Abdoul-Hakim Anaiev, l’ami du jihadiste qui a tué en 2018 un passant à Paris près de l’Opéra, a été condamné mardi à 10 années de réclusion criminelle assorties d’une période de sûreté des deux tiers par la cour d’assises spéciales de Paris.
Après plus de cinq heures de délibérations, le jeune homme de 26 ans a été jugé coupable de participation à une association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation de crimes. Il est également condamné à trois ans de suivi socio-judiciaire.
« Bien sûr nous aurions aimé, sans esprit de vengeance, sans esprit de revanche, que la cour aille un peu plus loin dans la condamnation », a réagi Carole Masliah, une des avocates représentant des parties civiles. « La décision de la cour d’assises nous laisse un sentiment d’apaisement », a déclaré pour sa part Florian Lastelle, l’un des deux avocats de l’accusé, ajoutant que cette décision allait « permettre à ce jeune homme intelligent de préparer utilement sa réinsertion ».
Le ministère public avait requis plus tôt dans la matinée 17 ans de réclusion criminelle assortis d’une période de sûreté des deux tiers. Il était jugé pour avoir joué un rôle central dans le conditionnement de son ami Khamzat Azimov, rencontré au lycée.
Ce dernier, un Franco-Russe né en Tchétchénie, a tué le 12 mai 2018 au couteau de cuisine Ronan Gosnet, 29 ans, employé d’une librairie du quartier du Palais Garnier, après une lutte acharnée. L’assaillant s’en était pris à une dizaine de personnes, en blessant quatre, avant d’être abattu par la police. L’attaque avait été revendiquée par le groupe de l’organisation terroriste État islamique (EI), qui avait diffusé le lendemain une vidéo dans laquelle Azimov faisait allégeance à l’organisation jihadiste.
L’accusé reconnaît avoir été « radicalisé »
Tout au long des cinq jours du procès, Abdoul-Hakim Anaiev a reconnu avoir été « radicalisé » et avoir partagé « cette idéologie » jihadiste, « bien que dégoûtante », sur les réseaux sociaux. Il a toutefois fermement démenti avoir influencé son « frère de sang », tel qu’il le désignait lors de son interpellation en mai 2018, à commettre l’attaque. « Il regardait déjà des vidéos de propagande » et n’avait pas « besoin de moi pour la religion », a-t-il martelé lundi.
Les deux hommes, nés en 1997 en Tchétchénie, se sont rencontrés au lycée à Strasbourg où ils ont noué une forte amitié, au point d’être décrits comme « des frères » ou « des cousins » par deux témoins entendus vendredi. Ils avaient pourtant des personnalités très différentes : Azimov est dépeint par plusieurs témoins comme « très discret », « timide », « frêle physiquement », selon un de leurs professeurs du lycée.
« Pour moi cette personne c’est un mystère, il prononce presque aucun mot », a souligné Abdoul-Hakim Anaiev lundi. L’accusé, quant à lui, est d’abord décrit comme « renfermé », « introverti », par son professeur du lycée, avant de changer « d’attitude » pendant les « trois derniers mois » de son année de terminale.
« Malheureusement, j’ai pas choisi la bonne trajectoire »
« J’étais en train de me radicaliser à ce moment-là », a expliqué M. Anaiev, « à partir de la seconde j’avais deux trajectoires possibles et malheureusement, j’ai pas choisi la bonne ». D’abord intéressé par l’histoire de la Tchétchénie et les deux guerres que la république russe du Nord-Caucase a traversées, il se tourne ensuite vers « la situation en Syrie », dans la foulée de la guerre civile qui a éclaté dans le pays en 2011, jusqu’à adopter une position pro-EI. Sur ses réseaux sociaux, il partage des messages de propagande, affiche sa radicalisation et échange avec d’autres sympathisants de l’EI. Il déclare « comprendre » que son ami est lui aussi « radicalisé » en le découvrant face à une vidéo de propagande de l’EI.
En classe, alors que des hommages sont organisés après les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan en 2015, M. Anaiev affirme avoir « condamné » les attaques. Son ami, lui, s’y « refuse ». « Comment je peux inciter quelqu’un à commettre un attentat alors que je les ai condamnés ? », a-t-il demandé. Interrogé avant que la cour ne se retire pour délibérer, il a simplement indiqué : « Je ne veux pas continuer à gâcher cette vie ». Mardi, debout dans le box, barbe taillée, chemise bleu clair et pantalon gris, Abdoul-Hakim Anaiev a écouté sans bouger l’énoncé du verdict.
Son procès intervenait deux semaines après l’assassinat de Dominique Bernard, enseignant poignardé à mort à Arras le 13 octobre par un ancien élève russe originaire d’Ingouchie.
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