L’histoire de « Betsy », thèse et roman sur les violences psychiatriques

Par Epoch Times avec AFP
16 mars 2025 16:05 Mis à jour: 16 mars 2025 16:14

L’histoire douloureuse de « Betsy », diagnostiquée schizophrène, qui ne l’était vraisemblablement pas mais dut subir une lobotomie, a donné une thèse de doctorat de son arrière-petite-fille et un roman qui fascine la critique littéraire.

Adèle Yon a publié le roman « Mon vrai nom est Élisabeth », aux Éditions du Sous-Sol, le 6 février. Elle avait soutenu la thèse en décembre, avec le même texte, un peu plus long seulement. Succès dans les deux cas: la chercheuse de 31 ans a décroché son doctorat, puis la presse a acclamé cette romancière qu’elle découvrait.

« Livre hybride et puissant » pour Le Monde, « récit féministe intense et déchirant » d’après Télérama, « enquête rigoureuse » et « véritable investigation historique et médicale » qu’a appréciée France Inter, « un brûlot, un hommage, une histoire des violences faites aux femmes » selon Le Figaro.

Dans cette histoire de « Betsy », Élisabeth à l’état civil, le trait paraîtrait forcé s’il s’agissait de fiction.

Á l’instigation de son mari, Élisabeth subit une lobotomie

Quand elle doit se marier en 1940, à 23 ans, elle incendie le château où est prévue la noce. Son mariage a bien lieu. Avec son époux, elle aura six enfants, qu’il lui dénie le droit d’élever. La psychiatrie de l’époque la considère comme malade.

En 1950, à l’instigation de son mari, Élisabeth subit une lobotomie, intervention chirurgicale alors en vogue qui consiste à sectionner un lobe, ou une portion du cerveau. Elle sera longuement internée, avant de sortir et d’être marginalisée par toute sa famille.

Elle meurt en 1990 sans que son mari lui ait avoué vivre avec une autre femme. Et on répète à sa descendance qu’elle était schizophrène et en marge.

Telle est la surface de sa biographie. L’enquête de son arrière-petite-fille, s’appuyant sur des archives et des entretiens avec d’autres membres de la famille, rétablit d’autres vérités. Et avance des explications à son mal-être qui tiennent du secret de famille.

Chaque fois qu’elle met un enfant au monde, elle a interdiction d’être mère

« Elle subit sa maternité organiquement et, en même temps, à chaque fois qu’elle met un enfant au monde, elle a interdiction d’être mère. On ne lui reconnaît jamais cette place-là.

Le moment le plus tragique à cet égard, c’est quand elle sort après 17 ans de l’hôpital psychiatrique et que sa place au sein de son foyer n’existe plus », relève la romancière, interrogée par l’AFP.

Les lobotomies unanimement condamnées par le corps médical

Les sources sont lacunaires sur les lobotomies, opérations chirurgicales typiques des années 1930-1950 en Europe et en Amérique du Nord, unanimement condamnées aujourd’hui par le corps médical.

Des femmes surtout en ont subi, avec pour principal résultat de réduire leurs capacités et de les isoler socialement, d’après les recherches d’Adèle Yon.

« Elles sont écartées jusqu’à ce que la structure des hôpitaux psychiatriques change et qu’on les mette dehors », constate-t-elle.

Avant cette thèse, Adèle Yon a suivi un parcours peu académique, qui entre autres l’a amenée à exercer dans la boucherie.

Une des lettres de « Betsy » à son mari durant ses fiançailles

Cette fille d’un producteur de films s’est tournée finalement vers la recherche sur le cinéma, en travaillant d’abord sur les personnages féminins fantomatiques qui hantent les héroïnes, comme dans « Rebecca » d’Alfred Hitchcock. Puis celui de sa bisaïeule s’est imposé.

Le titre du livre et de la thèse est issu d’une des lettres que « Betsy » envoie à son mari durant ses fiançailles, au début de la Seconde Guerre mondiale. Ces missives montrent une aversion aux contraintes sociales qui « a frappé » son arrière-petite-fille.

« Je cherche des cadres qui valorisent le fait qu’il n’y en ait pas »

« C’est très, très rare de voir une femme de ce milieu-là expliquer en 1940 que, si elle devait choisir un métier – déjà c’est énorme –, elle choisirait un poste d’institutrice de montagne pour être indépendante financièrement », explique-t-elle.

Ce caractère a passé les générations, comme en témoigne ce « piratage de la thèse ». « J’essaye d’aller à des endroits où je vais me faire le moins emprisonner possible dans un cadre », confie Adèle Yon. « Je cherche des cadres qui valorisent le fait qu’il n’y en ait pas ».

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.