux effets.
« C’est la raison pour laquelle on trouve dans notre rapport des recommandations créatives concernant certains systèmes de missiles que nous allions mettre en réserve et que nous pourrions transformer en MacGyver pour les donner aux Taïwanais », a déclaré M. Gallagher.
« C’est la raison pour laquelle nous demandons des crédits pluriannuels pour les systèmes de munitions critiques, ce qui, à mon avis, est absolument essentiel. »
En d’autres termes, tant que les États-Unis ne seront pas en mesure de reconstituer leurs stocks de munitions, ils devront faire preuve de créativité.
Avant tout, a-t-il affirmé, le ministère de la Défense (DOD) devra sérieusement convaincre les entreprises privées responsables de la fabrication de ses munitions de précision qu’il en a besoin et qu’il en aura besoin dans les années à venir.
« Plus que tout, nous avons juste besoin d’obtenir le signal de demande du DOD », a déclaré Gallagher.
« Nous voulons tester les limites des capacités de l’industrie. »
Toutefois, même dans ce cas, des difficultés sont à prévoir. Il sera difficile de garantir que les États-Unis investissent continuellement dans de nouvelles munitions et les livrent à temps au fil des ans. Cela est d’autant plus vrai que le Congrès est profondément divisé et qu’il est prêt à marchander sur n’importe quelle partie du budget fédéral.
« C’est encore pire pour les munitions critiques, car elles sont toujours délaissées au profit d’autres postes », a affirmé M. Gallagher.
« Elles ne sont pas toujours aussi sexy que les navires, les avions et autres. Mais je pense que si le secrétaire à la Défense et le secrétaire adjoint à la Défense disaient ‘Hey, nous allons reconstruire notre arsenal de dissuasion’… je pense que l’on pourrait vraiment commencer à augmenter la production. »
Les États-Unis manquent de capacité industrielle
Le PCC affirme que Taïwan fait partie de son territoire, bien que le régime n’ait jamais contrôlé l’île. Les dirigeants du PCC ont également juré d’unir Taïwan au continent, par la force si nécessaire, et leurs fréquents actes d’intimidation militaire à l’encontre de l’île démocratique ont suscité la condamnation de la communauté internationale.
Il est donc essentiel de comprendre que les pénuries actuelles de munitions des États-Unis et leur capacité inadéquate à les fabriquer à grande échelle ne se limitent pas aux obus d’artillerie, mais incluent également des munitions susceptibles d’être utilisées massivement dans une guerre amphibie.
Les États-Unis ont livré 1 600 systèmes sol-air Stingers et 38 lance-roquettes HIMARS à l’Ukraine, selon une fiche d’information du Pentagone obtenue par Epoch Times. Ces deux éléments seraient essentiels au maintien de la défense de Taiwan si les États-Unis entraient dans la mêlée.
En outre, l’incapacité actuelle du pays à produire les munitions dont il aurait besoin pose un problème plus profond, de nombreux systèmes nécessitant des années de préavis avant d’être acquis.
À cet égard, un rapport publié en janvier par le groupe de réflexion Center for Strategic and International Studies a révélé que les États-Unis manqueraient rapidement de munitions critiques en cas de guerre avec la Chine quant à l’avenir de Taïwan.
« La base industrielle de défense des États-Unis ne dispose pas d’une capacité d’appoint suffisante pour une guerre majeure », peut-on lire dans le rapport.
Bien que les États-Unis disposent de grandes quantités de munitions pour armes légères, la faiblesse des stocks et la lenteur des processus d’acquisition et de fabrication de munitions essentielles telles que les missiles antinavires à longue portée entraîneraient probablement une pénurie en moins d’une semaine de combat, selon le rapport.
« La base industrielle de défense américaine n’est pas suffisamment préparée à l’environnement concurrentiel qui existe actuellement », peut-on lire dans le rapport.
Dans un conflit régional majeur, tel qu’une guerre avec la Chine dans le détroit de Taiwan, l’utilisation de munitions par les États-Unis dépasserait probablement les stocks actuels du ministère américain de la Défense, ce qui entraînerait un problème de « poubelles vides ».
Cette conclusion a depuis été reproduite dans un autre jeu de guerre, mené par le Comité spécial sur le PCC.
Réalisé en mai, le jeu de guerre du panel s’est rapidement transformé en « résultats catastrophiques », la partie américaine (jouée par des membres du Comité spécial) se retrouvant rapidement à court de munitions et incapable de réapprovisionner Taïwan avec les armes dont elle avait besoin pour se défendre.
« Je sais que les membres de ce Comité vont se pencher sur les leçons que nous pouvons tirer de ce jeu dont les résultats peuvent donner à réfléchir », a déclaré M. Gallagher à l’époque.
« La dissuasion de la guerre est la seule voie vers la paix et la stabilité, et il incombe aux élus de prendre des mesures décisives à cet effet avant qu’il ne soit trop tard. »
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