Huawei : une nouvelle affaire de corruption au Parlement européen aux multiples implications

Par Germain de Lupiac
16 mars 2025 17:43 Mis à jour: 16 mars 2025 19:12

Après le Qatargate et le Greengate, le Parlement européen est secoué par une nouvelle affaire de corruption. Une série de perquisitions a été menée le 13 mars en Belgique et au Portugal, et un suspect a été arrêté en France, dans une enquête au sein de l’institution de l’UE ciblant l’entreprise chinoise Huawei.

Selon le parquet, la corruption aurait été pratiquée « régulièrement » et « très discrètement » depuis 2021, « sous couvert de lobbying commercial » et en prenant différentes formes, comme des rémunérations de prises de positions politiques ou encore « des cadeaux démesurés » comme des frais de bouche, de voyage, ou des invitations régulières à des matches de football.

En 2023, Bruxelles décrivait le géant des télécommunications chinois comme présentant le risque le plus élevé pour les pays de l’UE parmi tous les fournisseurs de 5G, appelant les États membres à exclure ses équipements de leurs réseaux mobiles.

Reporters sans frontières écrit au sujet de Huawei que « la firme, qui est un partenaire clé de la censure de l’internet chinois et de la répression dans la province du Xinjiang, a aussi été accusée d’intégrer dans certains de ses produits une ‘porte dérobée’, lui permettant d’accéder secrètement aux données des utilisateurs ».

Huawei est également soupçonné d’atteinte à la probité en France visant un ancien ministre et ex-élu local.

De nouvelles affaires de corruption au sein du Parlement européen

D’après le journal belge Le Soir, plusieurs lobbyistes actifs au Parlement européen ont été interpellés au cours de cette opération de police internationale le 13 mars. Au cœur de l’enquête figure un ex-assistant parlementaire employé comme directeur des affaires publiques au bureau bruxellois de Huawei.

« La corruption supposée aurait eu lieu au profit de l’entreprise Huawei », a indiqué le parquet, qui avait dans un premier temps refusé de confirmer que le fabricant chinois de smartphones était le corrupteur présumé. L’enquête vise des faits de « corruption active au sein du Parlement européen » ainsi que des « faux et usage de faux », le tout dans le cadre d’une « organisation criminelle ».

Les versements ou autres avantages patrimoniaux auraient été dissimulés « dans des flux financiers liés à des prises en charge de frais de conférences, et payés à différents intermédiaires ». Plusieurs documents et objets ont été saisis pour être analysés.

Le juge belge en charge de l’enquête a fait poser des scellés dans plusieurs bureaux du Parlement à Bruxelles et Strasbourg, en particulier dans ceux attribués à deux assistants parlementaires considérés comme suspects, a indiqué le parquet fédéral. Le Parlement européen a annoncé le 14 mars interdire temporairement l’accès à ses bâtiments de Bruxelles et Strasbourg à tous les lobbyistes et représentants du groupe chinois Huawei.

Aucun eurodéputé n’a été interpellé dans l’opération de police menée au moment où le Parlement était réuni en plénière à Strasbourg. Mais plusieurs élus seraient dans le collimateur des enquêteurs.

Une affaire qui fait écho au Qatargate

C’est la deuxième fois en moins de trois ans que le Parlement européen est éclaboussé par un scandale de corruption venant d’un pays étranger.

Dans le Qatargate, la justice belge enquête depuis 2022 sur des faits impliquant plusieurs ex-eurodéputés socialistes soupçonnés d’avoir été corrompus par deux puissances étrangères, le Qatar et le Maroc. Les deux pays, qui sont soupçonnés d’avoir fait des cadeaux ou versements en liquide afin de lisser leur image en matière de droits humains, ont toujours fermement nié.

« Depuis trop longtemps, les députés européens adoptent une approche insouciante de l’éthique et continuent de vivre dans une culture d’impunité », a réagi l’organisation Transparency international, jugeant ces nouvelles révélations sur Huawei « aussi graves » que celles du Qatargate.

Un autre scandale avait ébranlé le Parlement en janvier, quand l’ancien commissaire néerlandais Frans Timmermans avait organisé un système de financements d’ONG écologistes pour influencer les eurodéputés et les États membres en faveur du Pacte vert. Des signalements ont été déposés au Parquet national financier français et au Parquet européen, ainsi qu’à l’Office européen de lutte antifraude.

Huawei déjà soupçonné d’atteinte à la probité en France

En février 2024, les bureaux du géant chinois des télécoms Huawei ont été perquisitionnés à Boulogne-Billancourt dans les Hauts-de-Seine, dans une procédure portant sur des soupçons d’atteintes à la probité. L’enquête préliminaire a été menée par les magistrats du Parquet national financier (PNF).

Jean-Louis Borloo, ancien ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, est à l’origine d’une enquête judiciaire visant Huawei pour trafic d’influence, abus de biens sociaux et recel. Avant que l’affaire n’éclate, il avait été remplacé par l’ancien député et ministre PS Jean-Marie Le Guen au conseil d’administration de la filiale française. L’autre affaire d’atteinte à la probité visait une ex-élue locale, soupçonnée d’avoir perçu de l’argent du groupe chinois, pour permettre l’ouverture d’une usine Huawei en Alsace, d’ici à 2026.

La première usine Huawei hors de Chine doit être implantée en France en 2026

Le géant des télécoms chinois, qui prévoit l’ouverture d’une usine Huawei à Brumath en Alsace, d’ici à 2026 – sa première hors de Chine -, y débutera sa production d’équipements pour réseaux mobiles, notamment 5G, déclarait en décembre 2023 le directeur général adjoint de sa branche française.

La filiale du groupe chinois espère s’implanter grâce à cela en Europe et y commercialiser ses technologies en contournant les interdictions. Pourtant de nombreux pays dans le monde entier ont banni de leurs infrastructures l’équipementier chinois, lié au régime chinois, en raison des risques touchant à la sécurité nationale.

La loi dite « anti-Huawei » de 2019 visait à prémunir les réseaux français de « risques d’espionnage, de piratage et de sabotage » permis par la 5G chinoise, obligeant les opérateurs français, Bouygues Télécom et SFR à démonter toutes les antennes de Huawei d’ici à 2028. Mais la France a ensuite autorisé en catimini la prolongation de la 5G de Huawei jusqu’en 2031. L’entreprise revendique à présent une part de 20 % du marché français des infrastructures télécoms.

Alors que son implantation se finalise à Brumath, l’Allemagne envisage d’interdire les pièces fabriquées par Huawei et par ZTE, autre constructeur chinois, dans ses réseaux 5G à partir de 2026. La Commission européenne a appelé également les 27 pays membres et les opérateurs télécoms à exclure de leurs réseaux mobiles ces deux fournisseurs qu’elle juge à risque pour la sécurité de l’Union européenne. La Suède, le Danemark, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, ou encore le Royaume-Uni ont ainsi déjà banni Huawei de leur réseau 5G. C’est également le cas de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle‑Zélande, et des États‑Unis.

« Huawei n’est pas une entreprise indépendante » car derrière, « il y a le régime du Parti communiste chinois », déclarait Brigitte Guiraud, présidente de l’Association Initiative Citoyenne, lors d’un rassemblement le 18 mars 2021 à Brumath, pour dénoncer la répression par Pékin des Ouïghours, des Tibétains, des Mongols et du Falun Gong.

Huawei ou l’exportation du modèle de « techno-autoritarisme » chinois

Selon le rapport publié par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (Irsem), les entreprises chinoises comme Huawei offrent un aperçu du « techno-autoritarisme », ou de l’ « autoritarisme numérique » chinois, les smartphones et leurs applications servant à la surveillance et l’espionnage.

L’entreprise de technologie, qui fournit « des systèmes de surveillance de villes entières », a « un partenariat avec les forces de police », y compris au Xinjiang. Huawei a « signé un ‘accord de coopération stratégique’ avec le ministère de la Sécurité publique du Xinjiang », selon le chercheur allemand Adrian Zenz, docteur en anthropologie sociale et l’un des premiers à avoir dévoilé l’ampleur de la répression des Ouïghours.

Selon l’Irsem, Huawei pose de véritables problèmes de sécurité pour les pays qui installent tout ou partie de leurs infrastructures 5G. Un rapport produit par Capgemini estime que Huawei est en capacité d’écouter les conversations « des numéros mobiles […] de manière illimitée, incontrôlée et non autorisée », y compris un accès à la base de données de tous les numéros de téléphone des utilisateurs d’une technologie de Huawei.

Les employés du géant chinois des télécommunications Huawei auraient également travaillé au préalable pour des agences de renseignement ou des agences militaires chinoises, selon une étude de Christopher Balding, qui a analysé des milliers de CV d’employés divulgués en ligne, ce qui soulève d’importantes questions sur les liens de l’entreprise avec le régime chinois.

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