La prison du Sri Lanka où il a été incarcéré l’an dernier a connu un moment de rare concorde, lorsque prisonniers et gardiens se sont pressés pour l’accueillir : c’est l’homme qui a renversé le président.
Le leader étudiant Wasantha Mudalige reste un symbole pour beaucoup, car il a su canaliser la colère de la population face à une crise économique sans précédent et constituer un mouvement qui a ébranlé les fondements du système politique srilankais.
Au plus fort des troubles de l’été dernier, il a participé au siège du palais présidentiel à Colombo, qui a conduit Gotabaya Rajapaksa, le président autrefois apprécié, à un exil humiliant. Et aujourd’hui l’activiste de 29 ans assure que le pays se prépare à une nouvelle révolte.
Le jeune homme, dont le visage chérubin dissimule des affrontements féroces avec la police anti-émeute, a passé des mois derrière les barreaux pour terrorisme.
Il se rappelle avoir « été accueilli très chaleureusement » à la prison, avec deux compagnons de lutte. « Même les gardiens de prison nous ont beaucoup soutenus. Ils nous considéraient comme les héros qui s’étaient débarrassés de Gota », le président déchu, a-t-il raconté à l’AFP en juin, après une audience devant le tribunal.
Aujourd’hui homme libre, M. Mudalige estime que son incarcération était un « sacrifice » nécessaire dans la bataille inachevée pour réformer le système politique du Sri Lanka. Car « même si on s’est débarrassés de Gota, on n’a pas pu avoir le « changement de système » qu’on demandait ».
L’ancien chef de la Fédération inter-universitaire des étudiants (IUSF) « ne pense pas que le gouvernement puisse continuer longtemps ». « Quand tu analyses la situation, ce n’est pas possible », ajoute-t-il.
Une large coalition de moines bouddhistes à ses côtés
L’an dernier, Wasantha Mudalige avait à ses côtés une large coalition de moines bouddhistes vêtus de safran, de militants des minorités et de citoyens ordinaires indignés par la corruption du gouvernement et la mauvaise gestion de la crise économique.
« Ils n’avaient pas d’autre choix que de descendre dans la rue parce qu’ils n’avaient pas de carburant, pas de nourriture, pas d’électricité… les gens mouraient dans les files d’attente pour de l’essence », fustige l’activiste.
Le successeur de Rajapaksa, Ranil Wickremesinghe, a rapidement cherché à rétablir l’ordre en ordonnant à la police d’arrêter les dirigeants du mouvement.
Mudalige a été interpellé dans la rue alors qu’il quittait une manifestation contre la répression. Il a passé 167 jours en détention, soit la plus longue période de détention de tous ceux qui ont participé à la révolte de l’année dernière.
Il a été libéré sous caution, les charges les plus graves retenues contre lui ayant finalement été abandonnées après l’intervention et la condamnation d’Amnesty International et d’autres groupes de défense des droits humains.
Un plan de sauvetage en échange d’un programme d’austérité
Après la chute de son prédécesseur, M. Wickremesinghe a cherché à reconstruire le Sri Lanka grâce à un plan de sauvetage du FMI en échange d’un programme d’austérité. Si les pénuries qui avaient attisé la colère du peuple ont pris fin, les fortes hausses d’impôts et des factures d’énergie sont vite devenues impopulaires.
Le président Wickremesinghe affirme que ces réformes sont nécessaires pour sortir le Sri Lanka de la faillite et relancer la croissance économique. En février, il s’est engagé à aller de l’avant « quels que soient les obstacles que les forces politiques anarchistes cherchent à créer ».
Son administration a maintenu une ligne dure à l’égard des protestataires, dispersant les manifestations à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Mais Wasantha Mudalige prévient que les frustrations de la population acculée par la spirale des prix la ramèneront à coup sûr dans la rue.
« Il arrivera un moment où on devra inévitablement lancer une nouvelle bataille. La forme de cette bataille ne sera peut-être pas la même que la précédente (…), mais de toute évidence, il y aura un combat du peuple », promet-il.
« Le gouvernement utilise la police et l’armée pour supprimer toute dissidence. C’est comme essayer de faire couler une balle en plastique », explique-t-il. « Tu peux le faire autant de temps que tu veux, ça remontera toujours à la surface. »
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