L’un fêtait son anniversaire avec presque deux grammes d’alcool dans le sang, l’autre roulait 50 km/h au-dessus de la limite de vitesse. Au-delà de l’affaire Palmade, c’est tous les jours que la justice tente de mettre un stop aux chauffards en tous genres.
Le retentissement du grave accident de la circulation causé par l’humoriste sous emprise de la cocaïne a mis en lumière le traitement judiciaire des infractions routières. Ce contentieux passe souvent sous les radars alors qu’il représente plus de 40% des condamnations délictuelles prononcées chaque année en France.
Sur les 21 dossiers figurant ce lundi au programme de la 11e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny (Seine-Saint-Denis), 10 portent sur des délits routiers, jugés au milieu de diverses procédures pour vol à l’étalage, recel de vélo volé ou accrochages avec les forces de l’ordre.
À 17h30 le dimanche 15 octobre 2021, les policiers de Bondy interceptent une voiture circulant à vive allure sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute A3. Au volant, ils découvrent Larbi A., un cariste de 54 ans passablement imbibé. Le test révèle un taux d’alcoolémie à 1,6 g d’alcool par litre de sang, soit près du triple de la limite légale de 0,5 g/l. Postillonnant, empestant l’alcool, Larbi A. invective les policiers. Mocassins à glands en plastique aux pieds, ce grand échalas au profil en bec d’aigle explique dans une tirade inintelligible qu’il se rendait chez son beau-père avec sa femme pour fêter son anniversaire.
– « C’est dangereux de rouler sur la bande d’arrêt d’urgence ! s’alarme la présidente.
– J’avais un problème de gasoil : le moteur tirait pas beaucoup par rapport aux injecteurs.
– Vous aviez un problème d’alcool surtout… »
À l’encontre de ce prévenu « inconscient », alcoolique et au casier judiciaire constellé de condamnations pour des délits routiers, la procureure requiert six mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans.
Perte de son emploi, transports en commun
Dans une salle clairsemée présidée par une unique juge, les prévenus du jour, qui se présentent pour beaucoup sans avocat, sont tous des hommes. Un facteur de genre qui reflète une réalité de la route. Selon les chiffres de la Sécurité routière, qui a lancé en janvier une campagne de sensibilisation à destination des hommes, ces derniers représentent 78% des personnes tuées sur la route et 84% des responsables présumés d’accidents mortels.
Les 0,62 g/l d’alcool dans le sang d’Houdayfi I., arrêté pour absence d’usage des clignotants et non-respect de règles de sécurité fin janvier à 01h30 du matin sur l’A86, n’auraient dû lui valoir qu’une simple amende. Mais jugeant son contrôle injustifié, ce chauffeur Uber de 27 ans perd ses nerfs. Dans le véhicule qui l’emmène vers le commissariat, il se montre menaçant envers un policier : « Je vais mettre un coup de volant et tu vas te faire crever ! » « Quand j’étais jeune, j’avais 18 ans, j’ai déjà perdu mon permis. J’ai attendu mes six mois comme tout le monde, j’ai repassé le code, j’ai fait mes trois ans (de permis probatoire) et eux ils veulent me suspendre mon permis ! », se justifie à la barre le jeune homme en survêtement de sport, qui a perdu son travail en raison de son interdiction de conduire.
Au volant d’une Mercedes Classe A, Mamoun F. a lui été flashé à 146 km/h sur l’A86 limitée à 90 km/h, et ce alors qu’il était en suspension de permis et avait fumé « 2-3 joints » la veille. « Je reconnais les faits, j’étais sur l’autoroute, je roulais vite », soupire avec un geste de résignation ce pharmacien de 30 ans. Le tribunal condamne ce père de trois enfants à 30 jours-amende à dix euros, 200 euros de contravention et six mois de suspension de permis de conduire. Faute de voiture, c’est désormais en transports en commun que Mamoun F. va au travail.
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