Après plus d’un an de sanctions et malgré une adaptation que peu d’observateurs avaient anticipée, les nuages n’ont pas disparu dans le ciel de l’économie russe et les perspectives à moyen terme restent incertaines.
« Renforcement de la souveraineté économique », « plus d’opportunités » : pendant un an, Vladimir Poutine n’a cessé de répéter que les sanctions internationales étaient inefficaces et qu’elles pénalisaient plus les Occidentaux que la Russie.
Pourtant, le président russe a brusquement changé de ton fin mars, mettant en garde contre les conséquences « négatives » des sanctions « à moyen terme », une première depuis le début de l’offensive en Ukraine. « Le retour à une trajectoire de croissance ne doit pas nous conduire à nous relâcher », a-t-il martelé, admettant qu’il restait « des problèmes » à « résoudre ».
La situation économique se dégrade-t-elle ?
Pour Alexandra Prokopenko, une chercheuse qui travaillait auparavant à la Banque centrale de Russie (BCR) : « Il leur dit en substance : ‘Vous et vos business êtes uniquement en sécurité sous mon autorité. Il n’y a pas de retour à l’avant-février 2022’. »
Les ennuis actuels de l’économie russe sont connus : exportations de gaz en forte baisse, contraction de la force de travail, pénuries dans certaines chaînes de production, récent affaiblissement du rouble, tourisme à l’arrêt, etc. « Les secteurs les plus frappés par les sanctions, comme l’automobile, sont ceux qui étaient les plus ouverts aux investissements et aux coopérations internationales », rappelle M. Dubien. Dernier exemple en date, le constructeur automobile Avtovaz a signalé la cessation des approvisionnements par certains fournisseurs étrangers, ce qui rendra « impossible (…) la production ininterrompue de véhicules complets à partir de la deuxième quinzaine du mois de mai ».
Dans les faits, la Russie est désormais privée d’accès aux technologies occidentales et doit se tourner vers l’Asie, avec le délai supplémentaire que cela implique. Les entreprises liées au complexe militaro-industriel « s’en sortent mieux », relève Mme Prokopenko, qui cite « l’optique, la pharmaceutique, les équipements métallurgiques, etc. »
Un déséquilibre assumé par le gouvernement qui entend renforcer les échanges avec les pays asiatiques – la Chine et l’Inde en tête – pour compenser la perte du marché européen. Mais « la situation reste difficile », juge auprès de l’AFP Sergueï Tsyplakov, professeur d’économie à l’École supérieure d’économie de Moscou, qui cite « les infrastructures financières » au titre des autres victimes des sanctions. Mercredi, la deuxième banque de Russie, VTB, exclue du système de paiements international Swift, a annoncé une perte de sept milliards d’euros l’an passé.
Un avenir « brumeux »
Dans ce contexte, de nombreux observateurs estiment que le vrai défi de l’économie russe va se présenter dans les prochains mois. « En 2023, il n’y a aucun signe que la Russie bénéficie de revenus supplémentaires comme l’an passé via les recettes pétrogazières » qui avaient explosé parallèlement à la hausse des prix de l’énergie, déclare Mme Prokopenko à l’AFP.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les revenus pétroliers russes ont même dégringolé de 42% sur un an en février. Et le marché gazier, pour des raisons logistiques, tarde à se réorienter vers l’Asie. Or Moscou a un besoin vital de garder ses revenus issus des hydrocarbures à un niveau élevé pour continuer à financer son offensive en Ukraine, au moment où environ un tiers du budget fédéral annuel est destiné aux dépenses militaires et sécuritaires, d’après des chiffres officiels.
Mardi, Vladimir Poutine a prévenu : « Les sanctions sont amenées à durer longtemps. » « Il faut du temps pour s’ajuster, trouver de nouveaux partenaires et établir de nouvelles relations », résume Mme Prokopenko, pour qui l’avenir est « brumeux ». « Les sanctions ne sont pas indolores mais les équilibres macro-économiques ne sont pas menacés à ce stade », tempère de son côté M. Dubien. « La Russie peut financer son effort de guerre pendant encore trois ou quatre ans. (…) Mais elle a déjà perdu l’équivalent d’une décennie de développement depuis 2014 et là, elle pourrait en perdre une deuxième ».
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