Premier feu vert à l’Assemblée : les députés de la commission des Lois ont voté dans la nuit de vendredi à samedi une version remaniée du projet de loi immigration, qui revient sur les mesures les plus dures du Sénat, mais avec laquelle le camp présidentiel espère encore décrocher des voix de droite.
« C’est une grande satisfaction. Le gouvernement continuera d’être à l’écoute pour convaincre », a immédiatement réagi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur X.
Le projet de loi immigration, qui porte des mesures de grande fermeté et des exigences fortes d’intégration, vient d’être adopté en commission des lois après une semaine de débat. C’est une grande satisfaction. Le Gouvernement continuera d’être à l’écoute pour convaincre.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) December 2, 2023
Après une semaine d’examen, le texte, qui arrivera dans l’hémicycle à partir du 11 décembre, a été adopté peu après 2h00 du matin grâce aux voix du camp présidentiel et de députés Liot, et malgré l’opposition de la gauche et du RN.
« Peut-être que les parlementaires ont aussi vu qu’il n’y avait pas lieu de s’opposer et que devant l’évidence, devant l’utilité de toutes ces mesures, devant le fait qu’aucune personnalité politique avant nous n’avait réussi à agir de la sorte, eh bien, il fallait peut être nous laisser faire », s’est satisfait samedi sur France 2 le président de la commission des Lois Sacha Houlié (Renaissance).
Durcir le regroupement familial, l’aide médicale…
Les deux LR présents se sont divisés. Mansour Kamardine (Mayotte), qui a notamment fait adopter en fin de séance un amendement pour durcir le regroupement familial sur son territoire, a soutenu le projet de loi contrairement à Annie Genevard (Doubs), qui a voté contre. « Le compte n’y est pas pour nous », a-t-elle réagi auprès de l’AFP, estimant que le texte s’était « beaucoup trop éloigné dans ses fondamentaux de la version du Sénat ».
Parmi les mesures les plus commentées, l’aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers, que le Sénat avait remplacée par une aide médicale d’urgence, a été rétablie. Concernant l’expérimentation d’un dispositif de régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension, elle-aussi emblématique, le camp présidentiel a proposé « un compromis ».
Le Sénat prévoyait une procédure totalement à la main du préfet. La version adoptée en commission à l’Assemblée encadre le pouvoir de ce dernier, qui pourrait s’opposer à la délivrance du titre en cas de menace à l’ordre public, non-respect des valeurs de la République ou de polygamie.
Les députés sont revenus sur une partie des durcissements sénatoriaux sur le regroupement familial, l’accès à l’hébergement d’urgence, ou encore les conditions d’accès à certaines prestations sociales. Mais ils en ont aussi conservé plusieurs sur la nécessité de bénéficier de ressources régulières pour accéder au regroupement familial, les conditions d’accès au titre « étranger-malade », ou des exigences d’apprentissage de la langue française.
En commission, Gérald Darmanin n’a pas manqué de lister aux députés LR tous les ajouts du Sénat conservés dans le texte, insistant sur les mesures visant à faciliter les expulsions et réduire les délais d’examen de demandes d’asile. « Vous aurez beaucoup de mal à expliquer que ce n’est pas ce que veulent les Français », a-t-il lancé.
Lever les « protections »
Vendredi, les députés ont notamment adopté la levée de plusieurs verrous de « protections », contre l’expulsion d’étrangers en situation régulière quand ils ont commis certains crimes et délits graves, ou contre les décisions d’obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Ils ont aussi adopté une large réforme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Le texte vise à sa déconcentration grâce à des chambres territoriales. Au grand dam de la gauche, il pose aussi le principe de décisions par juge unique, la collégialité étant plutôt réservée aux cas jugés complexes, sauf pour les mineurs.
La gauche parlementaire, unie sur ce texte, a longuement attaqué les gages donnés à la droite, déplorant, à l’image de l’Insoumis Thomas Portes, « une loi raciste, xénophobe qui aura des conséquences mortelles pour des milliers de personnes ». Pour le chef des députés PS Boris Vallaud, le gouvernement fait preuve de « duplicité », en acceptant de revoir son dispositif de régularisation.
Le RN a vigoureusement critiqué un texte trop faible à ses yeux. Côté LR, la position du groupe a été en partie fragilisée par la parution d’une tribune de 17 députés ouverts à un vote du texte, s’il conservait suffisamment d’éléments du Sénat. En commission, les cadres du groupe sont repartis à l’offensive, tout en insistant sur la nécessité d’une réforme constitutionnelle que le groupe doit défendre dans l’hémicycle le 7 décembre.
Au-delà de certaines voix à droite, Beauvau espère pouvoir compter sur le groupe indépendant Liot, et plus largement sur des députés ultramarins d’autres camps. L’examen en séance sera aussi un révélateur pour le ministre, Gérald Darmanin entendant bien décrocher une victoire sans que le gouvernement ait recours au 49.3.
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