Au 3928, des juristes au téléphone traquent les discriminations

Par Epoch Times avec AFP
9 avril 2024 08:10 Mis à jour: 9 avril 2024 08:38

« Antidiscriminations bonjour » : au 3928, le numéro du Défenseur des droits consacré à la lutte contre les discriminations, de jeunes juristes écoutent, rassurent et orientent des interlocuteurs souvent en détresse sur cette ligne confidentielle, qui a connu un boom de +25% d’appels en 2023.

Sous une affiche « victime ou témoin de discrimination ? 3928 » placardée au mur, Aya (les agents cités par leur seul prénom ont requis l’anonymat) décroche. Un homme, ému, raconte un litige avec son employeur et sa tentative de suicide sur son lieu de travail.

« Navrée d’entendre cette situation », lui répond la jeune femme de 24 ans. « Vous subissez des représailles par rapport à ce mail, pas par rapport à vos activités syndicales ? », l’interroge-t-elle. « Je pense que c’est un peu des deux », avance-t-il.

L’« écoutante-juridique » l’invite alors à saisir le Défenseur des droits pour une possible discrimination syndicale, avant de lui proposer les coordonnées d’un organisme compétent en droit du travail. « Je vais prendre de quoi noter parce que là, avec les cachets, j’ai la tête à l’envers », lance-t-il.

Le coup de fil a duré dix minutes. « Le réclamant, quand il pose son problème, met beaucoup d’émotion », développe Gaëtan Mavungu Mvumbi. « Notre travail, c’est de le qualifier juridiquement. Est-ce de la discrimination ou non ? », poursuit le jeune homme de 30 ans.

50 et 60 appels par jour

Sur cette plateforme, en service depuis trois ans, 56% des appels pour une première demande évoquent une situation de discrimination, liée d’abord à l’origine ou au handicap. La majorité des appels en matière de discrimination sont orientés vers une saisine de cette autorité indépendante.

Au 3928, la sonnerie retentit entre 50 et 60 fois par jour (du lundi au vendredi), selon sa responsable, Sine Sall. Beaucoup plus parfois, comme les 117 appels reçus au lendemain de la sortie du rapport du Défenseur des droits fin mars. Mais beaucoup de victimes de discriminations en matière d’emploi n’entament pas de démarches par peur de représailles, reconnaît l’institution.

En ce matin d’avril, le téléphone sonne 12 fois. Marina décroche: une femme au débit rapide appelle pour sa meilleure amie, harcelée par son beau-père qui prend des photos d’elle « toute nue ». « Si elle a peur d’aller voir directement les forces de police, elle pourra déjà appeler le 3919 », le numéro d’urgence pour les femmes victimes de violences, recommande Marina.

« Mettre en place une solution amiable »

Restée calme pendant ces quatre minutes, la juriste de 25 ans souligne l’aspect « psychologique » de sa mission. « Il ne faut pas qu’ils ressentent dans nos voix ou dans nos expressions peut-être une crainte ou de l’agacement, qu’ils ne ressentent pas qu’on puisse être impuissant », analyse-t-elle.

Nouvel appel, une femme encore – elles représentent la majorité des appels en 2023 – qui affirme qu’une ex-amie la harcèle. « J’arrive plus », lâche-t-elle en sanglots.

Aya lui conseille de saisir la justice, donne des numéros d’association, le Défenseur des droits n’étant pas compétent dans cette situation de vie privée. « On est une voie en médiation, notre rôle, c’est vraiment de mettre en place une solution amiable », explique Merisis à un homme appelant pour un soupçon de discrimination lié au handicap de son fils scolarisé en école privée. Au même moment, une femme s’inquiète d’un harcèlement subi par son fils, en situation de handicap, « de confession musulmane » et « d’origine maghrébine » selon sa mère, relate Marina.

Dans les deux cas, il leur est conseillé de saisir le Défenseur des droits. D’autres juristes traitent ensuite les dossiers. Au clavier, Aya répond à une personne sur le tchat de la plateforme antidiscriminations.fr. « Je voulais re-postuler avec un Nom et Prénom Français pour voir si ce n’est pas mes origine (sic) », écrit-elle. Aya l’encourage à utiliser cette méthode du « testing ».

Certains appels marquent plus que d’autres. Un jour, une femme affirme à Merisis que les « cheveux afro » de sa petite sœur ont été qualifiés de « sales et mal entretenus » dans son école privée.

Selon elle, l’établissement rend alors les cheveux « lissés » obligatoires. Le dossier est toujours en cours. L’Assemblée nationale, elle, a voté fin mars en première lecture une proposition de loi pour sanctionner, notamment au travail, « la discrimination capillaire ».

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