ENTRETIEN – Vendredi soir, le marché de Noël de la ville de Magdebourg a été la cible d’une attaque à la voiture-bélier. Le bilan est de 5 morts et 200 blessés. Le suspect, placé en détention provisoire le lendemain, est un psychiatre de 50 ans d’origine saoudienne arrivé en Allemagne en 2006. L’historien allemand et professeur de civilisation allemande à l’université de Lorraine à Metz, Ulrich Pfeil revient sur ce drame.
Epoch Times : Ulrich Pfeil, le profil de l’auteur de l’attaque est atypique. Sur les réseaux sociaux, il dénonçait les « dangers » de l’islamisation de l’Allemagne. La ministre de l’Intérieur allemande, Nancy Faeser, l’a d’ailleurs qualifié d’« islamophobe ». Cet attentat n’a apparemment rien à voir avec les précédents, notamment l’attaque au couteau à Mannheim en mai 2024 ou l’attentat de Berlin en décembre 2016. Ce type d’attaque est donc une première outre-Rhin ces dernières années ?
Ulrich Pfeil : Oui, tout à fait, c’est une première. D’ailleurs, si ce dernier a finalement pu passer à l’acte, c’est précisément parce que les autorités allemandes, qui l’observaient depuis dix ans, ne sont jamais parvenues à déterminer son appartenance idéologique : il n’est pas islamiste, d’extrême gauche ou d’extrême droite. Il est donc passé entre les mailles du filet.
Maintenant, évidemment, les Allemands se demandent pourquoi il n’a pas été arrêté avant et attendent toujours des réponses.
Selon une source anonyme proche du gouvernement saoudien à l’AFP, Ryad avait demandé à Berlin l’extradition du suspect et avait alerté plusieurs fois sur le fait qu’il « pourrait être dangereux ». Y a-t-il eu, selon vous, une faute de la part des autorités allemandes ?
Le gouvernement allemand, notamment par la voix de la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser, a promis que cet attentat fera l’objet d’une enquête. Il est donc, à mon avis, trop tôt pour affirmer que les autorités ont commis une faute.
Paradoxalement, cet attentat pourrait-il renforcer l’AfD à l’approche des élections législatives anticipées du 23 février ?
Certains médias ont affirmé que l’assaillant est un sympathisant de l’AfD parce qu’il pense que le gouvernement allemand ne lutte pas efficacement contre les islamistes. Mais il n’est pas exclu que le parti d’Alice Weidel puisse tirer son épingle du jeu pour les élections à venir.
D’ailleurs, l’AfD a réagi en affirmant que le suspect n’avait rien à voir avec lui et a retourné la situation a son avantage en reliant l’attentat au manque de contrôle aux frontières. À mon avis, cette attaque sera un sujet important de la campagne électorale qui va commencer début janvier.
La CDU/CSU, favorite des sondages, pourrait-elle également attirer plus d’électeurs ? On sait que le leader conservateur, Friedrich Merz, prône le retour à l’ordre et une politique migratoire plus stricte.
Oui, peut-être. Mais je note que la CDU n’est pas toujours cohérente avec son propre discours. Récemment, le gouvernement social-démocrate a voulu faire adopter deux lois visant notamment à restreindre les demandes d’asile et à renforcer les contrôles aux frontières, et le parti de droite ne les a pas votées. C’est quand même étrange ! Peut-être qu’il ne l’a pas fait pour être en mesure de faire adopter le même type de lois, une fois au pouvoir dans deux mois. Nous verrons…
Il nous reste maintenant à observer comment le gouvernement actuel ainsi que les Verts vont profiter de cette décision des conservateurs de ne pas avoir voté ces lois.
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