ENTRETIEN – Le directeur de la rédaction du magazine L’Incorrect Arthur de Watrigant revient pour Epoch Times sur les tensions entre la France et l’Algérie.
Epoch Times : Quelques jours après que François Bayrou a haussé le ton à l’égard du régime algérien en brandissant la menace d’une remise en cause des accords de 1968, Emmanuel Macron a rappelé dans Le Figaro que « L’accord de 1968, c’est le président de la République », recadrant ainsi le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, partisans de la fermeté vis-à-vis d’Alger. Comment interprétez-vous ce rappel à l’ordre du Président ?
Arthur de Watrigant : Emmanuel Macron n’a pas seulement recadré François Bayrou et Bruno Retailleau. Il a également renvoyé dos à dos son gouvernement et l’État algérien.
Il met sur le même plan un régime autoritaire qui n’hésite pas à censurer et à emprisonner – comme en témoigne l’incarcération de Boualem Sansal -, qui critique sans arrêt ses voisins, avec le gouvernement français. C’est à la fois étonnant et humiliant.
Et il a tenu ce propos lors d’un déplacement au Portugal. Je rappelle que la victime de l’attentat de Mulhouse tuée par un Algérien en situation irrégulière, Lino Sousa Loureiro, était de nationalité portugaise.
De son côté, la presse algérienne a rapidement réagi à ce recadrage. Le quotidien El Watan parlait ce mardi d’« effroyable cacophonie au sommet de l’État français ». Cette séquence ne risque-t-elle pas de décrédibiliser la parole de la France ?
La parole de la France est décrédibilisée depuis longtemps ! Aujourd’hui, nous sommes dans une période dans laquelle l’Europe tente d’exister alors qu’elle se fait humilier par Washington et Emmanuel Macron montre les muscles face à Vladimir Poutine tout en se montrant incapable d’être ferme contre le régime algérien. Nous avons connu mieux en crédibilité.
Néanmoins, le fait que François Bayrou soutienne la ligne de fermeté de Bruno Retailleau ne montre-t-il pas qu’une partie du centre est influencée par des idées plutôt marquées à droite ?
François Bayrou a inventé le « en même temps » avant Emmanuel Macron. Il s’est peut-être montré ferme cette fois-ci, mais ce ne sera sans doute pas le cas la prochaine fois. Quoi qu’il en soit, la situation politique est intenable : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée et le gouvernement ne dispose pas de marges de manœuvre pour agir concrètement.
Bruno Retailleau semble être le seul à avoir de l’épaisseur, mais ses paroles ne sont pas toujours suivies d’actes. Puis, il est en réalité sous l’autorité d’un Premier ministre qui n’est pas sur sa ligne, et ses collègues du gouvernement font campagne contre lui.
Par ailleurs, je pense qu’après les propos d’Emmanuel Macron, Bruno Retailleau aurait dû démissionner dans l’heure. Un ministre n’a pas à se faire comparer à Tebboune.
La France gagnerait-elle à s’inspirer de la méthode du rapport de force de la nouvelle administration américaine ? Donald Trump est-il trop brutal ?
Les Américains ont toujours été brutaux. Mais s’ils le sont, c’est parce qu’ils en ont les moyens.
La France, quant à elle, n’est plus en mesure d’imposer un vrai rapport de force au reste du monde : elle est endettée, désindustrialisée et le pouvoir politique est faible puisque l’Assemblée est divisée en trois blocs.
Cela étant, face à l’Algérie, nous disposons encore de moyens.
Quels sont ces moyens dont vous parlez ?
Nous pourrions fermer les consulats, bloquer les transferts d’argent et agir sur les visas par exemple.
Emmanuel Macron a, par ailleurs, indiqué qu’il ne souhaitait pas dénoncer de manière « unilatérale » les accords de 1968, mais je ne vois pas réellement au nom de quoi la France ne le ferait pas. Le régime algérien est très anti-France, refuse de récupérer ses ressortissants en situation irrégulière sur notre sol, etc.
Nous avons donc toutes les raisons de nous montrer intransigeants face à Alger.
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