Dix ans après la mort du militant antifasciste Clément Méric en 2013 à la suite d’une rixe avec des skinheads, plusieurs rassemblements sont organisés en sa mémoire, avec en point d’orgue une manifestation dimanche à Paris.
En France, le mouvement « antifa » connaît un regain de mobilisation en réponse, notamment, au développement de l’ultradroite. « Très souvent, les groupes antifascistes sont des initiatives locales qui partent d’une expérience de confrontation avec une extrême droite très radicale », note Audric Vitiello, maître de conférence en science politique.
Face à des violences, des militants de gauche ressentent le besoin de « tenir la rue ». Le chercheur cite en exemple Angers, où l’existence de 2017 à 2021 du groupuscule identitaire L’Alvarium a « entraîné en réaction la création d’un réseau antifasciste local » très actif. Lyon fait figure de laboratoire : deux groupes, La Jeune Garde et le Groupe antifasciste Lyon et environs (GALE), cohabitent – parfois avec des étincelles – dans cette ville qui est aussi un terreau pour l’ultradroite.
« Mouvance composite »
Les groupes « antifas » sont autonomes, note Audric Vitiello, mais ils peuvent se mobiliser sur des événements fédérateurs, comme récemment à Saint-Brevin (Loire-Atlantique), où des militants de la France entière sont venus répliquer à des manifestations contre un centre d’accueil pour migrants.
Deux organisations « antifas » tiennent le haut du pavé : la Jeune Garde, la plus médiatique, et l’Action antifasciste Paris-Banlieue (AFAPB), à laquelle appartenait Clément Méric. La mouvance « antifa » compte aujourd’hui environ 1500 membres, réunis dans une « soixantaine de groupes », détaille une source policière à l’AFP, en précisant que ces chiffres sont « très fluctuants ».
Ces groupes connaissent en tout cas une seconde jeunesse. Créée en 2008 par de jeunes militants, syndicalistes et d’anciens « ultras » du PSG, l’AFAPB a réveillé un mouvement « antifa » en sommeil depuis l’extinction des Sections carrément anti-Le Pen (SCALP) au début des années 2000. « Actuellement, c’est le mouvement le plus fédérateur à l’ultra gauche », poursuit la source policière. « L’ultradroite s’est développée, il y a donc eu un besoin ressenti de faire de l’antifascisme là où avant il n’y avait rien », observe Audric Vitiello, qui précise qu’il s’agit d’une « mouvance composite », intégrant des militants de tout l’arc d’extrême gauche.
Historiquement, le mouvement antifasciste français est né en 1934, en réponse au défilé des ligues nationalistes. Massif, ce mouvement qui allait du Parti radical (modéré) au Parti communiste estimait qu’il fallait « défendre la République parlementaire en danger », rappelle Gilles Vergnon. L’affrontement physique « fait partie des pratiques qui existent, on ne va pas le nier », explique à l’AFP Nargesse Bibimoune, une membre de l’AFAPB. Mais les « antifas » refusent d’être cantonnés à cette tâche, ajoute la jeune femme.
« Leur terrain de recrutement, comme l’ultra-droite, c’est le monde universitaire »
« Il y a des moments où l’action de rue (…) face aux groupes néo-nazis sera nécessaire. Il y a d’autres moments où l’action politique sera déterminante », dit-elle, citant, parmi d’autres, le soutien aux « collectifs de victimes de violences policières » dans les quartiers populaires, qu’ils aident à s’organiser. Mais « leur terrain de recrutement, comme l’ultra-droite, c’est le monde universitaire », ajoute encore la source policière. « Être antifa aujourd’hui, c’est une des pointes d’une couronne de radicalités : on est antifa en même temps qu’on est antispéciste, antisexiste, néo-féministe et anticapitaliste », soutient Gilles Vergnon, pour qui « l’État et ses structures légitimes » sont autant visés que l’extrême droite.
Ce que confirme Nargesse Bibimoune, qui dit inscrire son combat dans les luttes féministes comme dans les mouvements sociaux, « contre toutes les tentacules que le capitalisme va déployer et les dérives autoritaires d’un État ». Volontairement à l’écart des formations politiques traditionnelles, les « antifas » disent craindre « l’instrumentalisation » de leurs combats, assumant de rester à la marge. Mais ils assurent que leurs idées infusent.
Dans le mouvement des retraites, « il y a un retour des slogans antifascistes en manifestation », a d’ailleurs remarqué l’historien de la gauche radicale Sylvain Boulouque, qui voit une augmentation du nombre de jeunes « se disant antifas, sans pour autant être proche de tel ou tel groupe ».
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