Le tribunal administratif de Lille a rétabli mercredi le contrat d’association entre l’État et le lycée musulman Averroès, qui avait été résilié par la préfecture du Nord en décembre 2023 en raison de « manquements graves aux principes fondamentaux de la République ».
Le tribunal a annulé la décision du préfet du Nord, jugeant que « la condition tenant à l’existence de manquements graves au droit n’était pas remplie » et que la procédure était « entachée d’irrégularités », a annoncé le tribunal administratif dans un communiqué.
Les juges ont estimé que l’administration n’avait pas « suffisamment démontré » l’existence des « manquements » reprochés à l’établissement, notamment concernant le « manque de pluralisme culturel de la documentation accessible aux lycéens », le « caractère contraire aux valeurs de la République du cours d’éthique musulmane » ou « l’existence d’un système de financement illicite ». Sur certains points, le tribunal a reconnu que des manquements avaient été démontrés, mais a estimé qu’ils n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat.
« Une décision d’apaisement »
L’association Averroès a salué dans un communiqué « le travail minutieux de la justice, loin des polémiques politiciennes de diversion alors que Averroès subit un véritable acharnement depuis plusieurs années ». Selon l’association, qui salue « une décision d’apaisement » et une « victoire de l’État de droit », cette décision « à effet immédiat réattribue de manière rétroactive intégralement le contrat d’association au lycée Averroès ».
Le 7 décembre 2023, le préfet du Nord avait mis fin au contrat d’Averroès, privant l’établissement de subventions publiques depuis la rentrée 2024. Averroès, souvent loué pour l’excellence de ses résultats scolaires, était jusqu’à cette suspension le principal lycée musulman sous contrat de France.
Après la perte des subventions, Averroès a doublé ses frais de scolarité et lancé une cagnotte en ligne. Il a perdu de nombreux élèves, passant de 470 lycéens à 290. Cette décision « démontre que le traitement aussi exceptionnel que brutal réservé à l’établissement privé musulman par le préfet du Nord était infondé et discriminatoire », a réagi le député La France insoumise (LFI) du Val d’Oise Paul Vannier sur X.
Le rétablissement du contrat d’association du lycée #Averroes par le tribunal administratif de Lille démontre que le traitement aussi exceptionnel que brutal réservé à l’établissement privé musulman par le préfet du Nord était infondé et discriminatoire.
Il faut maintenant faire…
— Paul Vannier (@PaulVannierFI) April 23, 2025
Lors de l’audience devant le tribunal administratif le 18 mars, le rapporteur public, magistrat chargé d’éclairer les juridictions administratives, avait déjà préconisé de rétablir ce contrat, contestant point par point la plupart des griefs avancés par la préfecture. Le tribunal administratif avait par deux fois en 2024 confirmé la suspension du contrat en référé, mais cette décision est la première sur le fond du dossier.
Entendu le 9 avril par la commission d’enquête parlementaire sur le contrôle des établissements scolaires par l’État, Georges-François Leclerc, ancien préfet du Nord qui avait décidé de résilier le contrat, avait assuré qu’il disposait alors d’éléments « suffisamment tangibles pour considérer que les élèves étaient en danger » au sein d’Averroès.
Sa décision reposait notamment sur la mention, dans la bibliographie d’un cours d’éthique musulmane, d’un recueil de textes religieux contenant des commentaires prônant la peine de mort en cas d’apostasie ainsi que la ségrégation des sexes.
Ce recueil, « on ne l’a jamais eu entre les mains, il n’a jamais été au CDI d’Averroès », a souligné auprès de l’AFP Eric Dufour, directeur du groupe scolaire Averroès, qui compte également un collège hors-contrat. L’Éducation nationale avait mené plusieurs inspections, sans trouver matière à remettre en cause le contrat d’association.
Averroès poursuit la bataille judiciaire
Cette décision intervient alors que le groupe scolaire Al-Kindi, près de Lyon, où se trouvait le seul autre lycée musulman sous contrat, a vu ce contrat suspendu à partir de la rentrée prochaine, ce qu’il conteste en justice.
Un fondateur d’Al-Kindi, Hakim Chergui, a exprimé « l’espoir que le tribunal administratif de Lyon appliquera prochainement pour Al-Kindi avec la même rigueur les jurisprudences applicables ». La décision lilloise « constitue à la fois un désaveu sévère pour le ministère de l’Intérieur et aussi une leçon de droit pour des politiques qui, toute honte bue, font du rejet de la différence, de l’islamophobie et du séparatisme leur fond de commerce », a-t-il dit à l’AFP.
Du côté d’Averroès, la bataille juridique devrait se poursuivre. Les avocats du groupe scolaire ont saisi la justice concernant le refus par la préfecture d’accorder un contrat au collège, alors que l’établissement remplit « toutes les conditions » selon Éric Dufour.
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