Croissance en berne, inflation en hausse: un an après l’élection de l’ancien champion de cricket Imran Khan à la tête du Pakistan, la colère monte parmi une population qui peine de plus en plus à joindre les deux bouts.
Une « Journée noire » de manifestations devrait marquer le 25 juillet le premier anniversaire de l’élection de M. Khan à la tête de ce pays de 207 millions d’habitants à l’économie fragile et plombé depuis des mois par une crise aiguë de sa balance des paiements. Confronté dès son entrée en piste à cette urgence, Imran Khan a dû prendre des mesures impopulaires et en contradiction avec sa promesse électorale d’« Etat-providence islamique ».
La roupie s’est effondrée de 30% face au dollar
En un an, la roupie s’est effondrée de 30% face au dollar, tandis que l’inflation grimpe et pourrait franchir bientôt la barre des 10%. La croissance a connu un coup de frein à 3,3% en 2018-19, contre 6,2% attendus. « Le prix des tomates atteint des sommets », se lamente Shama Parveen, 30 ans, qui vient de parcourir plusieurs kilomètres à pied sous le soleil impitoyable de Karachi en quête de légumes moins chers. « La vie est devenue difficile », lâche-t-elle.
« Il faut que je gagne au moins 1.000 roupies (5,6 euros) par jour pour couvrir mes dépenses », explique un vendeur de henné, Mohammad Ashraf. « Or ces jours-ci je ne gagne que 500 ou 600 roupies », déplore ce sexagénaire. « Je me demande parfois, si je tombais malade, comment pourrais-je me payer des médicaments et un traitement ? Je crois que je mourrais ».
Le Pakistan s’est récemment vu accorder un prêt de six milliards de dollars par le Fonds monétaire international (FMI), le 22e de son existence. Imran Khan a également obtenu ces derniers mois plusieurs milliards de dollars de prêts de pays amis comme l’Arabie saoudite ou la Chine. Mais cela n’a pas suffi et le gouvernement a été contraint le mois dernier de présenter un budget d’austérité prévoyant une forte hausse des recettes fiscales et des réformes impopulaires.
Les commerçants ont ainsi été sommés de régulariser leurs activités au noir. Le 13 juillet, des milliers d’entre eux ont tiré le rideau en un mouvement de protestation très suivi dans le pays. « Ce gouvernement a complètement échoué. Il appauvrit le pays chaque jour qui passe », déplore pour sa part Ayaz Ahmed, un jeune homme qui manifestait avec des milliers d’autres vendredi dernier à Rawalpindi contre la hausse des prix.
Pour certains Pakistanais, même manifester relève du luxe.
« Je ne peux pas me permettre de perdre ne serait-ce qu’une journée de travail », explique Naseem Akhtar, un vendeur d’épices de Karachi. Selon Asghar Ali, professeur d’économie à l’université de Karachi, huit millions de personnes pourraient rapidement basculer sous le seuil de pauvreté.
La féroce lutte anti-corruption mise sur pied par Imran Khan fait « des ravages » estime-t-il, évoquant le « harcèlement » subi par les entreprises et l’arrestation de nombreux opposants. Pour le président de l’Institut de recherche de finance islamique, Shahid Hasan Siddiqui, la situation est même « pire qu’en 1998, lorsque le pays a survécu aux sanctions internationales infligées après ses tests nucléaires ».
Lui aussi pointe la question des impôts. Selon les estimations, seul 1% des Pakistanais en paie actuellement, une situation à laquelle le gouvernement, aiguillonné par le FMI, tente de remédier. Mais il a parallèlement offert une amnistie qui « permet aux riches de blanchir leur argent sale en ne payant que 1,5% d’impôt », critique M. Siddiqui. « Par contraste, chaque pauvre qui achète des produits de base paie 17% » de TVA, souligne-t-il.
Les pauvres n’ont pas l’occasion de voir de l’intérieur des hôpitaux
L’écrivain pakistanais Mohammad Hanif est encore plus critique: il est rare que les pauvres « aient l’occasion de voir de l’intérieur les hôpitaux ou les écoles construits avec (leurs) impôts », écrit-il dans une cinglante tribune parue la semaine dernière dans le New York Times.
Imran Khan, perçu comme très proche de la puissante armée pakistanaise, s’est aussi distingué en appelant son chef d’Etat major, le général Qamar Javed Bajwa, à siéger dans un haut comité chargé des questions économiques.
Ce général a immédiatement attribué les difficultés du pays à la « mauvaise gestion budgétaire » des dirigeants précédents. L’armée pakistanaise, qui a dirigé le pays pendant près de la moitié de ses 72 ans d’existence, est soupçonnée d’avoir œuvré en sous-main pour faire élire Imran Khan. « Lui-même n’est pas sûr s’il a été élu ou choisi », raille M. Hanif dans sa tribune.
Mais pour l’homme de la rue, ces manœuvres ne signifient rien et le temps presse. Mohammad Imran, qui vend des oignons à Karachi, explique qu’il n’arrive à plus à rembourser ses dettes. « Que dois-je faire ? Je pourrais me suicider un jour ».
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