« La lecture de versets du Coran » a soudain été interrompue « au moment de l’explosion », raconte sur son lit d’hôpital Obaidullah, au lendemain de l’attentat-suicide ayant visé un rassemblement religieux qui a provoqué la mort d’au moins 55 personnes mardi à Kaboul. « Puis je me suis retrouvé couvert du sang qui jaillissait de mon visage », ajoute l’homme dont le visage et le thorax sont en partie cachés par des pansements.
Une vidéo réalisée pendant le drame, largement partagée sur les réseaux sociaux et diffusée à la télévision afghane, fait entendre la lecture de ces versets, à laquelle un éclair de lumière met un terme dans l’immense salle où étaient réunis les convives. « Après l’explosion, j’étais étendu à terre, couvert de chair et de sang », se souvient quant à lui Ahmad Fareed, alité un peu plus loin avec des bandages sur le torse, une épaule et sa jambe gauche.
« J’ai essayé de me relever mais je ne pouvais pas bouger à cause de ma jambe », poursuit d’une voix lente cet homme de 40 ans. « La plupart des gens autour de moi étaient morts. Leurs corps ont dû me protéger car le kamikaze était proche de nous », témoigne-t-il. « C’est peut-être pour ça que je suis encore en vie ». D’après un dernier bilan, plus de 94 personnes ont également été blessées dans l’attaque, parmi les plus meurtrières de l’année en Afghanistan.
Ahmad Fareed, qui dit avoir été fouillé par la sécurité « au moins trois fois » avant de pénétrer dans la salle, n’aurait « jamais imaginé qu’on puisse attaquer un rassemblement de religieux et particulièrement en ce jour sacré », où était commémoré la naissance du prophète Mahomet. Un millier de personnes assistaient comme lui à deux commémorations mardi à l’Uranus wedding hall, selon un manager de ce grand complexe dans lequel sont généralement organisés des mariages, mais où se déroulent aussi de vastes rassemblements.
« Au rez-de-chaussée, il y avait des oulémas de tout l’Afghanistan, dont des membres du Conseil des oulémas », la plus haute institution religieuse de ce pays, a déclaré à l’AFP le mufti Shams Rahman Frotan. « L’explosion s’est produite au premier étage, où un autre rassemblement était organisé par des religieux soufis », une branche mystique de l’Islam, a-t-il ajouté. On ignore toujours si l’attentat-suicide, qui n’a pas été revendiqué, visait expressément la communauté soufie. Alors que des musulmans du monde entier célèbrent la naissance du prophète, certains fondamentalistes considèrent ce rituel hérétique.
« Il y a beaucoup de groupes religieux en Afghanistan qui s’opposent à la célébration de l’anniversaire du prophète et se font sauter, que vous soyez soufi ou non », a commenté un conseiller du ministre des Affaires religieuses, Mehrab Danish, interrogé par l’AFP. Les talibans, par la voix de leur porte-parole Zabihullah Mujahid, ont sur la messagerie WhatsApp « fermement condamné cette attaque ». Le groupe Etat islamique (EI), à l’origine de la plupart des attentats-suicides en Afghanistan, est resté silencieux. Pour le vice-président Afghan, Abdullah Abdullah, qui s’entretenait mercredi avec l’AFP, que « les talibans clament leur responsabilité ou la nient, ils sont responsables d’avoir crée l’environnement actuel » en Afghanistan, « ils sont responsables de la violence ».
Mercredi matin, des employés s’affairaient pour nettoyer l’entrée du bâtiment en prévision de nouveaux événements. Au premier étage, des traces du chaos de la veille étaient toujours visibles. Chaises renversées, débris de plafond mais surtout de grandes tâches de sang à la surface des tapis et des dizaines de chaussures, foulards, turbans ou chapeaux éparpillés sur le sol. Les condamnations internationales ont afflué, comme après chaque attentat en Afghanistan.
Le chef de la mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), Tadamichi Yamamoto, estime ainsi que « l’attaque d’hier à Kaboul n’est rien de moins qu’une atrocité ». Le département d’Etat américain a condamné un « acte sans vergogne ». La délégation de l’Union européenne en Afghanistan a jugé que l’attentat était « une attaque contre nous tous, religieux ou non, qui chérissons la liberté ». Mardi soir, le président afghan Ashraf Ghani avait quant à lui fustigé les « ennemis de l’Islam » et décrété mercredi journée de deuil national.
D.C avec AFP
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